Afin d’éviter que l’« affaire du Chambon-sur-Lignon » se reproduise, le garde des Sceaux diffuse des instructions aux parquets sur la conduite à tenir en cas de mise en examen d’un mineur pour des « faits graves » et « souvent commis au préjudice de victimes elles-mêmes mineures ». Suggérées en novembre dernier par le Premier ministre (1), ces instructions valent tant lorsque le mineur est déféré devant le juge de l’instruction que dans l’hypothèse où il serait remis en liberté avant un jugement au fond de l’affaire dans laquelle il est impliqué.
Selon la circulaire, doivent être considérés comme « graves » les faits de nature criminelle, tels que le meurtre d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, ou les faits de nature délictuelle portant atteinte aux personnes dès lors qu’ils ont été commis dans des circonstances révélant la dangerosité particulière de leur auteur ou qu’ils ont entraîné chez la victime un préjudice particulièrement important. « C’est notamment le cas de toutes les atteintes à la vie, des viols et agressions sexuelles aggravées et des violences aggravées lorsque, en raison des circonstances de leur commission, ces infractions laissent craindre avec une particulière acuité un nouveau passage à l’acte », explique le ministre de la Justice.
Certes, la détention provisoire doit rester l’exception, reconnaît Michel Mercier. Mais il est « essentiel, s’agissant de faits particulièrement graves, d’en prévenir absolument le renouvellement en requérant un placement en détention [provisoire] » dans le respect de l’article 144 du code de procédure pénale qui fixe les objectifs que doit poursuivre cette mesure. La détention provisoire peut être prononcée à l’encontre des mineurs âgés de plus de 13 ans en matière criminelle et de ceux âgés de 16 à 18 ans en matière délictuelle lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans qui ne peuvent être placés en détention provisoire en matière délictuelle, le ministre demande aux magistrats d’envisager leur placement sous contrôle judiciaire avec obligation de respecter les conditions d’un placement en centre éducatif fermé – rendu possible par la loi du 10 août 2011 sur la justice des mineurs (2) – « et ce, même si le mineur n’est pas connu des services de police ou de justice ».
En outre, insiste Michel Mercier, lorsque la durée maximale de détention provisoire aura été atteinte ou lorsque ses critères ne seront plus remplis, un placement sous contrôle judiciaire « particulièrement strict » doit être prévu afin de « limiter les risques de réitération de l’infraction ». En particulier, souligne-t-il, un placement en centre éducatif fermé doit être envisagé et ce, « quand bien même l’intéressé ne serait ni réitérant ni récidiviste » (3).
Avant toute remise en liberté du mineur, le ministre demande que figurent à son dossier tous les éléments de sa personnalité (rapport d’expertise, dossier d’assistance éducative, recueil de renseignements socio-éducatifs ou mesure judiciaire d’investigation éducative). Ce dossier devra également intégrer « une analyse approfondie du projet de sortie par les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et notamment par les services éducatifs intervenant en détention ».
Dans tous les cas, Michel Mercier demande aux parquets de veiller au « règlement rapide » de ces procédures particulièrement sensibles et à leur donner, en priorité, une date d’audience.
(3) La récidive légale consiste en la commission d’une deuxième infraction après que son auteur a été condamné définitivement pour une première infraction. La récidive est dite « générale » lorsqu’il s’agit d’une infraction différente et « spéciale » lorsqu’il s’agit de la même. Les infractions commises ne répondant pas aux conditions de la récidive légale relèvent de la multiréitération.