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La Cour des comptes pointe les lacunes de la politique d’hébergement

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C’était une commande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale. Il s’agissait, pour la Cour des comptes, d’évaluer les premiers résultats de la réforme impulsée depuis 2009 par le gouvernement en matière d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri. Autrement dit, la fameuse « refondation » dessinée il y a deux ans avec le monde associatif et dont le « logement d’abord » est un des principes structurants(1). Après plusieurs mois d’enquête, le président de la juridiction financière, Didier Migaud, a présenté le 15 décembre, aux membres du CEC, le rapport des sages de la rue Cambon(2). Au final, « les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous »… mais « il faut du temps » et « le calendrier retenu était trop court », a-t-il résumé au terme de son audition, après avoir déroulé les conclusions de la cour.

Constats en demi-teinte

Soufflant le chaud et le froid, la Cour des comptes dresse plusieurs constats. Le premier d’entre eux est que la politique de refondation a été définie et mise en œuvre sans que soient connues, à l’entrée dans le dispositif, la demande d’hébergement et ses causes, ni, à la sortie, les populations capables d’accéder immédiatement à un logement. « L’administration est démunie et les services déconcentrés soulignent les difficultés à établir une programmation de l’offre quand on méconnaît à ce point les populations concernées », a résumé Didier Migaud. Paradoxalement, de nombreuses enquêtes et études sont menées sur le sujet mais elles sont le plus souvent « limitées dans le temps et dans l’espace » et « ne peuvent être extrapolées au plan national ».

Deuxième constat : la mise en place des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) – dont la cour reconnaît le rôle essentiel pour fluidifier le parcours entre l’urgence, l’insertion et le logement – s’est faite « de manière plus lente que prévue et souvent imparfaite ». Le rapport relève notamment que, dans certains départements, « il existe encore une césure entre l’urgence et l’insertion, césure concrétisée par l’existence de deux ou plusieurs SIAO là où l’ambition initiale était qu’il n’y en ait qu’un ». En outre, « les SIAO ne disposent encore que d’une capacité relative à centraliser les demandes et les offres d’hébergement, et leur articulation avec les centres 115 est à améliorer » (voir aussi le rapport de l’Observatoire national du 115, dans ce numéro, page 24).

Autre élément de bilan : malgré les efforts de l’Etat, la mise en œuvre du « logement d’abord » se heurte à deux écueils. En premier lieu, toutes les personnes sans abri ou présentes dans les dispositifs d’hébergement ne sont pas éligibles à un logement. « Nombre d’entre elles doivent demeurer dans les dispositifs d’hébergement, quand ce n’est pas à la rue », a indiqué Didier Migaud. En second lieu, le nombre de logements accessibles aux personnes sans domicile est encore trop faible dans les zones où la demande est forte.

La Cour des comptes estime encore que de nombreuses mises à la rue pourraient être évitées avec une politique de prévention plus efficace. Pour elle, les mesures nouvelles prises en la matière – création d’un numéro vert, renforcement de la garantie du risque locatif, recours à l’intermédiation locative, mise en place effective des commissions de prévention des expulsions – « peinent à trouver leur efficacité ». En outre, si la prise en charge de certains publics spécifiques comme les sortants de prison ou les personnes sans troubles psychiatriques est mieux assurée, des difficultés subsistent s’agissant d’autres populations comme les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance. La cour juge également regrettable que la situation des demandeurs d’asile ne soit pas traitée en tant que telle dans le cadre de la politique de l’hébergement. « Cette population reste fixée, souvent pendant plusieurs années, dans le dispositif d’hébergement d’urgence, notamment dans les chambres d’hôtels », a expliqué Didier Migaud.

Plus globalement, la cour considère que l’organisation des services de l’Etat en charge de la politique de l’hébergement« trop nombreux » à son goût – devrait être améliorée. Entre autres remarques, elle reconnaît que la délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (DIHAL) « a permis une meilleure animation interministérielle et fortement contribué au dialogue et à la médiation avec le monde associatif ». Pour autant, « en l’absence de moyens financiers et administratifs à sa disposition, la question de l’effectivité de son rôle en matière de pilotage de la stratégie de la refondation reste entière ».

Enfin, tout en saluant les efforts consentis ces dernières années pour augmenter les capacités d’hébergement ou le nombre de structures tournées vers la réinsertion, la cour renouvelle le constat d’une offre d’hébergement insuffisante, en particulier dans certaines régions au regard du nombre de personnes concernées.

« Axes de progrès »

A partir de ces constats, la Cour des comptes définit plusieurs « axes de progrès » : constitution d’une base de données anonymisée sur les bénéficiaires de l’hébergement pour améliorer la connaissance des populations concernées ; achèvement de l’objectif de déploiement des SIAO ; réalisation d’une étude juridique sur l’évolution des statuts et des financements des différentes structures d’hébergement ; prise en compte de la parole et participation des personnes hébergées (à travers la généralisation des comités consultatifs des personnes accueillies); « reconquête des contingents préfectoraux dans le parc social », en particulier dans les zones tendues ; développement des formules innovantes d’accès au logement telles que l’intermédiation locative ou les maisons-relais…

Les sages de la rue Cambon recommandent également de « desserrer », dans les zones tendues, la contrainte en matière de stabilisation de la capacité d’hébergement afin de créer des places supplémentaires. Enfin, la cour préconise une évaluation des dispositifs de prévention autour des impayés de loyers, une extension du rôle de la DIHAL, l’accélération de la mise en place des plans départementaux de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, le développement d’outils communs de collecte de données et l’amélioration du tableau de bord de suivi de la réforme.

Le gouvernement « s’appuiera » sur le rapport

Dans un communiqué, le secrétaire chargé du logement, Benoist Apparu, et sa ministre de tutelle, Nathalie Kosciusko-Morizet, ont indiqué qu’ils partageaient certains constats de la Cour des comptes et annoncé que le gouvernement « s’appuiera » sur les recommandations du rapport « qui l’encouragent à aller plus vite et plus loin sur des chantiers déjà lancés » comme le développement de l’intermédiation locative, la responsabilisation et le renforcement des services intégrés d’accueil et d’orientation ou bien encore la reconquête du contingent préfectoral. En revanche, le secrétaire d’Etat et la ministre ne partagent pas la recommandation d’augmenter encore les capacités d’hébergement en zones tendues. Pour eux, il est possible, à capacités constantes, de « limiter la demande par la prévention et de mieux y répondre par l’accélération des sorties vers le logement ». « La réponse à l’augmentation de la demande ne peut pas résider dans une croissance continue de l’offre », estiment-ils.

Notes

(1) Sur le sujet, voir en dernier lieu ASH n° 2737 du 16-12-11, p. 10.

(2) En attendant la publication du rapport, le compte rendu de l’audition de Didier Migaud est disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

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