Au moment où le contrat de sept heures destiné aux allocataires du RSA (revenu de solidarité active) éloignés de l’emploi est expérimenté dans une douzaine de conseils généraux, associations et syndicats continuent d’alerter sur les risques du dispositif. Après les déclarations explosives de Laurent Wauquiez sur le « cancer de l’assistanat » (1), cette idée, proposée dans le rapport du député UMP Marc-Philippe Daubresse, n’a pas éteint la polémique sur le thème du « travail obligatoire » imposé aux bénéficiaires de minima sociaux.
Dans le dispositif en place dans les départements volontaires (tous gouvernés par des élus de la majorité) depuis décembre dernier, les allocataires « rencontrant des difficultés spécifiques pour accéder à un emploi de droit commun » peuvent se voir proposer dans le secteur non marchand un contrat unique d’insertion de 7 heures rémunéré au SMIC, pour une durée de six mois renouvelable une fois. Le gain net pour une personne seule est estimé à environ 130 € par mois.
Si, sur le fond, l’assouplissement de la durée du contrat unique d’insertion (20 heures minimum) n’est pas remis en cause, les inquiétudes portent sur le type de public visé par ce dispositif et les mesures proposées pour l’accompagner vers un emploi durable. Faute de quoi le dispositif reviendrait à enfermer les allocataires dans un statut précaire. Et se limiterait à réduire les statistiques du chômage… « Il doit y avoir un programme d’accompagnement, de formation et une perspective de développement des heures de travail derrière », souligne Matthieu Angotti, directeur général de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). « Seuls des dispositifs structurant des solutions de long terme pour l’emploi des personnes doivent être élaborés », estime la fédération Coorace.
Autre question sensible : celle des sanctions. Dans les consignes adressées aux présidents des conseils généraux en octobre, le ministère précise que ces contrats « ne seront pas obligatoires », mais qu’en cas de refus du bénéficiaire de s’engager dans une démarche d’insertion, les départements conservent « la possibilité de prendre des sanctions sur la base des dispositions existantes ». Chantier école y voit une « mesure de défiance vis-à-vis de ceux qui n’ont pas choisi d’être exclus du travail, et qui est un premier pas vers un travail obligatoire en échange de prestations sociales ».
Reste que, pour l’heure, les départements vont devoir mettre les bouchées doubles pour atteindre le volume de 10 000 contrats visés pour 2012. Le conseil général de la Côte-d’Or table sur « un premier groupe de 100 contrats ». Comme en Haute-Savoie, le conseil général du Rhône s’est fixé un objectif d’au moins 200 signatures dans l’année, dont la majorité dans ses services, principalement sur des tâches de tri, d’archivage ou d’entretien. « Pendant une journée ou deux demi-journées par semaine, ces allocataires, qui n’ont jamais été en contact avec le monde du travail ou ne l’ont pas été depuis longtemps – des seniors, des personnes ayant des problèmes de santé, reconnues travailleurs handicapés ou bénéficiaires du RSA majoré ayant très peu travaillé – ne viennent pas sur un poste, mais en suractivité », précise Liliane Develay, directrice de l’insertion du conseil général du Rhône. Outre l’accompagnement proposé par le référent social ou socioprofessionnel, un bilan « tripartite » avec ce dernier est réalisé à mi-parcours avec l’allocataire et le chef de service. « L’objectif est, au bout de six mois, d’aller vers un contrat de 20 heures, mais, en fonction des besoins de la personne, ce résultat ne sera pas toujours atteint. Il s’agit d’abord de l’aider à reprendre confiance, à accéder à une première marche de l’insertion, à définir un projet. » Le conseil général se veut rassurant sur le volet coercitif du dispositif : « Ce n’est pas parce que l’allocataire va refuser le contrat proposé, qui est pour nous une offre d’action d’insertion, qu’il y aura des sanctions. Mais si son contrat d’engagement mentionne qu’il doit entreprendre une démarche de recherche d’emploi, il peut être convoqué en instance de médiation ».
Il faudra attendre son évaluation nationale, à la fin de l’année, pour connaître l’efficacité de l’expérimentation, susceptible de connaître des disparités dans sa mise en œuvre. Reste qu’un tel dispositif renvoie aussi au déficit de moyens de l’accompagnement des publics en difficulté d’insertion. Les réseaux de l’IAE rappellent leur rôle en la matière. Pour sa part, le président du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj (PS), estime « qu’il aurait été plus judicieux de doter davantage Pôle emploi et le réseau des missions locales des moyens leur permettant de conduire à bien leurs missions ».