Quand Aline avait 7 ans, sa mère a mis fin à ses jours. Dix ans plus tard, adolescente, elle tente à son tour de se suicider avec des médicaments. Et se retrouve à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, avec « la langue qui râpe et l’œsophage qui brûle », prisonnière d’un système où elle estime ne pas avoir sa place. Les patients autour d’elle souffrent de pathologies lourdes. Elle ne pense qu’à une chose : sortir. « Une fois réveillée de mon absurdité, j’ai dit que j’allais mieux et qu’on pouvait me laisser partir, merci. » Ni les psychiatres ni la famille d’Aline ne sont d’accord pour qu’elle quitte cette structure où elle passe ses journées « à fumer et à lire Antonin Artaud ». C’est un chapitre ancien mais encore douloureux de sa vie que l’auteure, Sibylline – renommée Aline pour l’occasion –, raconte dans Sous l’entonnoir, mis en dessins par Natacha Sicaud. Les coups de crayon de la bédéiste cernent très justement l’attitude des malades et celle des soignants dans un portrait précis de la vie à l’hôpital : « Ce lieu est un appel au malaise. On voudrait que tout soit normal mais rien ne l’est. L’air est chargé d’imprévisible. » On suit le personnage d’Aline à travers cette épreuve, à travers sa restauration aussi. Sous l’entonnoir n’est pas un ouvrage à charge contre l’hôpital psychiatrique, mais l’histoire d’une fille qui trébuche et qui repart. Et pour qui cette parenthèse a finalement eu du bon, lui permettant de comprendre qu’il y a un autre moyen de se libérer d’une douleur qu’en y mettant un point final.
Sous l’entonnoir – Sibylline (scénario) et Natacha Sicaud (dessin) – Ed. Delcourt Mirages – 17,50 €