QUAND LE HANDICAP DEVIENT DÉPENDANCE. L’espérance de vie des personnes handicapées a connu une progression spectaculaire au cours des dernières décennies, fait observer Yves Jeanne, universitaire et chercheur, coordonnateur de cet ouvrage collectif. Cette évolution ne va pas sans poser un certain nombre de questions quant à l’accompagnement de leur vieillissement et à la qualité de vie dont elles bénéficient.
A cet égard, plusieurs contributeurs pointent les effets de l’abandon de l’idée de faire converger les dispositifs de prise en charge des personnes âgées et handicapées, prévue pourtant par la loi du 11 février 2005 sur le handicap. Ainsi continue-t-on à être handicapé avant 60 ans, puis dépendant après. Cela peut conduire « à des ruptures dans l’aide apportée aux personnes handicapées vieillissantes », note Johan Priou, directeur de l’Uriopss Centre, soulignant « l’iniquité de prestations sociales dont les différences ne sont pas d’abord fondées sur les besoins, les aspirations et le projet de vie » de chacun, mais sur des seuils administratifs d’âge. Ces derniers s’opposent aussi à la continuité de la vie des résidents d’institutions. Lesquelles ont toutes, en effet, une limite d’âge maximal pour l’accueil de leur public. « Les adultes qui ont vécu en foyer ou en appartement avec le soutien de l’institution sont dès lors confrontés à la question du nouveau lieu où ils vont vivre », explique Jean-Marc Talpin, maître de conférences en psychologie clinique. Or, quand ils sont orientés en maison de retraite – où la qualification des personnels et les ratios d’encadrement sont loin d’égaler ceux de leur ancienne structure –, les sujets handicapés se retrouvent dans un environnement peu stimulant, avec des résidents qui ont vingt-cinq ans de plus qu’eux. Partant, on peut se demander si cette cohabitation avec des personnes de la génération de leurs parents ne contribuera pas un peu plus à confiner les personnes handicapées dans un statut d’éternels enfants.