Ils sont arrivés dans cette ville portuaire de Grèce dans le seul espoir de la quitter, en prenant un bateau en direction de l’Italie. Mais ces jeunes migrants – tous des hommes – venus d’Afghanistan, d’Irak, de Somalie, d’Erythrée, du Soudan, de l’Algérie et du Maroc scrutent souvent en vain l’horizon. Ils attendent parfois des années l’occasion de se cacher dans un camion afin de poursuivre leur voyage clandestin. A Patras, Stephanos Mangriotis a passé de longs mois à les photographier. A immortaliser leur ennui, leurs visages tristes, leurs lits de fortune. Le photographe, dont le recueil Europa inch’Allah a été réalisé avec le soutien d’Amnesty International, travaille depuis ses débuts sur les notions de frontière, d’identité et de migration. Selon ses dires, ses photos cherchent à « raconter des histoires ». Des histoires sans fin ni finalité, comme celles de ces trois jeunes hommes qui posent dans un hangar en ruines devenu pour eux une planque idéale ; de cette veste élimée restée accrochée aux fils barbelés d’une clôture ; de ces tombes d’immigrés partis de chez eux à 15 ans à peine et qui n’ont jamais pu finir leur voyage. Les images, toutes au format carré, en noir et blanc, privilégient le témoignage, l’état psychologique et les traces laissées par le passage de ces étrangers en « migrerrance ». Europa inch’Allah s’achève sur une postface qui détaille les « paradoxes et contrastes des politiques migratoires européennes ».
Europa inch’Allah – Stephanos Mangriotis – Ed. Images plurielles – 25 €