Les proches d’une personne séropositive décédée vont-ils pouvoir se recueillir sur le corps du défunt ? C’est ce que demandent 37 organisations (1), qui ont adressé un « document de position » au ministre de la Santé, Xavier Bertrand, pour que soit levée l’interdiction de réaliser des soins de conservation sur les personnes atteintes du sida inscrite dans l’arrêté du 20 juillet 1998 (2).
En effet, le gouvernement, en dépit de la demande d’abrogation de cette interdiction par le Conseil national du sida (CNS) en 2009 (3), s’apprêtait à maintenir cette interdiction dans le cadre de la révision de cet arrêté rendu nécessaire par la réforme des règles relatives aux opérations funéraires. Pour justifier sa position, le ministère de la Santé s’appuyait sur l’avis du Haut Conseil de santé publique (HCSP) du 27 novembre 2009 (4), qui invoque les risques de contamination des professionnels chargés des soins qui ne respectent pas les règles d’hygiène. Celui-ci considère que si la prise de risque infectieux est acceptable lors de soins à une personne malade, il devient, « dans une perspective bénéfice/risque », moins acceptable quand il s’agit d’une personne décédée.
De leur côté, les associations – mobilisées depuis plusieurs mois (5) – déplorent que le Haut Conseil ne donne pas la parole aux proches et aux familles des défunts et contestent la valeur scientifique de son avis. Les études qu’il invoque sont américaines et anciennes – elles datent de 15, voire 20 ans – et ne font pas état de contamination du VIH dans le cadre professionnel d’une opération funéraire, arguent-elles. Par ailleurs, sur le plan éthique, considérer qu’il n’y a aucun bénéfice à opérer des soins funéraires aux défunts, est une façon d’exclure les proches. Selon elles, « maintenir cette interdiction est intolérable pour les proches et les familles » et « revient à dire que le sida est une maladie honteuse, une maladie que l’ont doit cacher ». L’absence de soins funéraires « a pour conséquence l’exposition de corps abîmés qui accroît la détresse de l’entourage », soulignent en outre les organisations, ajoutant que l’idée de ce qu’on fera de leurs corps à leur mort est insupportable aux personnes vivant avec le VIH.
De même, le Conseil national du sida estime à nouveau, dans un communiqué du 20 décembre, que cette interdiction est infondée si « les précautions universelles », particulièrement nécessaires en matière d’opérations funéraires, sont respectées. Il pointe en outre qu’elle accentue fortement la charge émotionnelle des proches et des familles des personnes concernées au moment du décès et représente un risque indéniable de contournement du secret médical. Il demande donc le report de la publication du texte reconduisant l’interdiction.
La mobilisation pourrait payer. Le 4 janvier, le ministre de la Santé a proposé la tenue, le 10 janvier, d’une réunion de concertation rassemblant les deux institutions consultatives (HCSP et CNS), les associations et les professionnels des soins funéraires.
(1) Dont Act Up-Paris, Sidaction, Snesup-FSU, Union syndicale Solidaires…
(2) Relatif aux listes des infections transmissibles interdisant certaines opérations funéraires.
(3) Avis du 12 mars 2009 – Disponible sur
(4) Disponible sur
(5) Huit associations (dont Act Up-Paris, AIDES, Elus locaux contre le sida…) ont adressé, en septembre dernier, une lettre ouverte à Xavier Bertrand lui demandant d’autoriser les soins de conservation pour les personnes séropositives.