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A Montauban, l’Adarah propose des hébergements diversifiés et un suivi social à des personnes en mal de logement, seules ou en couple. Fonctionnant dans un esprit convivial et familial, elle doit aujourd’hui se professionnaliser pour faire face à l’évolution de ses publics et à la modernisation des dispositifs d’urgence sociale.

Lorsque, en 1991, Danielle Carral a fondé l’Association départementale d’aide à la réinsertion et à l’autonomie par l’hébergement (Adarah) (1) à Montauban (Tarn-et-Garonne), cette femme de sous-préfet voulait recréer une pension de famille à la mode du XIXe siècle. « Un lieu chaleureux, avec une maîtresse de maison, pour des personnes se retrouvant sans logement après un accident de la vie, capables de repartir après un petit coup de pouce », explique l’ancienne présidente, qui a passé la main en mai 2011 mais reste très impliquée. « Comme c’était un lieu atypique, cela a été difficile à faire passer, se souvient-elle. L’Etat et le conseil général m’ont cependant autorisée à créer la maison de manière expérimentale. » Vingt ans après, l’Adarah, qui a déjà beaucoup évolué, doit encore réaliser sa mue pour aller vers une prise en charge plus professionnalisée, en phase avec un public rajeuni et connaissant d’importantes difficultés d’insertion.

L’association gère actuellement une pension d’hébergement installée à six kilomètres du centre de Montauban qui propose, pour des séjours de six mois au maximum, 18 places en chambres doubles financées au titre de l’aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (ALT). Cette pension a été complétée en 2005 par plusieurs lieux destinés à répondre à d’autres besoins : une maison-relais, installée non loin de la pension, au-dessus des bureaux administratifs, avec sept studios indépendants pour des personnes éloignées du monde du travail, sans limitation de durée ; six studios dans un immeuble du centre-ville, financés par l’ALT, pour des personnes salariées ou en formation. « Nous proposons un parcours résidentiel gradué avec une possibilité d’ascension depuis la pension vers la maison-relais ou les studios en ville, afin de valoriser le retour à l’autonomie », indique Alexandra Pettersson, 26 ans, directrice de l’Adarah depuis mai 2011, après y avoir été pendant un an chargée de mission développement et communication. Les loyers à la pension vont de 250 à 280 € par mois, avec trois repas par jour. Dans la maison-relais, les locataires payent 30 à 40 € par mois, s’ils sont bénéficiaires de l’APL. En centre-ville, le reste à charge pour un studio est de 160 € par mois. Pour compléter cette palette de services, le restaurant L’Equitable a été créé en 2005 dans le centre-ville de Montauban (2). D’aspect classique, ce lieu est fréquenté par un public tout venant, mais les personnes en difficulté peuvent y manger à tarif réduit, en toute discrétion. Plusieurs salariés y bénéficient de contrats aidés. L’association prête aussi des vélos et loue des scooters afin d’aider les résidents à se déplacer – d’autant que la pension, éloignée du centre-ville, n’a pas de transports en commun à proximité.

L’arrivée de nombreux jeunes

L’Adarah héberge chaque année une centaine de personnes : en majorité des hommes (80 %) âgés de 18 à 70 ans, seuls ou en couple. « Ils se retrouvent sans logement pour différentes raisons : perte d’emploi, divorce, sortie de milieu protégé ou de prison… », commente Alexandra Pettersson. L’admission se fait sur demande des intéressés ou des partenaires (centre communal d’action sociale, 115, conseil général, mission locale, service pénitentiaire d’insertion et de probation, agences d’intérim ou autres structures d’hébergement). « Ils nous téléphonent, on les rencontre et on les accepte selon nos critères, en évitant les problématiques médicales ou d’addiction trop lourdes, car nous n’avons pas d’infirmière sur place, poursuit la directrice. Nous sondons les personnes pour voir si elles sont bien dans une démarche de réinsertion. »

En 2010, sur un total de 130 demandes d’admission dans le foyer d’hébergement collectif, 63 personnes ont été intégrées, 19 autres, bien qu’admises, ne sont pas venues et 56 ont été refusées, soit parce qu’elles ne se sont pas présentées à l’entretien, soit en raison de problématiques que l’association ne peut pas gérer. « Nous refusons peu de candidats, déclare le nouveau président d’Adarah, Jean-Marc Detailleur. Ce sont souvent les personnes elles-mêmes qui reculent devant les contraintes du règlement intérieur. Nous avons de plus en plus de demandes de personnes désocialisées, avec des problèmes psychologiques. Ce n’est plus le public d’autrefois, prêt à repartir après un coup de pouce, pour lequel Mme Carral faisait tout, avec une maîtresse de maison. » Ainsi, alors qu’auparavant les portes étaient toujours ouvertes, l’association s’est récemment résolue à installer à l’entrée de la pension des caméras de surveillance et un accès par télécommande, à la suite de problèmes de violence avec un résident.

La moyenne d’âge de la population accueillie a également changé. En 2011, la pension a hébergé un tiers de 18-25 ans, 37 % de 26-40 ans, 26 % de 41-59 ans et 3 % de plus 60 ans (cette dernière tranche d’âge représentant 8 % des accueils en maison-relais, où les séjours peuvent être plus longs). « Avant, le public type ressemblait plutôt à Papy Jeannot », se souvient la fondatrice. A 65 ans, Jean-Marie Mousque, dit Papy Jeannot, est retraité, après une vie de travail en usine commencée à 14 ans. A la suite de son divorce, il est retourné chez sa mère. Puis, à la mort de celle-ci, il a voulu garder la maison, alors qu’il n’avait pas les moyens d’en payer le loyer. Il s’est surendetté, a été expulsé et a fini par dormir dans sa voiture. L’Adarah, où il est arrivé il y a six mois, lui a donné un toit et l’a aidé à démêler ses problèmes financiers… Mais l’arrivée de jeunes de plus en plus nombreux a changé la donne. « Il faut les aider à se former, les obliger à se lever le matin, et là-dessus nous sommes stricts : les résidents, qu’ils travaillent ou pas, doivent se lever et être douchés avant 8 h 30 », lance sans ambage Danielle Carral.

Une prise en charge réadaptée

Loin de l’idée du « petit coup de pouce » du départ, l’Adarah est aujourd’hui contrainte à évoluer avec son public et à se professionnaliser dans le domaine social. « Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait les accompagner davantage », confie Jean-Marc Detailleur. Désormais, dès l’admission, le résident bénéficie d’un suivi individualisé. Le premier entretien avec la conseillère en insertion professionnelle ou la conseillère en économie sociale et familiale (CESF) tend à déterminer les problématiques spécifiques qui ont amené la personne dans une situation de précarité. L’accompagnement social se construit ensuite au fil des entretiens hebdomadaires. « Cet accompagnement se veut global et prend en considération l’ensemble des difficultés rencontrées par le résident : santé, emploi, logement, démarches administratives, mobilité, culture…, peut-on lire dans le rapport d’activités. L’adhésion du résident à cette démarche est indispensable et concourt à le rendre acteur de son parcours d’insertion, condition essentielle pour accéder à une réelle autonomie. »

Le volet emploi est central, du moins pour les personnes qui n’en sont pas trop éloignées. « L’objectif de l’association est l’hébergement de personnes en difficulté en vue d’une réinsertion socioprofessionnelle, rappelle Alexandra Pettersson. Les rendez-vous avec la conseillère ont pour but de les dynamiser et de les inciter à chercher du travail. » Depuis quelques mois, Virginie Baldini, 29 ans, conseillère en insertion professionnelle – arrivée en août 2011 après trois ans passés au conseil départemental d’accès au droit –, les accompagne et assure l’intérim de la CESF. « Virginie m’a aidé par rapport aux administrations et aux avocats pour mon divorce », raconte Fabrice M., 55 ans, architecte au chômage depuis deux ans. « Ici on a beaucoup d’aide, de conseils par rapport à la caisse d’allocations familiales, à Pôle emploi, à la banque, témoigne Mohamed T., 29 ans, reconnu adulte handicapé pour des douleurs au dos, en recherche d’emploi. On est en train de monter le dossier de logement social. Le samedi, Virginie vient aussi pour les animations. Grâce à elle, on va bientôt faire une sortie billard. »

Une structure « familiale »

Comme le souligne le rapport d’activités, « le parcours individualisé de la personne accueillie se construit grâce aux actions collectives et à une dynamique de groupe qui se veut familiale et conviviale ». En effet, la convivialité, la solidarité et la polyvalence des salariés font partie des caractéristiques de l’association. L’équipe compte 11 salariés, dont 6 en contrat à durée indéterminée – la directrice, une secrétaire comptable, une conseillère en insertion professionnelle, une CESF, une maîtresse de maison et un cuisinier pour le restaurant – et 5 recrutés en contrat d’accompagnement à l’emploi pour une durée moyenne de un an – un agent d’entretien, deux aides-cuisinières au restaurant, une cuisinière-maîtresse de maison (26 heures par semaine) et un cuisinier à la pension (10 heures par semaine). L’un des enjeux pour l’association est de faire coexister au sein de l’équipe des travailleurs sociaux diplômés et des personnes en insertion. « Mon but était de donner la possibilité à des personnes en difficulté de devenir salariées, affirme Danielle Carral, la fondatrice. C’est ce que j’ai fait avec Annie, la maîtresse de maison, ou Blandine, une ex-cuisinière. C’est pourquoi la majorité de l’équipe est recrutée en contrat aidé. » L’ex-présidente insiste encore : « Alexandra Pettersson et Virginie Baldini n’étaient pas non plus destinées à travailler dans le social » (elles sont diplômées respectivement d’un master d’urbanisme et d’une maîtrise de droit). Quant au restaurant l’Equitable, il a été créé afin de procurer une activité à Michel R., un cuisinier doué arrivé à l’Adarah en 2003. Aujourd’hui à la retraite mais toujours résident de la maison-relais, Michel est salarié deux heures par jour pour cuisiner à la pension d’hébergement.

Cet esprit familial de la structure, avec la figure quasi maternelle de la maîtresse de maison, semble être apprécié par les résidents, qui disent trouver la directrice et la conseillère en insertion « sympas » et « indispensables ». « Nous gardons toutes ce souci de l’entraide que voulait Mme Carral au départ, note Danielle Bivi, secrétaire comptable de 35 ans, salariée de l’association depuis 2007. Nous avons changé de direction, de président, mais ce lien convivial demeure. Il existe une vraie solidarité dans cette petite structure. Nous nous entraidons. Je fais du secrétariat, de la comptabilité, de la paie, de la gestion de planning, mais aussi du relationnel et du social. Depuis le début, je suis en lien avec les hébergés. Je gère le planning de l’agent d’entretien, qui s’occupe du prêt des vélos et de la location des scooters. Je m’occupe du paiement des loyers. En cas de retard, nous essayons de trouver des solutions. S’ils ont un problème de santé, on les oriente. Les résidents se confient à moi comme à Annie. »

Maîtresse de maison à l’Adarah depuis huit ans, Annie Quèbre, 59 ans, s’occupe de son côté du ménage et de la gestion de la vie de la maison avec Virginie Baldini. « Je mange et je discute avec les résidents pendant ma pause, raconte-t-elle. Si Jeannot n’a pas fait son vaccin contre la grippe, je le lui rappelle. Le jeune Vivien a du mal à se lever. Je le réveille pour qu’il soit à l’heure à son travail. Le matin, je demande qui reste déjeuner et je leur rappelle de s’inscrire sur le tableau. » Une ambiance chaleureuse qui n’exclut cependant pas les tensions. Une réunion des résidents a lieu une fois par mois afin de réguler les éventuels conflits, parler des projets et permettre à la direction de pointer d’éventuels problèmes et de rappeler les règles. « Cette réunion est l’occasion de dire ce qui ne va pas, explique Mohamed. Par exemple, si quelqu’un ne fait pas sa vaisselle le week-end quand on se fait à manger tout seul, on le lui dit. Ça ne concerne pas que les gens du bureau, ça nous concerne aussi. Nous sommes des adultes responsables. Lorsque quelqu’un se laisse aller, on lui fait remarquer. Et quand ça ne suffit plus et qu’il faut passer par l’autorité extérieure, on en parle en réunion. »

Compte tenu de ses ressources limitées en interne, l’Adarah mise fortement sur les partenariats, et un réseau s’est peu à peu mis en place autour de la structure. Ainsi, tous les deux mois, un médecin et une infirmière de l’unité de prévention et de dépistage de l’hôpital de Montauban interviennent une demi-journée pour des vaccinations et du dépistage. L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) organise une réunion collective bimestrielle. Le Planning familial intervient régulièrement pour parler des violences conjugales et des risques liés à la sexualité. Depuis janvier 2012, la caisse primaire d’assurance maladie reçoit chaque mois un groupe dans son centre de bilan de santé. Tous les quinze jours, l’éducatrice spécialisée, la psychologue et l’infirmière de l’équipe mobile « Précarité psychiatrie » de l’hôpital de Montauban viennent une demi-journée chacune pour des échanges individuels. L’institut de formation en soins infirmiers propose, quant à lui, depuis trois ans des ateliers sur les soins corporels et les massages, dans le cadre d’un module « Accompagner vers un mieux-être malgré l’âge, la maladie, la précarité ». Le jour de notre visite, justement, Nadine Juste, formatrice en soins infirmiers et membre du conseil d’administration de l’Adarah, animait un atelier bien-être pour deux résidentes. Enfin, depuis peu, une sophrologue bénévole propose un atelier hebdomadaire de relaxation, et une convention permet aux résidents de visiter chaque trimestre le musée Ingres. « Nous essayons par ailleurs de développer de nouveaux partenariats dans d’autres domaines », précise la directrice.

Renforcer l’équipe sociale

Reste que les partenariats ne font pas tout. La nouvelle équipe a conscience de la nécessité de renforcer et de professionnaliser son pôle social. « Aujourd’hui, nous souhaitons faire passer le budget de l’équipe sociale de 2 à 2,5 équivalents temps plein, indique Jean-Marc Detailleur. Nous allons mettre en place des plans de formation et recruter une assistante sociale. Il nous faudrait aussi un psychologue, notamment pour l’accueil des sortants de prison, mais pour cela un budget de 500 000 € serait nécessaire » (voir encadré). Le mode d’admission est également en train d’évoluer, avec la mise en place depuis décembre 2011 d’un service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) dans le Tarn-et-Garonne. « Avant le SIAO, une assistante sociale pouvait appeler directement l’Adarah et d’autres structures pour avoir une place en maison-relais. Aujourd’hui, elle envoie sa demande au SIAO avec une note sociale. Cela évite de multiplier les demandes. Une commission, où chaque structure est représentée, se réunit tous les quinze jours afin d’évaluer les demandes et les places disponibles, détaille Sophie Vendeville, directrice de Relience 82, une association qui gère le 115 et coordonne le SIAO. Le Tarn-et-Garonne est un petit département où l’on connaît rapidement toutes les structures. L’important est de bien respecter leurs règlements, chacun restant maître de ses admissions. » Pour l’instant, l’Adarah n’accepte que les personnes et les couples. Mais elle travaille avec l’Etat, le conseil général et la mairie de Montauban sur un projet de maison pouvant accueillir sept familles avec enfants. « La maison a été trouvée par la mairie et le bailleur social Promologis. Il reste à la rénover, annonce Jean-Marc Detailleur. Nous serons locataires, pour cette maison comme pour les autres, et nous sous-louerons les logements aux résidents en nous portant caution. » L’ouverture est prévue d’ici à septembre 2012.

BUDGET
Un financement multiple

Actuellement, le budget de l’Adarah est de 450 000 €. Son financeur principal est l’Etat, via la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) pour la maison-relais et la pension (au titre de l’allocation de logement temporaire), à hauteur de 82 000 €, ainsi que le fonds interministériel de prévention de la délinquance et le contrat urbain de cohésion sociale (avec le Grand Montauban) sur des appels à projets comme l’aide à la mobilité ou des ateliers « nutrition, santé, petits budgets ». La Région finance l’emploi de la CESF et d’une cuisinière. Le conseil général intervient à hauteur de 27 000 € pour l’accompagnement professionnel et celui des personnes en difficulté. La mairie de Montauban octroie aussi une petite aide. Le reste du financement provient des loyers et des revenus du restaurant.

Notes

(1) Adarah : 2403, route de la Vitarelle – 82000 Montauban – Tél. 05 63 92 98 32.

(2) L’Equitable : 8, rue Princesse – 82000 Montauban – Tél. 05 63 93 08 42.

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