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Handicap psychique : les services spécialisés à la loupe

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En l’espace de quelques années, les services d’accompagnement spécialisés dans la prise en charge du handicap psychique ont montré leur efficacité. Leur premier résultat est d’avoir développé une approche éducative et citoyenne d’une population jusqu’alors perçue à travers le filtre unique de la maladie mentale. Une recherche-action réalisée par le Cedias-Creahi Ile-de-France vient éclairer leur fonctionnement.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis la loi du 11 février 2005 qui reconnaissait pour la première fois l’existence d’un handicap d’origine psychique. Passé les premiers questionnements sur le flou de la population concernée, l’idée que sa prise en charge obligeait à revoir les certitudes en vigueur s’est imposée. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont entamé une révision du GEVA (Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées), afin de le rendre compatible avec des besoins de compensation globaux, inscrits sur le long terme mais souvent intermittents, touchant autant à la psychiatrie qu’au soutien aux actes de la vie quotidienne, au logement ou à l’emploi. La législation a accompagné ce mouvement en ouvrant la possibilité aux services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) d’inclure dans leurs missions des prestations médicales ou paramédicales (1). A leurs côtés, des services d’accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés (Samsah) dédiés au handicap psychique sont venus compléter l’équipement médico-social de nombreux départements (2).

Reste que plusieurs questionnements freinent le développement de ces services: leur spécialisation dans le handicap psychique est-elle pertinente ? Jusqu’où faut-il aller dans leur médicalisation ? Pour certains acteurs, la maladie psychique supposerait en effet de privilégier les Samsah au détriment des SAVS, moins médicalisés. D’autres, à l’inverse, craignent que le développement des Samsah vienne concurrencer le secteur psychiatrique et entraîne un désengagement des professionnels de la santé mentale.

D’où l’intérêt de la recherche-action dont les résultats devaient être présentés les 19 et 20 janvier (3). Le Cedias-Creahi Ile-de-France a entrepris de comparer dix services d’accompagnement prenant en charge des personnes en situation de handicap psychique (4). L’étude, conduite en partenariat avec les chercheurs des CREAI d’Alsace, de Bretagne et le Creahi d’Aquitaine, s’est appuyée sur un panel de quatre Samsah et quatre SAVS spécialisés et de deux SAVS généralistes mais accueillant des handicapés psychiques. Illustrant la diversité des réponses déployées pour ce public, certaines structures sont issues du secteur médico-social, d’autres proviennent de la psychiatrie institutionnelle, un troisième groupe, enfin, s’inscrit dans la mouvance des associations de familles représentées par l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et handicapées psychiques).

Premier constat, l’absence de définition du handicap d’origine psychique n’a pas, comme on pouvait le craindre, entraîné la transformation de certains services sociaux ou médico-sociaux en supplétifs de la psychiatrie. « Les services montrent que la dimension psychiatrique des usagers n’est pas un problème. Sous le terme de schizophrénie, par exemple, les acteurs voient une souffrance, un sentiment d’isolement, une difficulté à assurer les actes de la vie quotidienne et à construire des liens durables. Si bien qu’on retrouve sous ce même diagnostic des personnes extrêmement différentes qui relèvent pour certaines de SAVS plus légers, pour d’autres de Samsah outillés pour répondre à des besoins médicalisés ou de soutien à domicile durable », explique Carole Peintre, directrice scientifique de la recherche-action.

Au centre, la rencontre

En l’espace de quelques années, les SAVS et les Samsah spécialisés ont développé une véritable approche éducative du ­handicap psychique. Selon la recherche, la différence fondamentale entre l’accompagnement qu’ils proposent et l’action d’un autre dispositif sanitaire ou social porte sur la place accordée à la personne : « Ni patient, ni usager d’une prestation ou d’un équipement, mais d’abord citoyen. » Un des dix services étudiés, le SAVS Espoir 54 (Meurthe-et-Moselle), a ainsi choisi de faire passer la personne accompagnée d’un statut d’« usager » à celui d’« adhérent usager », qui élit ses représentants au conseil d’administration et au bureau de l’association. « Le handicap psychique ne touche pas obligatoirement les compétences intellectuelles, précise Stéphane Voinson, psychologue et directeur du SAVS. La plupart des personnes que nous accueillons ont déjà fait un travail sur elles-mêmes en lien avec des psychologues ou des psychiatres. Elles ont donc beaucoup à nous apprendre sur le sens du vivre ensemble, de la solidarité et de l’entraide à l’intérieur de nos services. »

Cette place citoyenne trouve son expression dans les objectifs assignés à l’accompagnement. « Celui-ci part des demandes de la personne, de sa parole telle qu’elle est exprimée », observent les chercheurs. Tout le travail de l’équipe consiste à mettre cette parole à l’épreuve de la réalité pour l’aider à évoluer. « L’idée est d’insérer la personne de manière plausible dans un milieu de vie ordinaire. On s’aperçoit par exemple que beaucoup d’usagers viennent avec une demande d’insertion professionnelle. Cela ne signifie pas forcément qu’ils sont employables, mais cette demande exprime un désir sur lequel l’équipe pourra s’appuyer pour aller plus loin », illustre Carole Peintre.

Si les SAVS et les Samsah ont vocation à intervenir d’abord au domicile de la personne, le décret du 11 mars 2005 relatif aux conditions d’organisation et de fonctionnement de ces services évoque aussi les locaux de la structure comme un lieu de délivrance possible des prestations. D’où une grande variété des fonctionnements, même si le domicile reste un lieu privilégié de l’action des professionnels. Au-delà du support essentiel à l’évaluation d’une situation de handicap d’origine psychique que constitue l’observation de la personne dans son environnement, la visite à domicile permet de traiter des questions relatives à l’hygiène personnelle, à l’alimentation et à l’organisation des activités domestiques. Pour certains usagers reclus dans leur appartement, la présence professionnelle constitue même le seul lien social possible avec l’extérieur. « Les infirmiers sont souvent mobilisés pour aller au-devant de cette population sans demande de soins ni d’accompagnement, et la première tâche consistera souvent à leur faire ouvrir la porte, vider les poubelles ou encore vivre dans un logement aux volets ouverts. »

Le Samsah porté par l’Adgesti (Association départementale de gestion des structures intermédiaires), dans la Sarthe, va encore plus loin en se rendant au-devant de personnes encore inconnues du secteur de psychiatrie et de la MDPH. Sur la base d’un signalement, un premier contact est établi. « Aller au-devant de la personne revient à commencer à recoudre du lien social là où une décision administrative serait mal vécue. La plupart des personnes que nous rencontrons sont dans le déni de leur situation, comme momifiées dans la solitude et en incapacité d’exprimer le moindre besoin », témoigne Jean-José Mahé, directeur du Samsah. Progressivement, dans une période d’acclimatation qui peut s’étendre de plusieurs mois à plusieurs années, les visites à domicile vont faire émerger une demande qui débouchera sur un dossier de prestation de compensation du handicap.

Divers terrains d’intervention

Pour autant, un seul des dix services étudiés, le Samsah Espoir 33 (Gironde), fait du domicile son terrain unique d’action, que ce soit à travers des rencontres individuelles ou, de façon collective, dans le cadre de réunions hebdomadaires au sein des appartements collectifs de l’association. Pour les autres, la nécessité de travailler en permanence la relation sociale avec leurs usagers se traduit par une multiplication et une diversification des modalités d’intervention. Ainsi, le SAVS parisien Elan retrouvé et son homologue nancéien Espoir 54 ne réservent la visite à domicile que dans des cas de graves négligences ou lors de certaines étapes de l’accompagnement, par exemple dans le cadre d’un projet résidentiel autonome. Pour le reste, ils s’appuient sur une plate-forme de services associatifs intégrant établissements et services d’aide par le travail (ESAT), dispositif d’insertion professionnelle en milieu ordinaire et groupe d’entraide mutuelle (GEM) afin de multiplier les actions favorisant les liens sociaux. L’Adgesti parraine ainsi un GEM spécialisé dans les activités culturelles et le tourisme, GEM’s Loisir, ouvert à tous, et pas seulement aux personnes reconnues handicapées. Même idée du côté d’Espoir 54, qui développe un service d’« intérim-bénévoles » chargé de mettre en contact ses usagers en recherche d’utilité sociale avec des associations ayant des besoins ponctuels de bénévoles.

Bien que portée par une démarche de réhabilitation sociale, l’action des SAVS et des Samsah spécialisés n’en demeure pas moins très dépendante d’une articulation avec le sanitaire. Les liens avec la psychiatrie sont d’autant plus cruciaux que les personnes accompagnées présentent des pathologies très lourdes : psychose, schizophrénie, troubles bipolaires, addictions graves. « Aucune admission n’est prononcée sans que la personne fasse l’objet d’un suivi psychiatrique et, après l’admission, les modalités de l’accompagnement décidé par l’équipe du service sont communiquées au psychiatre référent afin d’instaurer une collaboration », confirme Antoine Richerand, médecin psychiatre au Samsah Erik-Satie, à Arcueil (Val-de-Marne). Poser ce suivi psychiatrique comme une nécessité, c’est aussi annoncer d’emblée à l’usager que la question des difficultés psychiques et des soins sera une des préoccupations du service, explique-t-il : « Et c’est par ce pont qu’ils jettent entre la psychiatrie et le social que nos services ont pris une place désormais incontournable. »

Pas de soin, mais des effets thérapeutiques

Néanmoins, si tous les acteurs du handicap psychique s’accordent à penser que le soin psychiatrique et la réhabilitation sociale doivent s’exercer dans des cadres distincts, la présence de psychologues ou d’infirmiers issus de la santé mentale au sein des services d’accompagnement reste très diversement vécue, constatent les chercheurs. « Pour certains représentants des secteurs psychiatriques rencontrés, [celle-ci] risque de “psychiatriser” le service d’accompagnement, de le détourner de son but d’insertion sociale en restant focalisé sur les symptômes. » Pour d’autres encore, la pluridisciplinarité des équipe des Samsah rapprocherait leur activité de la psychothérapie institutionnelle développée dans certaines unités de psychiatrie (5). « Selon ces soignants, les Samsah ne seraient alors qu’une forme moins onéreuse d’équipe psychiatrique d’obédience “réhabilitation psychosociale”. »

Une vision rejetée par Carole Peintre. « Un des principaux résultats de la recherche est justement de montrer que ces structures ne remplaceront jamais l’hôpital de jour ou les centres médico-psychologiques. Si les moyens de la psychiatrie de secteur devaient être encore réduits jusqu’à freiner l’articulation des soins, les Samsah ne pourraient plus conduire un accompagnement. En revanche, il est vrai que l’accompagnement médico-social va participer au rétablissement au sens large de la personne. C’est toute la subtilité : on ne fait pas du soin, mais cela produit des effets thérapeutiques. »

En réalité, ce qui différencie fondamentalement un service de soins d’un service d’accompagnement est l’objectif de leur intervention : « thérapeutique pour le premier, à visée sociale et citoyenne pour le deuxième ». En ce sens, « les professionnels de santé mentale d’un Samsah vont surtout apporter à l’ensemble de l’équipe une compréhension différente des situations ».

Reste une question centrale pour les financeurs: faut-il créer des Samsah ou des SAVS pour les handicapés psychiques ? Se refusant à trancher, les chercheurs préfèrent évoquer une coexistence de services non médicalisés et médicalisés dans le cadre d’une stratégie territoriale globale. Côté Samsah, la composition de l’équipe pluri-disciplinaire, fortement teintée de soignants (voir encadré, page 31), tend à destiner ces services à des situations complexes, en particulier des personnes en rupture de soins psychiatriques ou présentant de grandes difficultés de communication. Dans le cadre d’un soutien intensif et régulier à domicile, chaque membre de l’équipe peut ainsi devenir l’accompagnateur de l’usager à un moment donné de son parcours, selon que ses besoins s’inscrivent davantage dans le registre de la santé ou de la vie quotidienne. A l’inverse, l’équipe du SAVS, composée de travailleurs sociaux chargés de porter le projet individuel d’accompagnement pour l’essentiel et de personnels médicaux et paramédicaux pour des compléments de soins, va davantage se centrer sur la médiation avec l’usager, notamment à travers le développement d’activités collectives.

Sur les dix services étudiés, les chercheurs remarquent, de plus, que la distinction entre Samsah et SAVS « est loin d’être évidente » et que les personnes peuvent relever, selon les étapes de leur parcours de vie, de l’une ou l’autre de ces structures. Au point que l’on voit apparaître des services hybrides regroupant SAVS et Samsah, à l’image du dispositif porté par le réseau Croix-Marine, à Pfastatt (Haut-Rhin), qui permet de moduler les accompagnements d’une unité à l’autre selon les personnes et les moments.

De même, les chercheurs ne donnent aucune recommandation sur un taux d’encadrement optimal. Ils notent que certains SAVS généralistes offrent un cadre d’intervention suffisant pour être en mesure d’accompagner des personnes présentant un handicap d’origine psychique. Un des deux SAVS généralistes du panel dispose ainsi d’une équipe pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux, mais aussi d’un psychiatre, d’une aide médico-psychologique et d’un agent technique pour la maintenance des appartements, bien qu’il reconnaisse rencontrer ses limites lorsque la maladie psychique a un impact trop important.

Un soutien au long cours

« La spécialisation “handicap psychique” d’un SAVS ou d’un Samsah porte d’abord sur la réunion des conditions permettant de proposer un cadre d’intervention à la fois solide, permanent et souple. » Face à une population nécessitant un soutien au long cours, l’accompagnement peut en effet comprendre différentes phases, plus ou moins intenses, voire se situer à diverses étapes de la trajectoire de vie de la personne. Dans cette optique, le service doit être en mesure d’envisager la durée de l’accompagnement « au-delà de la seule période de contractualisation avec l’usager, selon une fonction de veille sociale qui donne la possibilité à la personne de réactiver l’accompagnement ». Un des SAVS étudié a ainsi élargi la notion d’accompagnement en faisant reconnaître par ses financeurs une « prestation de maintien du lien ».

L’intérêt du développement des services d’accompagnement spécialisés est aussi stratégique, estiment les rapporteurs. Fonctionnant comme autant de pôles ressources sur le handicap psychique, leur action intervient à la fois « en complément et en articulation » avec les autres dispositifs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du territoire. « Ce positionnement naturel à la croisée des chemins peut constituer une ressource précieuse, en termes d’information, de conseil ou encore de formation pour les autres acteurs contribuant, de près ou de loin, au processus de production des situations de handicap d’origine psychique. » En outre, la nécessité de réunir le parcours de vie et le parcours de soins des usagers permettrait, à l’échelle locale, de dépasser les cloisonnements entre secteurs. Le rapport en appelle pour cela à l’adoption pour chaque usager d’un « plan personnalisé de soins et d’autonomie », concerté entre les professionnels de la santé et du social (6). Conçu comme une « stratégie globale d’intervention » réévaluable à tout moment, ce plan permettrait aux acteurs « de construire ensemble un trajet de vie alternatif à une vie sociale morbide ».

A l’issue d’une série de journées inter-régionales programmées tout au long de l’année 2012, le Cedias-Creahi Ile-de-France rendra public, courant 2013, un guide à l’usage des financeurs et des porteurs de projets. Objectif : définir les missions d’un service d’accompagnement « handicap psychique ».

DE NETTES DIFFÉRENCES ENTRE LES ÉQUIPES DES SAMSAH ET DES SAVS

La réglementation applicable aux SAVS (services d’accompagnement à la vie sociale) et aux Samsah (services d’accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés) a dressé une liste étendue des professionnels susceptibles d’y intervenir afin de laisser une marge importante à l’innovation sociale. Seule l’exécution de prestations de soins implique de se doter de personnel soignant. Aussi la composition des équipes des services spécialisés dans le handicap psychique se révèle-t-elle très diversifiée.

Le Cedias dégage néanmoins quelques traits principaux. Dans les SAVS, caractérisés par les missions de soutien social, familial et éducatif, les éducateurs spécialisés, les assistants sociaux, les conseillers en économie sociale familiale, mais également les psychologues occupent le devant de la scène. Ces « accompagnateurs » mettent en œuvre un suivi très individualisé de la personne. Ils assurent de façon unique ou partagée la référence de la situation auprès des autres membres de l’équipe et des partenaires du service.

En revanche, dans les Samsah, dotés d’une mission de soins supplémentaire, les travailleurs sociaux ne sont qu’une composante de l’équipe pluridisciplinaire. Contrairement aux idées reçues, l’équipe d’un Samsah ne correspond pas à celle d’un SAVS à qui on aurait rajouté une équipe soignante. Dans le panel étudié par la recherche, il s’agit au contraire de véritables équipes pluridisciplinaires, intégrant psychiatre, psychologues, infirmiers, aide soignants, travailleurs sociaux, auxiliaires de vie, dans lesquelles chacun intervient auprès de l’usager comme accompagnateur à un moment donné de son parcours.

L’accompagnement peut démarrer au domicile par un travailleur social, puis, face à la manifestation des troubles psychiques, être confié à un infirmer ou entraîner l’intervention d’un psychiatre, avant d’aboutir, par exemple, à l’intervention d’une auxiliaire de vie.

Quand des professionnels de santé mentale sont présents dans les SAVS, leur fonction est très souvent circonscrite à des situations particulières ou à l’organisation d’activités collectives. Pour autant, le projet de service d’un SAVS peut le conduire à intégrer un psychologue pour assurer la cohérence des actions ou établir un lien avec le secteur de psychiatrie. Dans deux SAVS du panel, un psychologue-psychanalyste extérieur assure une supervision d’équipe et des pratiques professionnelles.

Autre différence, si tous les Samsah intègrent dans l’équipe médico-sociale des professionnels intervenant sur le registre de la vie quotidienne et du logement (aides médico-psychologiques et auxiliaires de vie sociale), rares sont les SAVS à en disposer. Ceux-ci interviennent en effet auprès d’usagers plus souvent autonomes dans la réalisation des activités de la vie quotidienne, et s’appuient généralement sur les services d’aide à domicile dans le cadre de la prestation de compensation du handicap.

Evaluation du handicap psychique : une expertise bien établie

Intervenant avant la notification de la MDPH, les services d’accompagnement spécialisés ont développé leurs propres outils d’évaluation.

Les actions mises en œuvre par les SAVS et les Samsah s’inscrivent dans un cadre défini par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) à partir d’une évaluation des besoins de compensation des usagers. Or ceux spécialisés dans le handicap d’origine psychique reçoivent peu de personnes orientées directement par la MDPH. La plupart leur sont adressées par des services sanitaires, sociaux ou médico-sociaux non spécialisés, des missions locales ou des services de probation des détenus. « La notification de la MDPH intervient donc la plupart du temps après le début de l’accompagnement, voire beaucoup plus tard ou jamais pour des services ayant obtenu une dérogation de la MDPH », constate la recherche.

Cette liberté a néanmoins une contre-partie : compte tenu des difficultés d’évaluation des situations de handicap psychique, le processus d’élaboration du projet individuel d’accompagnement apparaît plus ou moins formalisé par endroits. « Les services les plus récents n’ont souvent pas encore mis en place d’outils spécifiques », pointent même les rapporteurs.

Pour convenir avec l’usager d’objectifs d’amélioration de son autonomie ou de sa qualité de vie, les services déploient une approche « situationnelle » prenant en compte toutes les dimensions de vie de la personne. Ainsi, le SAVS Espoir 54 (Meurthe-et-Moselle) a choisi d’aller jusqu’au bout de sa démarche de citoyenneté de l’usager en développant une grille d’auto-évaluation. Remplie au début et à l’issue de chaque phase d’accompagnement, elle permet à la personne d’évaluer par elle-même ses compétences et ses incompétences sur des domaines précis du quotidien. Chaque cotation de l’usager est discutée avec son accompagnateur, tout comme son degré de satisfaction sur des aspects précis de son quotidien, donc sur ce qu’il souhaite ou pas travailler.

Le SAVS La Rencontre (Yvelines) développe, depuis 1995, un outil d’évaluation des liens sociaux et de l’insertion sociale de la personne accompagnée. Celui-ci permet d’étudier le degré d’implication du sujet dans la réalisation des tâches domestiques ou de l’hygiène, les relations sociales et les liens qu’il entretient avec la société.

Plus clinique, le SAVS-Samsah Croix-Marine 68 (Haut-Rhin) complète une grille de mesure des compétences sociales par une évaluation médicale et neuropsychologique. Ce bilan peut être proposé à la personne en fonction des difficultés repérées par les professionnels, afin d’affiner éventuellement les propositions d’accompagnement.

Autre mode d’évaluation: les auxiliaires de vie du Samsah Adgesti (Sarthe) et les aides médico-psychologiques du SAVS Espoir 35 (Ille-et-Vilaine) font un premier accompagnement au quotidien de la personne afin d’affiner progressivement leurs connaissances de ses besoins de compensation. L’action d’évaluation requiert par conséquent d’être conduite sur une durée suffisante.

Il appartient néanmoins à la MDPH de valider toute évaluation d’une situation de handicap et de vérifier la conformité du plan de compensation établi. Certains services ont développé des « fiches navettes » avec la MDPH. D’autres intègrent le GEVA (Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées) dans la restitution des bilans qu’ils transmettent afin de faciliter les échanges. « D’une façon générale, les procédures de travail avec les MDPH semblent efficaces, avec une réactivité et une relation de confiance appréciées de part et d’autre », relèvent les chercheurs. Seule ombre au tableau: si l’expertise des services pourrait être précieuse pour évaluer les cas de handicap d’origine psychique qui parviennent directement à la MDPH, le partenariat peine se mettre en place. En cause, la prudence des professionnels. « Les acteurs notent en particulier qu’une évaluation nécessitera souvent plusieurs rencontres avec la personne et son entourage, ainsi que des échanges avec l’ensemble des professionnels qui participent à son accompagnement. Cette évaluation impliquera par conséquent une mobilisation substantielle de l’équipe sur une durée suffisamment longue. » Des conditions qui, pour l’heure, sont rarement réunies.

Notes

(1) Voir ASH n° 2399 du 18-03-05, p.15.

(2) Dans un premier bilan effectué en janvier 2008, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie estimait que le quart des 3 915 places de Samsah étaient affectées au handicap d’origine psychique.

(3) Lors de journées de formation et d’animation régionale organisées avec le soutien de la fédération Agapsy, du réseau Galaxie, de la Fédération d’aide à la santé mentale Croix-Marine et de la mission nationale d’appui en santé mentale.

(4) Recherche intitulée Quels services d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap d’origine psychique ? – Carole Peintre et Jean-Yves Barreyre (Cedias-Creahi Ile-de-France), Anne-Marie Asencio (CREAI Alsace) – Disponible sur www.creai-idf.org.

(5) La psychothérapie institutionnelle est une pratique psychanalytique qui implique le sujet dans une vie collective active et ordonnée. Les activités quotidiennes et sociales sont utilisées comme support de suivi.

(6) Comme le propose Jean-Yves Barreyre – Voir ASH n° 2722 du 2-09-11, p. 34.

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