Toujours plus sollicité, notamment par les familles et les jeunes, le numéro d’urgence 115 n’arrive pas, faute de places d’hébergement disponibles, à répondre à toutes les demandes. C’est ce que confirme le premier rapport annuel de l’Observatoire national du 115, piloté par la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) dans le cadre de sa convention avec la direction générale de la cohésion sociale pour l’animation du dispositif. Celui-ci fait d’ailleurs écho à la Cour des comptes, qui juge également l’offre d’hébergement insuffisante (voir ce numéro, page 14).
Deux ans après le lancement de la « refondation » des politiques d’hébergement et d’accès au logement, le document pointe les difficultés des associations à assurer un accueil inconditionnel et leur incapacité à sortir les personnes des dispositifs d’urgence pour les accompagner vers le logement, en raison de l’embolie générale du système. Ce constat « met en évidence la nécessité de donner à la stratégie du “logement d’abord” l’ambition politique et les moyens qu’elle nécessite », insiste la FNARS (1).
Dans les 20 départements étudiés (soit un peu plus de 55 % de l’activité nationale du 115), plus de 1,2 million d’appels ont été « décrochés » en 2010. Ce qui permet à l’observatoire de conclure à une estimation de plus de 2 millions d’appels à l’échelle nationale. Les appels pouvant concerner plusieurs personnes, la FNARS évalue à 6 millions le nombre total de demandes.
Les sollicitations se rapportent principalement à des demandes d’hébergement (95 %), le reste portant sur des renseignement sur les dispositifs et l’accès aux droits. Si la proportion d’attributions de places varie fortement selon les départements, « le constat est partout le même : la persistance d’un grand nombre de réponses négatives ». Hors période de grand froid, plus de 40 %, et jusqu’à 65 % des demandes, ne débouchent pas sur une attribution de place. Les couples avec enfants sont particulièrement touchés. Plus de la moitié des nuitées sont proposées en centre d’hébergement d’urgence, 40 % en hôtel et 7 % dans une autre structure (hébergement de stabilisation ou d’insertion, maison-relais, lit halte soins santé…) Si, en moyenne, les personnes ont été hébergées 20 jours via le 115 (hors Paris, avec de fortes variations selon la composition du ménage), plus de la moitié des demandes ont donné lieu à l’attribution d’une seule nuit en 2010. La FNARS constate néanmoins que le nombre de personnes bénéficiant de plusieurs jours d’hébergement a augmenté entre les hivers 2009-2010 et 2010-2011. Elle y voit un effet positif du plan d’action renforcé en direction des personnes sans abri (PARSA) de 2007 et d’une « meilleure application du principe de continuité ».
Contrairement aux appels, le nombre de solutions varie selon les saisons, « malgré les engagements réitérés des pouvoirs publics de pérenniser les dispositifs » : le pourcentage de non-attributions augmente au mois d’avril avec la fermeture des places ouvertes pour le plan hivernal. L’absence de places disponibles reste le principal motif de non-attribution, ce qui prouve que, malgré l’augmentation de sa capacité d’accueil (+ 58 % entre 2004 et 2010), le dispositif ne parvient pas à suivre l’évolution des besoins (environ + 75 % pour les personnes sans domicile entre 2001 et 2010), commente la FNARS. Une raison de plus pour « ne pas démanteler le filet de sécurité de l’hébergement ».
Le rapport permet aussi de mieux connaître le profil des appelants. Les deux tiers sont déjà connus du 115, « ce qui en dit long sur l’absence de solutions pérennes proposées aux personnes en difficulté d’accès au logement ». Par ailleurs, la moitié des demandes d’hébergement concerne des familles. Quant aux jeunes de 18 à 25 ans, ils représentent 20 % des personnes ayant sollicité le 115 en 2010.
Enfin, le rapport rappelle les principales données issues d’une enquête de la FNARS sur les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO), menée en avril dernier (2). A cette époque, plus de la moitié des SIAO n’organisaient pas de commission partenariale d’orientation entre les acteurs de l’urgence et de l’insertion. « Le volet insertion du SIAO reste largement à développer », souligne la FNARS. Si des évolutions ont pu avoir lieu depuis, la fédération préconise plusieurs axes de travail pour améliorer le dispositif : renforcer la coordination des acteurs en amont (avec la veille sociale) et en aval (avec les partenaires de l’accès au logement), décloisonner les volets « urgence » et « insertion » pour favoriser la continuité des parcours, « mieux impliquer les travailleurs sociaux et les personnes accueillies » et « clarifier le rôle du référent personnel ».