Au début 2011, sur 65 000 personnes détenues en prison en France, 24 000 ont eu une activité rémunérée. Mais davantage auraient voulu travailler. Les listes d’attente sont longues, les postes vacants rares. C’est sur cette situation, ce paradoxe, que se sont penchés Joséfa Lopez et Aurélien Chartendrault, avec le graphiste Julien Valente, pour réaliser un web-documentaire extrêmement complet sur le site Lexpress.fr. Qui sont les détenus qui peuvent travailler ? Les plus sages ou les caïds, selon les prisons, répondent des responsables du monde pénitentiaire et associatif. C’est une commission de classement qui décide, comme celle que les journalistes ont pu filmer à Bois-d’Arcy (Yvelines). Avant d’aller demander aux détenus pourquoi ils souhaitent « descendre travailler ». Passer le temps, envoyer de l’argent à la famille, répondent ces voix anonymes sur fond de bruits d’atelier. Elles veulent aussi « cantiner » : gagner de l’argent pour s’acheter des cigarettes, des sodas, un téléviseur. Alors même que la paie ne dépasse pas les 250 € par mois, pour des cadences controversées. Quelques entreprises en profitent, pour lesquelles les détenus constituent une main-d’œuvre docile, flexible – il n’existe pas de contrat de travail en prison – et peu coûteuse, mais la plupart demeurent méfiantes, entre les normes de sécurité à respecter et leur image à ménager.
Les photos des prisonniers – de dos ou incarnés par leurs mains en gros plan – sont accompagnées de témoignages sonores uniques. Le temps est laissé à la parole. Ne pas voir les visages aide aussi à se concentrer sur le choix des mots, les intonations, l’émotion. Celle-ci pourrait être plus prégnante encore, mais le choix a été fait de traiter le sujet plus à distance, de privilégier l’enquête, pour éclairer sans angle mort ce travail de l’ombre. La mission est remplie.
Les ouvriers de l’ombre – Joséfa Lopez et Aurélien Chartendrault – www.lexpress.fr/actualite/societe/travail-en-prison-les-ouvriers-de-l-ombre-webdocumentaire-l-express_999749.html
