Alors que plusieurs associations préparent ou ont déjà diffusé leurs revendications pour l’élection présidentielle, une cinquantaine d’organisations du champ sanitaire et social lancent une démarche commune pour interpeller les candidats et les parlementaires. Après avoir rendu public un appel intitulé « Investir pour la solidarité » en septembre 2010 (1) – et depuis rejointes par une vingtaine d’autres signataires –, elles publient un recueil de contributions (2) qui « apporte des éclairages sur la nécessité de construire une société où la solidarité serait considérée comme un investissement pour l’avenir, et non comme un coût pour la société ».
L’origine de leur démarche ? Le constat que les politiques sociales sont subordonnées « aux objectifs d’efficacité financière » et de réduction des dépenses, tant de la part de l’Etat que des collectivités, et que la solidarité « devient actuellement la variable d’ajustement des politiques publiques », alors que les effets sociaux de la crise économique s’aggravent.
Inclusion sociale, prise en charge de la perte d’autonomie, droits des personnes handicapées, accès aux soins et réduction des inégalités de santé, politiques en direction de l’enfance et de la jeunesse, soutien aux familles… Loin d’épuiser les revendications de chaque secteur, le recueil interassociatif se veut un message politique en faveur de la solidarité nationale, « valeur fondamentale du pacte républicain », et du respect des droits fondamentaux. « L’Etat, dans une vision centrée sur le court terme, conduit une politique de désendettement assez aveugle sur le terrain social, qui menace certains secteurs comme l’hébergement et les services d’aide à domicile, pourtant capitaux pour le maintien de la cohésion sociale », explique Dominique Balmary, président de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). Si le gouvernement, durant le quinquennat qui s’achève, a su mettre en place la réforme qui a abouti au revenu de solidarité active, « satisfaisante bien qu’inachevée », à l’inverse, « la non-décision sur la prise en charge de la dépendance est non seulement une déception, mais une erreur politique et sociale, le signal négatif qu’on ne peut pas faire de réforme sociale importante en raison de la situation économique. Pourtant, on peut trouver des moyens dans les niches fiscales et sociales ! », poursuit-il. Au-delà de la mise en œuvre du « 5e risque », l’Uniopss plaide en faveur d’une « société incluante ». Dans cette perspective, « les politiques doivent se pencher sur la répartition des richesses, ce qui pose la question du rôle redistributeur de l’impôt et de la protection sociale », estime Dominique Balmary.
Les organisations pointent aussi le foisonnement des procédures qui, conjuguées aux restrictions budgétaires, bride leur capacité d’intervention. Pour défendre les missions associatives, la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) demande qu’un dialogue soit engagé au plan national « sur la notion de partenariat entre les pouvoirs publics et la solidarité ». Un « cadre formalisé, décliné sur les territoires » permettrait, selon elle, « de garantir le rôle et la place des associations dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ». Alors que les dernières années ont été marquées par le durcissement de la justice des mineurs, la CNAPE appelle à une « véritable politique générale de la jeunesse », dotée de moyens et mettant l’accent sur la prévention et les réponses éducatives. « A titre d’exemple, une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial – qui peut éviter les expulsions locatives – coûte environ 1 400 € par an contre 45 000 € pour un placement d’enfant lorsque la famille a été expulsée de son logement », souligne-t-elle.
« On nous oppose toujours le coût des mesures sociales, en oubliant celui engendré par le fait de ne pas les prendre », ajoute Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France (APF). « La politique du handicap se sera résumée pendant cinq ans à trois messages : l’augmentation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés, uniquement parce que 35 000 personnes sont descendues dans la rue en mars 2008, des avancées dans la scolarisation des enfants handicapés avec plusieurs réserves – les conditions dans lesquelles les établissements scolaires et les établissements médico-sociaux doivent coopérer ne sont toujours pas connues – et la création de 50 000 places supplémentaires, qui finalement pénalise l’existant dont les moyens n’augmentent pas ». Parmi les volets les plus problématiques de l’application de la loi du 11 février 2005 : l’accessibilité, dont l’APF défend une « conception universelle ». Exemple d’investissement « rentable » : « Dans la ville de Grenoble, où le tramway a été totalement mis en accessibilité, non seulement les personnes handicapées ont gagné en mobilité, mais les rotations ont augmenté de 12 % pour l’ensemble de la population ».
Quant au taux de chômage des personnes handicapées (près de 20 %), « s’il était ramené à celui de la population générale, ce serait autant de personnes qui sortiraient de l’assistance ». Sur ce front, « depuis plusieurs années, non seulement l’Etat n’investit plus mais au contraire désinvestit », condamne la FNATH, évoquant notamment « la ponction sur le budget de l’Agefiph » pour le financement des parcours de formation professionnelle des demandeurs d’emploi handicapés, qui relevait auparavant de la compétence de l’Etat. « Favoriser l’emploi, c’est aussi proposer une politique publique qui ne repose pas sur la charité mais sur la solidarité », résume-t-elle. Un constat que défend également l’ensemble du secteur de l’économie sociale et solidaire, lui aussi décidé à s’organiser pour faire entendre sa voix pour l’échéance présidentielle.
(1) Coordonné par l’APF et mis en ligne sur
(2) Signées de l’Uniopss, de l’APF, de la CNAPE, de la FNATH, du CISS, de l’UNAF, de la LDH, de l’UNA, de l’AD-PA et de la Fnapaef.