Après de longues négociations, la mairie avait déposé de grosses poubelles municipales à proximité du squat parisien où vivaient Elena, ses trois filles et une trentaine d’autres Roms. Encouragée par cette « petite victoire », la jeune mère de famille a tenté d’inscrire ses enfants à l’école. Mais la mairie a refusé, « sous prétexte que les vacances [étaient] proches, et que les enfants [n’auraient] pas le temps de s’intégrer en classe ». Le lendemain, Elena commettait une tentative de suicide. « Elle avait cru que les choses devenaient possibles », écrit Evangeline Masson-Diez. Depuis 2007, cette animatrice du Secours catholique travaille avec une dizaine de bénévoles auprès des familles rom. Des familles qui intriguent, fascinent et effraient, qu’on dit claniques, arrogantes et délinquantes. Surprenant et émouvant, le livre Micha, Elena et les autres en dresse pourtant un tout autre portrait. Au fil de ces 12 récits de vie, où se mêlent noirceur et courage, espoir et détresse, trafics et droiture, le lecteur se surprend à trouver ces familles très proches de lui, puis s’interroge aussitôt sur sa propre surprise. Ballottés de bidonvilles en hôtels excentrés, chassés de tous les pays, mus par un puissant réflexe de survie, les Roms y apparaissent « pauvres, exclus et marginalisés, habités d’une adaptabilité étonnante, d’une volonté infatigable de se battre et d’offrir un meilleur avenir à leurs enfants ». Une ténacité rarement récompensée, mais qui se révèle parfois payante, comme ce jour où Vasile, installé dans un des plus grands bidonvilles d’Ile-de-France, présente à une bénévole cinq feuilles de papier, « proprement pliées dans une pochette plastique » : un contrat de travail à durée indéterminée en quatre exemplaires, et un avis de versement de taxe – la redevance imposée aux employeurs qui souhaitent embaucher des Roumains ou des Bulgares. La régularisation, enfin, après des mois de tractations. Et la perspective d’une vie meilleure pour ses trois enfants, « déjà plus français que roumains ».
Culture
Si étranges, si proches
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Micha, Elena et les autres. Vies et visages de Roms en France – Evangeline Masson-Diez – Editions Lacurne (www.librairie-la-geographie.com ) – 16 €