Certains de leurs propos peuvent agacer. D’autres prêtent à sourire, ou donnent à réfléchir. Rien, en tout cas, dans le discours des Gars de Villiers, ne laisse indifférent. Pendant quatre ans, ces dix copains de la cité des Hautes-Noues, zone urbaine sensible de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), ont travaillé avec Pascale Egré, journaliste au Parisien-Aujourd’hui en France, pour réaliser un rêve né à l’âge du collège : écrire un livre ensemble, pour « affirmer une trajectoire commune » et « témoigner de [leur] désir de réussite ». Le résultat est surprenant. Chapitre après chapitre, les dix auteurs – neuf Africains, un Arabe – abordent les thèmes qui leur tiennent à cœur : les origines, la cité, le foot, la police, la religion, la drogue, les filles, etc. Chacun s’exprime avec son style – lyrique pour Hadama le poète, didactique pour Yassine l’étudiant, sobre pour le discret Endy… –, s’efforçant de contourner les clichés. En presque 300 pages denses et enlevées, tous offrent au lecteur l’occasion de plonger dans un univers mental plus complexe et contrasté que l’image qui en est habituellement donnée. Les chapitres sur la politique ou l’identité laissent deviner des débats fougueux, des avis tranchés et une réelle envie d’échanger, de comprendre l’autre. A l’aube de la trentaine, l’âge où l’on mesure le décalage avec ses rêves de gosse, il leur faut désormais « l’ambition des rêves », écrit Gamal à la fin du livre avec un certain fatalisme. Et d’ajouter : « Dans un avenir lointain, Inch’Allah, je me verrais bien écrire une suite à cet ouvrage. Il me permettrait de faire les comparaisons. Si vous êtes opé, on remet ça ! »
Les gars de Villiers – Présenté par Pascale Egré – Ed. Ginkgo – 14 €