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Les services psychiatriques s’ouvrent aux « médiateurs de santé-pairs »

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Le 16 janvier, 30 anciens patients vont être recrutés dans des services et établissements psychiatriques. Un programme expérimental financé par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui bouscule les pratiques et suscite des inquiétudes chez les soignants et les usagers.

Un nouveau métier va-t-il émerger dans le champ de la psychiatrie ? Dès janvier, pour la première fois en France, des « médiateurs de santé-pairs » – des anciens usagers de la psychiatrie – seront intégrés, pour deux ans, dans des services de soins. Inspiré d’expériences étrangères – Etats-Unis, Québec, Ecosse –, ce programme expérimental a été lancé en France en 2010 par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS) (1) à la suite d’une recherche-action menée par son équipe, en partenariat avec la FNAPsy (Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie) et le ministère de la Santé. Financé par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, il consiste à former 30 personnes ayant connu la maladie psychiatrique pour les intégrer dans les équipes soignantes. Ce concept de « pair-aidant » – qu’on retrouve dans les groupes d’entraide mutuelle – repose sur l’idée que les personnes les mieux placées pour comprendre une personne en souffrance psychique sont celles qui ont elles-mêmes connu ces troubles.

Un diplôme de niveau bac + 3

Quinze établissements ont été choisis sur appels d’offres dans les trois régions qui participent au programme : Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ils ont ensuite recruté les futurs médiateurs parmi les candidats sélectionnés par un jury dans lequel siégeait – à côté des représentants de l’agence régionale de santé, du CCOMS et de l’université Paris-VIII – un représentant de la FNAPsy. « Le jury de présélection a permis de vérifier que le candidat correspondait bien au profil recherché : une personne qui a connu des troubles psychiatriques, qui a réussi à s’en sortir et qui a pris du recul par rapport à son vécu. Il fallait aussi vérifier ses motivations à faire partager son expérience et à se replonger dans un univers parfois vécu comme source de traumatismes », explique Stéphanie Dupont, chargée de mission au CCOMS.

Quel est le statut de ces nouveaux intervenants ? Les futurs médiateurs s’apprêtent à signer avec leurs établissements un contrat à durée déterminée de deux ans payé 1 300 euros nets par mois, soit l’équivalent de la rémunération d’un agent de la fonction publique hospitalière de catégorie C. A partir du 16 janvier, ils commenceront une formation en alternance à Paris-VIII, dont ils sortiront avec un diplôme universitaire de « médiateurs de santé-pairs » de niveau bac + 3. En parallèle, ils travailleront dans leurs services (hôpitaux de jour, centres médico-psychologiques, équipes mobiles…), aux côtés des professionnels soignants.

Leur mission sera de faciliter l’accès aux soins, de promouvoir l’accompagnement et le soutien relationnel et de participer à l’éducation thérapeutique des patients. « Ce sont des professionnels dont l’expérience devrait aider les patients et les équipes soignantes à avancer vers le rétablissement », défend le psychiatre Jean-Luc Roelandt, directeur du CCOMS et initiateur de ce projet. Conscient que ce programme « bouscule beaucoup de frontières », il y voit un message d’espoir, le médiateur étant « la preuve vivante que les patients peuvent se rétablir ». Néanmoins, « c’est une révolution pour les soignants et pour les usagers, reconnaît-il. Avoir un ancien patient comme collègue, dans les équipes de psychiatrie, va obliger les soignants à faire attention à la manière dont ils parlent des personnes malades. »

Ce programme s’attire d’ailleurs les foudres de certains psychiatres. C’est le cas de Guy Baillon, qui, sur son blog (2), l’accuse « d’écarter les soignants de la psychiatrie ». Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire pointe, de son côté, le risque de confusion des rôles et de « brouillage identitaire » et note que « comprendre celui qui est malade n’équivaut pas à le soigner ». La Fédération des personnels des services publics et des services de santé-FO y voit aussi « une confusion des genres », en contradiction avec « la nécessaire élévation du niveau de formation des professionnels de santé ». Elle réclame l’abandon de « ces expérimentations dangereuses ».

Les réserves de la FNAPsy

La FNAPsy elle-même ne cache pas ses doutes. Estimant que la parole des usagers n’était pas suffisamment prise en compte, elle s’est même retirée du programme en janvier 2011. Elle est finalement revenue sur sa décision pour « pouvoir le faire évoluer dans le respect des usagers ». Aujourd’hui, elle s’inquiète du risque de rechute des médiateurs : « En psychiatrie, les patients ne sont pas guéris mais rétablis. Imaginons un médiateur qui se retrouve devant un malade qui vit la même chose que ce que lui-même a vécu, que se passera-t-il ? », s’interroge Claude Finkelstein, présidente de la FNAPsy. Autre préoccupation, l’accueil qui sera fait au médiateur dans le service : « S’il arrive dans un service en sous-effectif, comment sera-t-il reçu par une équipe qui estimera peut-être qu’il prend la place d’un soignant ? », s’interroge-t-elle. Si chaque médiateur est entouré par un référent – souvent un infirmier psychiatrique – dans le service qu’il intègre, la FNAPsy regrette qu’aucune supervision n’ait été prévue pour ces nouveaux professionnels. Pourtant, admet-elle, l’entraide entre pairs « peut être une aide réelle si le médiateur est bien à sa place ». C’est en tout cas ce que l’évaluation des deux années d’expérimentation devra déterminer.

Notes

(1) Qui dépend de l’EPSM Lille-Métropole. Contact : 03 20 43 71 00.

(2) http://www.mediapart.fr/blog/66105.

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