Ils sont handicapés – paraplégiques, autistes, trisomiques –, vivent en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, et dansent devant l’objectif de Denis Darzacq. Parfois, ils ressemblent à des pantins désarticulés, et pourtant toutes ces images qui les immortalisent sont d’une beauté hypnotisante. Jack Riley, qui sautille dans les rues de Bradford (Grande-Bretagne), semble heureux et seul au monde. Malgré ses jambes paralysées, Lila Derridj accomplit une figure acrobatique dans la cuisine de son appartement parisien. Les autres sont souvent photographiés en pleine nature ou dans un musée, en tout cas hors des murs de l’institution – « car ce sont des citoyens comme les autres, et ces lieux-là leur appartiennent », tranche Denis Darzacq. Le photographe français, plus connu pour ses travaux sur les danseurs de hip-hop, donc des jeunes gens en pleine gloire physique, estimait que la société déniait trop souvent aux personnes handicapées la possibilité d’avoir « une mobilité, une liberté d’action ». Il a proposé à ses nouveaux modèles de « prendre la parole avec leur corps ». Pas besoin de les entendre pour que Maloyn, Cédric, Jonathan ou Israr expriment une pensée, un sentiment, l’humour, la grâce à travers leur pose. Denis Darzacq ne cherche pas à ce qu’ils réalisent un exploit devant son objectif, mais plutôt à ce qu’ils remportent une victoire sur leur inhibition. Le titre de l’ouvrage, Act, ne laisse d’ailleurs pas soupçonner un lien avec le handicap ; il tourne plutôt autour du rôle que ces « acteurs » peuvent jouer tant sur la photo que dans leur vie. « Ce qui relie toutes ces images, témoigne l’artiste, c’est l’effort qu’a fourni chacun des modèles pour sortir de l’image conventionnelle qui lui est attribuée. » Ils arrivent ainsi, grâce à l’onirisme qui se dégage de chacune d’entre elles, à nous faire porter un regard différent sur le handicap.
Act – Denis Darzacq – Ed. Actes Sud – 35 €