Face aux difficultés financières majeures rencontrées par certains services d’aide à domicile, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a, en juillet dernier, demandé à la députée (UMP) Bérengère Poletti de dresser un bilan précis de la situation et de plancher sur une réforme de leurs modalités de tarification et d’allocation de ressources. C’est chose faite, l’élue ayant remis ses conclusions à Roselyne Bachelot le 10 janvier (1). Quand les décisions seront-elles prises ? Pas avant 2013, avait indiqué la ministre, en octobre dernier, lors d’un déplacement dans les Ardennes. Mais, d’ores et déjà, certaines des recommandations de l’élue ont été entendues, telles que la création d’un fonds de restructuration doté de 50 millions d’euros pour aider les services les plus en danger (voir ce numéro, page 5) ou encore l’exonération de charges patronales pour les intervenants auprès des familles fragiles (2).
Les difficultés financières des services à domicile ne font aucun doute, selon la députée des Ardennes, qui partage les constats établis par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), l’Assemblée des départements de France (ADF) associée au « Collectif des 16 » – qui rassemble l’ensemble des organisations de services d’aide à domicile – ou encore la direction générale de la cohésion sociale. Les causes sont à la fois conjoncturelles (raréfaction des financements publics, créances difficiles à recouvrer en raison de l’insolvabilité des bénéficiaires…) et structurelles (niveau de tarification qui ne couvre pas le coût de revient des services, pratiques tarifaires fortement hétérogènes…).
Avant même que la députée ne planche sur de nouvelles modalités de tarification des services d’aide à domicile, l’ADF et le « Collectif des 16 » ainsi que l’IGAS ont fait des propositions de réforme en la matière (3), dont certaines sont aujourd’hui expérimentées. Au travers des auditions qu’elle a menées, Bérengère Poletti relève nombre de difficultés que pourraient induire leurs modèles de tarification. Mais, ce sont les expérimentations de l’ADF qui suscitent le plus d’inquiétudes parmi les conseils généraux, les services et même les bénéficiaires. Au centre des préoccupations, la fixation des objectifs des services d’aide à domicile en fonction des moyens alloués, sous forme de forfait global de financement. Un modèle qui comporte un « risque majeur d’opacité non seulement en termes de contrôle d’effectivité du service rendu aux usagers mais également pour les usagers eux-mêmes qui seraient beaucoup moins en mesure de suivre leur plan d’aide », expliquent les conseils généraux. De leur côté, les services estiment que le forfait global de financement pourrait être « synonyme de report de la gestion de la pénurie des moyens financiers sur leur structure (faire mieux avec un budget contraint) » et « synonyme de risque financier si la valeur du point permettant de valoriser les ressources financières n’est pas fixée sur des critères objectifs ».
Dans une interview accordée en décembre au Journal du domicile et des services à la personne (4), Bérengère Poletti, elle, a indiqué vouloir « de la souplesse et une adaptation aux réalités du terrain ». Aussi propose-t-elle, dans son rapport, un modèle de tarification des services d’aide à domicile à mi-chemin entre celui de l’IGAS et celui de l’ADF. Dans tous les cas, martèle-t-elle, « si on veut développer la performance des services d’aide à domicile, il faudra y mettre des moyens supplémentaires ».
Avant toute expérimentation de modèle de tarification, la députée plaide pour la réalisation d’une étude des coûts au regard des services rendus « le plus tôt possible, idéalement dans le courant de l’année 2012 ». Cette étude doit permettre de fixer le cadre d’un référentiel commun aux acteurs du secteur et aux financeurs afin de déterminer les modalités précises du financement. Dans tous les cas, relève Bérengère Poletti, « en raison de l’activité même des services d’aide à domicile, de la gestion des plans de compensation (allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap), il paraît peu opportun […] d’abandonner le principe de la tarification horaire ».
Partant de là, l’élue des Ardennes suggère d’instaurer un « tarif « socle » de prestations à domicile » basé sur un panier-type de prestations aux bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), applicable à tous les services d’aide à domicile – qu’ils soient agréés ou autorisés. A ce tarif, pourrait s’ajouter un complément de tarification, versé aux services – qui seront, en contrepartie, tenus de contractualiser leurs missions avec le conseil général (5) – pour compenser le coût lié à la prise en charge de situations de fragilité (sociale, géographique…). La notion de fragilité devant faire l’objet d’une « définition nationale faisant consensus », précise la députée.
Toutefois, estime Bérengère Poletti, pour être efficient, un modèle de tarification doit tenir compte du reste à charge à domicile. Par exemple, elle propose de « calculer le ticket modérateur “APA” sur la base du tarif de référence “socle” et d’exclure de la base de calcul les compensations financières liées à la fragilité ». Elle préconise aussi de réduire le ticket modérateur des bénéficiaires les plus dépendants, à savoir ceux des groupes iso-ressources (GIR) 1 et 2. Cependant, si le coût de la mesure se révélait insoutenable pour les finances publiques, il conviendrait de « faire baisser la participation des GIR 1 et 2 tout en augmentant la participation des GIR 4 [c’est-à-dire les personnes présentant un niveau de dépendance moindre] », souligne l’élue. Ajoutant qu’il faut néanmoins « veiller, en parallèle, à ne pas créer d’effet d’éviction sur les GIR 4 en termes de prévention d’entrée dans une dépendance plus forte et donc plus coûteuse ».
(1) Mission relative aux difficultés financières de l’aide à domicile et aux modalités de tarification et d’allocation de ressources des services d’aide à domicile pour publics fragiles – Janvier 2012 – Disponible sur
(2) Ces mesures ont été respectivement adoptées dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012.
(4) N° 35 – Décembre 2011.
(5) « Cette modalité de financement devrait naturellement s’inscrire dans le cadre de la procédure d’appel à projet », souligne Bérengère Poletti.