Doctrine gouvernementale qui consiste à privilégier « l’accès immédiat à un logement permanent des personnes à la rue, sans préalable », le « logement d’abord » est au cœur des controverses actuelles sur l’hébergement et l’accès au logement. En réponse à la grogne des professionnels du secteur – qui dénoncent des restrictions budgétaires et des fermetures de places sans que suffisamment de logements pérennes soient disponibles –, un grand rendez-vous était programmé sur le sujet le 9 décembre dernier, à Paris : les assises nationales du logement d’abord, qui faisaient suite aux assises interrégionales et aux travaux d’un groupe de travail réunissant des représentants du secteur associatif, des bailleurs sociaux, des usagers et de l’Etat. Plusieurs tables rondes étaient au programme. Au terme de la journée et après avoir entendu les inquiétudes exprimées par les acteurs du terrain (voir ce numéro, page 21), le secrétaire d’Etat chargé du logement, Benoist Apparu, a estimé qu’il était temps de passer « de la théorie à la pratique » et d’accélérer « la transition déjà entamée vers le logement d’abord ». Dans cet esprit, il donnera dans les prochaines semaines des consignes aux préfets pour que la mise en œuvre du « logement d’abord » fasse l’objet d’un échange avec tous les acteurs de leur territoire et pour que des mesures opérationnelles dès 2012 soient programmées et financées. « Trois actions prioritaires » lui semblent par ailleurs devoir être mises en œuvre dès maintenant dans les territoires.
Il s’agit tout d’abord d’augmenter le nombre de logements sociaux effectivement attribués aux ménages, en produisant de nouveaux logements mais aussi en exploitant au mieux les 4,5 millions de logements du parc social existant et en mobilisant le parc privé (grâce aux dispositifs incitatifs du type bail glissant ou intermédiation locative). Les services intégrés d’accueil et d’orientation doivent aussi jouer pleinement leur rôle avec « un double enjeu » : que tous ceux qui attendent dans des hébergements ou logements temporaires n’y restent que « le temps strictement nécessaire » et que les sans-abri qui peuvent passer directement de la rue au logement soient identifiés et aidés.
Deuxième action prioritaire : garantir un accompagnement adapté car « le logement seul serait un échec assuré sans accompagnement ». Les services chargés de cette mission pourront être financés via une dotation globale de fonctionnement avec le statut de CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), au même titre que la plupart des accompagnements assurés en hébergement, a annoncé le secrétaire d’Etat.
Troisième action prioritaire : Benoist Apparu souhaite voir se développer les pensions de famille, qui comptent actuellement 10 300 places et auxquelles vont venir s’ajouter 3 500 places supplémentaires, validées et en cours de construction. Les préfets seront à cet égard mis à contribution pour « accélérer autant que possible l’ouverture des places déjà validées » et « soutenir de nouveaux projets de création ».
Pour favoriser la mise en œuvre du « logement d’abord », le secrétaire d’Etat a prévu un plan d’accompagnement comprenant notamment des expérimentations dans dix territoires pilotes, qui recevront leur feuille de route le 4 janvier prochain. De même, pour favoriser l’appropriation locale de cette dynamique, les préfets sont chargés d’engager une discussion avec les présidents des conseils généraux pour préciser le rôle de chacun dans la nouvelle stratégie. Enfin, du côté des moyens, Benoist Apparu a assuré qu’il n’y aurait pas de coupes budgétaires mais a prévenu qu’il faudra « assumer des redéploiements » et « réduire le budget des structures d’hébergement qui ont des subventions très au-dessus de la moyenne ». « Il ne s’agit pas de dépenser moins : nous dépenserons autant, mais mieux », a-t-il martelé.