Recevoir la newsletter

Trois ans après sa création, le RSA est loin de produire les effets escomptés

Article réservé aux abonnés

C’est un bilan en demi-teinte qu’a dressé le président du comité national d’évaluation du revenu de solidarité active (RSA) lors d’une conférence nationale qui s’est tenue, à La Défense, le 15 décembre. Présentant ce jour-là le rapport final du comité(1) devant une assemblée quelque peu échaudée (voir ce numéro, page 25), François Bourguignon a reconnu que le dispositif n’avait pas encore atteint « son rythme de croisière ». Créé par la loi du 1er décembre 2008(2), le RSA bénéficiait, en juin dernier, à 1,9 million de foyers métropolitains. Au total, environ 3,9 millions de personnes étaient couvertes par la prestation, soit environ 6 % de la population(3). Or, que l’on s’intéresse au nombre de bénéficiaires – notamment pour le RSA « activité » – ou à l’impact du dispositif sur le retour à l’emploi des plus démunis, le dispositif est loin de remplir les objectifs qui lui étaient assignés. Des constats partagés notamment par la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, qui a clôturé cette rencontre nationale.

Un dispositif efficace de lutte contre la pauvreté ?

Le RSA a-t-il permis d’améliorer la situation des personnes pauvres et des exclus en France ? Pour Roselyne Bachelot, « la réponse à cette question est positive » : « grâce au RSA, 150 000 personnes sont sorties de la pauvreté depuis 2008. C’est d’autant plus significatif dans le contexte de crise aujourd’hui. » Bien sûr, note François Bourguignon, « mieux vaut vivre avec peu qu’avec rien ». Ce à quoi répond le RSA « socle » puisqu’il assure aux personnes sans revenu un montant minimum de ressources qui varie en fonction de la composition de leur foyer. Mais qu’en est-il du RSA « activité » qui, rappelons-le, permet de cumuler, dans une certaine proportion, l’allocation et un revenu tiré d’une activité professionnelle. « Pour les bénéficiaires, l’effet constaté du RSA “activité” sur la pauvreté est en conformité avec ce qui était attendu », note le gouvernement, puisqu’il accroît « d’environ 18 % le revenu mensuel médian par unité de consommation des bénéficiaires ». Toutefois, son effet sur le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté (fixé aujourd’hui à environ 950 € par unité de consommation) est limité. Selon François Bourguignon, le dispositif ne ferait passer que de 16,3 % à 16,1 % le nombre de personnes pauvres en France. Si le non-recours est l’un des arguments avancés pour expliquer ce chiffre, le rapport note également que, bien souvent, le RSA « activité » accroît le revenu des ménages sans leur faire passer le seuil de pauvreté.

Le RSA activité peine à trouver son public

Sans surprise, le passage du revenu minimum d’insertion (RMI) au RSA « socle » n’a pas généré de forte hausse du nombre des bénéficiaires. En juin dernier, 1,4 million de foyers le percevaient, dont 1,2 million au titre du RSA « socle seul » et 200 000 au titre du RSA « socle plus activité ». En revanche, le nombre d’allocataires du RSA « activité seul » est inférieur aux prévisions : 500 000 foyers en bénéficiaient en juin contre 1,5 million initialement prévus. Principale raison évoquée par le comité : le taux de non-recours estimé (c’est-à-dire la proportion des non-bénéficiaires parmi les personnes éligibles au RSA) est de 68 % pour le seul RSA « activité ». Un phénomène qui s’explique principalement par une méconnaissance du dispositif.? Ainsi, 35 % des personnes interrogées déclarent connaître le RSA « socle » mais ignorent sa composante « activité » et 11 % méconnaisent l’existence même du dispositif. D’autres, en emploi, pensent, parfois à tort, qu’elles n’y sont pas éligibles. D’autres encore n’y ont pas recours « par principe », par peur d’être « stigmatisées » ou encore « se débrouillent autrement », rapporte François Bourguignon qui note, par ailleurs, que « seulement 3 % n’y ont pas recours par peur de perdre des droits connexes ».

L’accompagnement vers et dans l’emploi, talon d’Achille du RSA

Autre constat, alors que le RSA est censé favoriser le retour à l’emploi de ses bénéficiaires, le rapport note un impact limité du dispositif sur ce point. D’une part, parce que « le RSA, du moins à court terme, n’a pas significativement augmenté l’incitation financière à la reprise d’emploi par rapport au RMI avec intéressement ». D’autre part, parce que « des freins autres que financiers limitent souvent le retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux ». Une meilleure articulation entre accompagnement social et accompagnement professionnel doit donc encore être recherchée. D’autres obstacles ont aussi été relevés par les intervenants et la salle, notamment l’absence de guichet unique, des démarches trop complexes pour les allocataires, l’absence d’accompagnement renforcé… Roselyne Bachelot a fait savoir que des améliorations seraient apportées au dispositif sur certains de ces points. Elle envisage notamment de créer des « plateformes d’instruction et d’orientation, d’accompagnement, intégrant toutes les parties prenantes et, en particulier, les associations dont le savoir-faire est indispensable », de « prévoir dans les pactes territoriaux pour l’insertion des actions qui intègrent les complémentarités relevant de l’emploi et du social », ou encore, plus globalement, de « fusionner la prime pour l’emploi et le RSA » afin de renforcer l’incitation financière du dispositif. Le comité national d’évaluation invite, pour sa part, à relativiser, pour l’instant, la question de l’accompagnement, dans la mesure où « le dispositif est encore récent et [qu’]il n’est pas sûr que les réformes envisagées [lors de la création du dispositif] aient été toutes effectuées et qu’elles aient commencé à porter leurs fruits ». La ministre a d’ailleurs relevé les « retards constatés dans certains départements pour la mise en place de l’accompagnement des bénéficiaires ».

Un sentiment de déclassement chez les bénéficiaires

Mais le manque d’accompagnement n’est pas la seule lacune relevée. Selon François Bourguignon, les allocataires expriment aussi un sentiment de « déclassement » vis à vis du marché du travail. Selon le comité d’évaluation, fin 2010, 36 % des allocataires du RSA étaient en emploi. Parmi eux, 53 % exerçaient un emploi à temps partiel, et 43 % étaient recrutés en contrats à durée déterminée, soit des chiffres trois à quatre fois supérieurs à ceux observés dans le reste de la population. Dans le même temps, la ministre s’est paradoxalement félicitée du succès des contrats aidés de sept heures expérimentés dans 13 départements(4) : « les bénéficiaires sollicitent eux-mêmes les conseils généraux expérimentateurs pour demander à participer à cette expérimentation », a-t-elle affirmé.

Une évaluation à poursuivre

Dans tous les cas, le comité d’évaluation du RSA et le ministère s’accordent pour dire que l’évaluation du dispositif doit être poursuivie. Même si le comité disparaît avec ce dernier rapport, « il est important [..] qu’un certain nombre d’indicateurs continuent d’être produits et suivis au moins jusqu’à ce que l’on estime avoir atteint un stade où les effets du dispositif sont stabilisés », conclut son président. « Il sera alors utile de reconduire une évaluation globale du dispositif et de réexaminer à la lumière des nouveaux résultats disponibles les enseignements tirés de cette première évaluation. »

Notes

(1) Comité national d’évaluation du RSA – Rapport final – Disponible sur www.rsa.gouv.fr.

(2) Pour une présentation complète du dispositif, voir le numéro juridique des ASH, Le revenu de solidarité active, 2e édition, septembre 2011.

(3) Selon les derniers chiffres communiqués par la CNAF, le nombre d’allocataires du RSA « socle » est relativement stable entre juin et septembre 2011 et celui des allocataires du RSA « activité » a légèrement diminué – E-ssentiel n° 17 – Décembre 2011.

(4) Voir ASH n° 2726 du 30-09-11, p. 10.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur