« Le plan “autisme” 2008-2010 a eu le mérite d’aborder clairement, dans un contexte encore passionné, la nécessité de régler le “conflit franco-français” portant sur la définition de l’autisme, l’état des connaissances et les méthodes d’accompagnement », juge la sénatrice (Union centriste) Valérie Létard dans un rapport remis le 12 janvier à la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale (1). Toutefois, « un calendrier très serré de trois ans ne permettait pas d’atteindre tous les objectifs », estime l’élue du Nord, qui avait elle-même lancé le plan lorsqu’elle était secrétaire d’Etat à la solidarité (2). Pour elle, même si la dynamique du plan s’est essoufflée, ce dernier conserve « toute sa pertinence » et « un nouveau plan ne paraît ni nécessaire, ni souhaitable ». Elle formule donc 50 propositions pour le relancer. Le Premier ministre, qui a récemment attribué à l’autisme le label « grande cause nationale » 2012, recevra prochainement les associations, ont indiqué les services de Roselyne Bachelot dans un communiqué. De nouvelles mesures devraient être annoncées le 2 avril prochain à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme.
« Il y aurait en France plus de 400 000 personnes atteintes de syndrome autistique » et, sur les plus de 800 000 naissances par an, « 5 000 à 8 000 nouveau-nés par an développeraient ce handicap », chiffre le rapport. Pour Valérie Létard, la priorité est donc l’amélioration du dépistage et du diagnostic précoce. Pour y parvenir, elle propose, notamment de s’appuyer sur l’état des connaissances établi par la Haute Autorité de santé (HAS), de former les médecins et les personnels de la petite enfance au dépistage de l’autisme, de labelliser dans chaque zone de proximité un centre de diagnostic de première intention, dont l’équipe spécialisée sera chargée des évaluations diagnostiques à partir d’un cahier des charges respectant les recommandations de la HAS, et de repositionner les centres de ressources pour l’autisme (CRA) en garantissant leur indépendance par rapport à l’hôpital de support. L’amélioration du diagnostic rend indispensable l’accès à une prise en charge adaptée. Déplorant une « trop grande ignorance » des spécificités de l’autisme au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), la sénatrice recommande une meilleure coopération entre les MDPH et les CRA, notamment grâce à des réunions de concertation interdisciplinaire. Valérie Létard préconise aussi de donner aux centres d’action médico-sociale précoce des moyens d’accompagnement spécifiques en direction des enfants autistes et d’abaisser l’âge d’admission dans les structures médico-sociales, le plus souvent fixé à 6 ans actuellement.
Le plan a permis de franchir un pas décisif avec l’autorisation de 24 structures expérimentales mettant en œuvre des méthodes éducatives et comportementales (ABA ou Teacch…) encore peu implantées en France, se félicite Valérie Létard. Il a en outre prévu la création de 4 100 places supplémentaires dans les établissements et services médico-sociaux. Fin 2010, 2 900 places étaient autorisées et 1 672 installées. Compte tenu du rythme des autorisations, l’objectif de 4 100 places devrait être atteint en 2012, estime la parlementaire. Mais cet « effort nécessaire » ne sera « pas suffisant pour faire face à l’ampleur des besoins », notamment parce que le taux de prévalence semble en augmentation et qu’un meilleur dépistage va mécaniquement augmenter la demande de places. « Il faudra encore des places nouvelles », avertit la sénatrice, qui appelle, malgré le contexte de crise économique actuel, à maintenir les efforts en ce sens. Elle prône également le redéploiement ou l’adaptation des places au sein de structures médico-sociales existantes ou la reconversion de structures sanitaires. Une proposition qui a la faveur de Roselyne Bachelot. Lors des premières rencontres parlementaires sur l’autisme organisées le même jour, la ministre a en effet annoncé qu’elle confiera prochainement une mission aux inspections générales des affaires sociales et des finances pour « identifier les marges d’efficience » en la matière. Valérie Létard plaide enfin en faveur de la formation de tous les professionnels. « Sans elle, explique-t-elle, on ne pourra pas améliorer la qualité des accompagnements et accroître l’offre de places et de services. » Elle suggère notamment d’introduire l’obligation de disposer de personnels formés dans tous les appels à projets.
La scolarisation des enfants autistes « reste trop dépendante, suivant les académies, d’un correspondant du rectorat motivé, […] du recrutement d’auxiliaires de vie scolaire disposant d’une formation suffisante et de qualité, de la formation des enseignants à ce type de handicap », déplore Valérie Létard. En outre, la fin de l’obligation scolaire à 16 ans se caractérise souvent par une rupture de prise en charge. C’est pourquoi elle propose d’expérimenter pour les 18-25 ans des structures d’accueil et d’accompagnement de proximité et de petite taille pour assurer une continuité et travailler sur l’accompagnement dans le logement et l’emploi. S’agissant des adultes non diagnostiqués, qui vivent dans leur famille ou en institution, notamment dans les hôpitaux psychiatriques, Valérie Létard juge qu’« il y a urgence à avancer ». « Il faut tout d’abord savoir combien ils sont, comment ils sont et où ils sont », indique-t-elle. Elle suggère en outre l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques professionnelles et appelle à anticiper les besoins des personnes autistes vieillissantes en faisant évoluer les structures d’accueil.
La sénatrice plaide enfin pour une « nouvelle responsabilisation des pouvoirs publics ». Si les ministères sociaux ont bien piloté les actions qui dépendaient d’eux, les mesures relevant d’un niveau interministériel ou tributaires d’autres aspects de la politique du handicap « ont sérieusement patiné », aboutissant à freiner l’ensemble du plan. Il est donc « impératif » de réactiver le comité national de réflexion et de propositions sur l’autisme en lui adjoignant un groupe de travail sur la formation et les métiers de l’autisme, juge Valérie Létard. Un vœu d’ores et déjà entendu par Roselyne Bachelot, qui a demandé au secrétaire général du comité interministériel du handicap, Thierry Dieuleveux, de réunir rapidement le comité national sur l’autisme.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) va rendre un avis sur le coût économique et social de la prise en charge de l'autisme au second semestre 2012. C'est ce qu'a annoncé l'institution à l'occasion des premières rencontres parlementaires sur l'autisme organisées le 12 janvier. L'avis portera également sur le coût pour la société de la non-prise en charge de l'autisme. Le CESE a été saisi de cette question en octobre dernier par le président (UMP) de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, à la suite de la pétition lancée en avril 2011 par le Collectif autisme. Christel Prado, présidente de l'Unapei (Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales), membre du groupe des associations au CESE et de la section des affaires sociales et de la santé, a été désignée comme rapporteure de l'avis
(1) Disp. sur