Recevoir la newsletter

France terre d’asile critique les fondements de la réforme annoncée du dispositif d’accueil

Article réservé aux abonnés

Quelques semaines après les annonces de Claude Guéant sur une série de mesures visant « à réformer le système d’asile pour le préserver » (1), France terre d’asile se livre à une « opération désintox ». Elle décortique les arguments du ministre de l’Intérieur pour mieux les démonter. Celui-ci invoque des abus supposés qui emboliseraient le dispositif d’accueil. En réalité, « ce qu’il faut lire derrière cette annonce provocatrice à forte connotation idéologique, c’est la justification d’une politique de maltraitance institutionnelle envers les demandeurs d’asile et un déni des responsabilités politiques face à la crise qui sévit dans le secteur », oppose l’association.

Elle conteste, en premier lieu, la période de référence utilisée (ces quatre dernières années) pour démontrer l’explosion de la demande et la chute du taux de protection. « Sur une période plus significative (dix ans), on constate que le niveau actuel de la demande d’asile n’a rien d’excessif », et que le pourcentage d’octroi de la protection internationale est resté élevé. D’autre part, l’équation consistant à démontrer l’augmentation de demandes frauduleuses par la baisse du taux de protection « est aberrante, à moins de nier la complexité inhérente à tout examen d’une demande de protection ». En revanche, le taux de reconnaissance est corrélé à la part des requérants accueillis en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), où ils bénéficient d’un accompagnement et ont « deux fois plus de chance d’obtenir une protection ». Entre 2007 et 2010, cette proportion est passée de 38 % à 28,4 %.

Le dispositif d’hébergement en CADA n’est pas saturé en raison de la pression de la demande mais parce qu’il « est structurellement sous-dimensionné du fait de choix politiques et budgétaires contestables ». Ainsi, au regard des quelque 50 000 demandeurs d’asile accueillis chaque année en moyenne, « le dispositif national d’accueil, qui compte 21 410 places de CADA, apparaît largement sous-doté ». En 2010, « 215,2 millions d’euros ont été dépensés pour l’hébergement d’urgence et l’allocation temporaire d’attente, contre 202,2 millions d’euros pour les CADA », souligne-t-elle. « Si le même budget avait entièrement été consacré au dispositif pérenne, tous les demandeurs d’asile arrivés en 2010, soit 48 000 personnes, auraient pu bénéficier d’un hébergement et d’une prise en charge adaptée en CADA, à condition que la procédure d’asile s’effectue dans un délai raisonnable ». Par ailleurs, les crédits prévus pour 2012 sont inférieurs à ceux consommés en 2010, affirme l’association face à l’affichage ministériel sur les efforts budgétaires de l’Etat.

France terre d’asile critique, par ailleurs, les orientations de la réforme : l’allongement de la liste des pays d’origine sûrs entraînera un recours accru à la procédure dite « prioritaire », offrant des droits moindres, et une plus stricte application du règlement « Dublin II » lui laisse craindre une hausse des dérives déjà constatées par la Cour européenne des droits de l’Homme. Vouloir en outre exclure du bénéfice des conditions d’accueil certains demandeurs d’asile, notamment ceux qui déposeraient tardivement leur dossier ou ne coopéreraient pas avec les autorités pour le traitement de leur demande, « constituerait une nouvelle violation de la directive européenne dite “accueil” ».

Quant à la « régionalisation » annoncée du dispositif, ce « n’est pas une idée neuve », souligne l’association, rappelant que l’admission au séjour et le premier accueil ont déjà fait l’objet d’une réorganisation, non sans dysfonctionnements. Elle en demande d’ailleurs une « évaluation publique ». La règle d’affectation de 30 % des places de CADA libérées tous les ans dans chaque région à celles les plus engorgées existe déjà elle aussi, mais elle « n’est pas appliquée par les préfets ».

France terre d’asile revient enfin sur le référentiel des plateformes d’accueil, qui devrait, selon le ministre, harmoniser les prestations dès 2012. Celui-ci entraînera plutôt « un nivellement par le bas des missions », dénonce-t-elle. « Certaines prestations fondamentales sont même remises en cause : l’aide au récit est incertaine et l’aide au recours a tout bonnement été supprimée. » Quant au référentiel de coût des CADA, il est plutôt de nature « à justifier une baisse de 8 % sur trois ans du budget » des structures.

FORUM RÉFUGIÉS REGRETTE « L’ABAISSEMENT DES STANDARDS D’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS »

Pour la troisième année consécutive, la France est le premier pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe, constate Forum réfugiés dans son rapport annuel sur l’asile (2). Si l’association se réjouit du fait que « la France demeure une terre d’asile aux yeux de ceux qui sont en recherche de protection », elle craint « un abaissement des standards d’accueil et de protection ». Parmi les 52 762 demandes d’asiles formulées sur le territoire en 2010 (contre 47 686 en 2009) (3), on recense une très forte augmentation des premières demandes (36 931 contre 33 235 en 2009) tandis que le nombre de réexamens continue de baisser. Le Kosovo, le Bangladesh, la République démocratique du Congo, la Russie et le Sri Lanka sont les premiers pays d’origine des personnes formulant une première demande. Le nombre de mineurs accompagnants a augmenté de 25 % entre 2009 et 2010 tandis que la part des femmes baisse pour la deuxième année consécutive (4). Le rapport pointe également l’augmentation importante du nombre de dossiers examinés en procédure prioritaire.

Confirmant le constat dressé par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme qui, dans un avis adopté le 15 décembre dernier (5), a jugé que le dispositif national d’asile traversait « une crise majeure », Forum réfugiés souligne l’« inefficacité chronique » de celui-ci. La précarisation des demandeurs d’asile sans solution d’hébergement s’est généralisée sur l’ensemble du territoire en 2010 et touche désormais des familles.

Plus d’infos sur www.ash.tm.fr}

Notes

(1) Voir ASH n° 2735 du 2-12-11, p. 16.

(2) L’asile en France et en Europe – Etat des lieux 2011 – XIe rapport annuel de Forum réfugiés – Ed. La dispute – 16 €.

(3) Claude Guéant a donné, de son côté, les chiffres pour 2011 – Voir ce numéro, p. 20.

(4) Les demandeurs d’asile en France sont à 65 % des hommes.

(5) Voir ASH n° 2740 du 6-01-12, p. 21.

Sur le terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur