L’immigration clandestine inspire les cinéastes : Dirty Pretty Things (Stephen Frears), Welcome (Philippe Lioret), Eden à l’ouest (Costa-Gavras)… Parfois, la dénonciation des injustices se mêle à un pathos appuyé, comme si l’indignation ne pouvait naître que de la dramatisation. Pas de larmes ni de réquisitoire implacable chez le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki, qui signe avec Le Havre son premier film en français. Cireur de chaussures pour se rapprocher du peuple, Marcel Marx (interprété par André Wilms), écrivain qui n’a connu qu’un succès « artistique », partage sa vie entre son travail, le bistrot et sa femme Arletty (Kati Outinen). Jusqu’au jour où le hasard lui fait croiser Idrissa (Blondin Miguel), un jeune immigré africain échappé d’un container intercepté par la police. Il commence par lui offrir un sandwich puis, naturellement, l’engrenage s’enclenche : l’adolescent s’installe dans sa maisonnette, et Marcel Marx décide de l’aider à rejoindre sa mère en Angleterre. Mais la police rôde… Passé les premières minutes de surprise, le charme opère. Dans un Havre exhumé des années 1950, les voisins de Marcel Marx, une galerie de personnages savoureux (la gentille boulangère serviable, le primeur roublard, le rockeur au cœur tendre…), incarnent toutes les facettes de l’âme humaine : certains contribuent à cacher le garçon, quand d’autres le dénoncent à la police. A mille lieues du pamphlet démonstratif, Kaurismäki use d’un humour décalé pour souligner l’absurdité du discours politique actuel et la spontanéité d’une solidarité qui se passe d’emphase. Un film « à tous égards irréaliste », selon les mots du réalisateur, d’abord déroutant, puis finalement attachant.
Le Havre – Aki Kaurismäki – Prix de la critique internationale et mention spéciale du jury œcuménique au Festival de Cannes 2011 – En salles le 21 décembre