Le père de June a bien du mal à tenir ses promesses. Il a beau avoir suivi une première cure de désintoxication, il retombe invariablement dans l’alcool. Et un simple verre de vin suffit à transformer le quotidien de sa famille en cauchemar. « Je n’ai pas faim. Ces derniers temps, toute envie de manger m’a quitté […]. Mais j’ai soif. Et d’autre chose que du café », rumine-t-il dans le chapitre de cette bande dessinée intitulé « Breakfast blues ». Malgré les antidépresseurs et les séances chez le psychiatre, Otis continue à cacher des bouteilles de vin dans le bois voisin. Un jour, il s’assied même auprès d’un sans-abri pour partager un litron avec lui. Pas facile pour sa fille de supporter les moqueries des enfants du quartier sur son « poivrot » de père. Son épouse s’inquiète : « Le docteur a dit qu’une rechute serait catastrophique. Qu’une hospitalisation à la demande d’un tiers serait la seule solution. » Si cette mère se donne de la peine pour épargner ses enfants, la petite June ne peut s’empêcher de voir que son père est triste, « un peu bizarre », et qu’il lui arrive de vomir après avoir promené le chien… L’hospitalisation sera donc la seule issue. June est malheureuse de ne plus voir son père, mais rêve de sa guérison, du jour où « il arrêtera de se cogner la tête contre les murs ». Nicolas Moog a choisi d’aborder ce difficile sujet de l’alcoolisme par une approche artistique multiforme : les dessins sont bicolores tout au long de l’album, mais les pages se composent tantôt de multiples petites cases très structurées, tantôt de dessins sans contours, voire de grandes pages illustrées d’un seul croquis. Ce qui met l’emphase sur certaines scènes et révèle certains symboles. Les traits des visages, à peine esquissés, suffisent à exprimer la mélancolie des personnages et à émouvoir le lecteur.
June – Nicolas Moog – Ed. 6 Pieds sous terre, collection « Blanche » – 20 €