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Reprendre son chemin

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En Ille-et-Vilaine, le centre médical et pédagogique Rennes-Beaulieu est spécialisé dans l’accueil d’adolescents et de jeunes adultes nécessitant des soins de réadaptation, de médecine physique et de psychiatrie. L’hospitalisation, qui laisse une grande place à la scolarité et à l’insertion, y est tout entière tournée vers le retour en milieu ordinaire.

« Quand j’étais en réa, j’ai fait promettre au chirurgien que même s’il me coupait la jambe, il fallait qu’il fasse en sorte que je puisse rejouer au basket », se souvient Gaëtan Sieur, un jeune maçon de 19 ans originaire de Fougères (Ille-et-Vilaine). « Cinq mois après, je suis remonté sur un terrain, en handisport, et à la rentrée qui a suivi je me suis inscrit dans un club, parce que moi, il me faut de la compétition. » Fauché dans un accident de la circulation en décembre 2009, le jeune homme a passé dix-sept mois au centre médical et pédagogique de Rennes-Beaulieu, un centre de rééducation de la Fondation santé des étudiants de France (FSEF) (1).

Erigé en lisière du campus scientifique de la capitale bretonne, le centre est doté d’un établissement scolaire participant au service public de l’Education nationale, rattaché administrativement au lycée Chateaubriand (avec 25 professeurs à disposition). Il assure des cours du niveau collège jusqu’à la terminale générale, technologique ou professionnelle. « L’objectif est vraiment de rendre son autonomie au patient, résume Gilles Ulliac, le directeur du centre. On se doit de l’éduquer à la santé pour qu’il puisse vivre avec son handicap, mais aussi de l’aider à se réinsérer dans le système scolaire, voire professionnel. » Pour cela, un service d’accompagnement et de soutien (SAS), un service d’insertion professionnelle et d’ergonomie (SIPE) et un espace de mobilisation professionnelle précoce (EMPP) complètent le dispositif.

La FSEF a été fondée en 1923 pour faire face au problème de la tuberculose, qui exigeait une hospitalisation de longue durée et rendait la poursuite des études difficiles. Au fil des ans et de l’évolution de la demande de soins, l’organisation s’est tournée vers d’autres spécialités telles que la médecine physique et de réadaptation, les soins de suite médicalisés et la psychiatrie. Aujourd’hui, 11 établissements sanitaires et 7 structures médico-sociales sont disséminés sur le territoire français. Parmi eux, le centre de Rennes-Beaulieu, créé dans les années 1970, est doté de 86 lits et places, occupés en hospitalisation de jour ou complète par des patients victimes de traumatismes crâniens, d’atteintes médullaires, d’amputations, de polytraumatismes, de fractures, de maladies neurodégénératives, d’infirmité motrice cérébrale, etc. Certains soins sont également délivrés en ambulatoire lorsque l’amélioration de l’état du patient le permet. En outre, même si l’établissement de médecine physique et de réadaptation n’est désormais plus réservé exclusivement aux mineurs, en 2010, il a néanmoins accueilli toujours 25 % de patients de moins de 18 ans. Le centre dispose également d’une unité soins-études psychiatrique mise en place à la rentrée 2010 pour une quinzaine d’élèves de terminale et d’étudiants présentant des troubles stabilisés. Ils sont suivis en partenariat avec l’hôpital psychiatrique Guillaume-Régnier. Ce service accueille essentiellement des jeunes confrontés à des souffrances psychiques (70 %) – notamment des phobies scolaires ou sociales –, prises en charge médicalement à l’extérieur de l’établissement.

Un projet thérapeutique global

Dès l’admission, sur orientation médicale, Emilie Bourre, assistante de service social (AS), rencontre chaque nouvel arrivant pour faire le point sur son suivi administratif : droits ouverts, documents d’arrêts de travail… « Ensuite, en fonction des situations et des demandes, j’interviens sur le plus long terme », résume-t-elle. « Environ un tiers de nos patients ont besoin d’un accompagnement social », estime Gilles Ulliac. Outre les missions classiques d’ouverture de droits ou de reconnaissance du handicap et les demandes d’accueil en service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) ou en SAS qui peuvent faire suite à la période de réadaptation physique, l’AS est intégrée dans une équipe socio-éducative composée d’un cadre, d’un moniteur-éducateur, d’un éducateur sportif et d’une animatrice, tous placés sous l’autorité de Philippe Le Borgne, coordinateur des soins. « C’est un lien fonctionnel tout à fait courant et classique dans les établissements de réadaptation, explique ce dernier, kinésithérapeute de formation et cadre de santé. L’ensemble de l’équipe se concentre sur un retour dans la vie ordinaire, via un projet thérapeutique global. » L’enseignement, l’insertion sociale et professionnelle sont considérés comme faisant partie du soin. « Les objectifs de prise en charge socio-éducatifs sont définis pour tous les jeunes entrants par le médecin, après la visite médicale d’entrée, rappelle Béatrice Guillouët, cadre socio-éducatif. Mais ils diffèrent suivant la pathologie et les raisons de l’hospitalisation. Bien sûr, cette prise en charge peut être différée dans le temps, tout cela étant révisé par le médecin en réunion pluridisciplinaire ou par simple demande ciblée auprès d’un des professionnels de l’équipe socio-éducative. »

Pour les uns, le passage dans l’établissement peut aider à travailler des conduites à risque qui sont à l’origine de l’hospitalisation. « En effet, les traumatismes que nous appelons accidents de la vie privée ne sont pas toujours dus au hasard, suggère Béatrice Guillouët. Nous mettons à disposition de ces jeunes et de leurs familles toute notre énergie pour faire émerger un travail de réflexion sur les actes posés, le hasard, la fatalité, la prise en main de leur avenir, l’intérêt et la chance de pouvoir reprendre une scolarité. » A l’image de Chloé, une adolescente qui s’est gravement blessée après qu’un coup de colère l’a amenée à taper du poing dans un carreau. Résultat : neuf tendons et un nerf sectionnés à la main droite. La jeune fille a passé six mois à Rennes-Beaulieu, qui lui ont permis non seulement de récupérer totalement la mobilité de sa main, mais également de bénéficier d’une prise en charge éducative, psychologique et psychiatrique – un psychiatre ainsi que des infirmières de soutien psychologique étant présents dans l’établissement. Des relais ont été mis en place à la sortie de l’adolescente avec l’AS et le médecin scolaire, le secteur et le centre médico-psycho-pédagogique. La mère de l’adolescente a même sollicité une aide éducative. « Je suis maman de huit enfants et je suis sûrement trop gentille, alors ils ont tendance à me “manger” », explique-t-elle.

Le groupe de travail sur l’autonomie

Pour d’autres, il s’agit plutôt d’améliorer l’accès à l’autonomie. Touché par une infirmité motrice consécutive à une hypoxie lors de sa naissance, Julien Mercier a intégré le programme « Soins-études » en septembre 2009. « En collège ordinaire, il m’était difficile de suivre les cours, j’ai beaucoup de soins de kiné et d’ergothérapie dans mon emploi du temps », raconte-t-il. Au centre, il peut étaler son programme de terminale STG sur deux ans. « Mon objectif est de passer un BTS communication et d’avoir un appartement, poursuit le jeune homme. J’ai appris à faire mes courses, à gérer mon budget, à sortir, à me déplacer dans Rennes, dont je ne suis pas originaire. » Des progrès acquis grâce à l’accompagnement de l’équipe socio-éducative, laquelle a notamment mis en place le groupe de travail « Aller vers l’autonomie ». Cette activité est proposée aux jeunes du programme « Soins-études » qui, comme Julien, envisagent de s’installer dans un logement particulier. « Pour eux, qui ont jusqu’à présent toujours vécu chez leurs parents, apprendre à payer une facture est primordial pour être autonomes », note Béatrice Guillouët. Dans ce groupe interviennent un ergothérapeute, la psychologue, la monitrice­éducatrice, l’AS, les infirmières de soutien psychologique… A tour de rôle, ces professionnels permettent aux jeunes de travailler les notions de gestion, l’orientation dans la ville, le recours à une tierce personne lorsque cela devient nécessaire, le soin, la présentation et l’estime de soi. « Il s’agit aussi de les aider à affronter le regard des autres, dans la rue, dans les activités de tous les jours, affirme la monitrice-éducatrice. Nous utilisons beaucoup les activités culturelles, par exemple la participation aux Transmusicales de Rennes. » L’intérêt n’est pas seulement d’assister à un bon moment musical, mais aussi d’organiser le déplacement, de l’insérer dans un agenda, de prévoir le coucher pour ceux qui ont besoin d’une assistance, voire de planifier autour de certains spectacles un atelier photo ou journalisme.

Afin de ne pas perdre le contact avec l’école, l’ensemble des jeunes patients en réadaptation peuvent également bénéficier d’un suivi scolaire le temps de leur passage au centre. Ainsi, les handicapés moteurs du programme « Soins-études » – six ou sept jeunes présentant des polyhandicaps, une maladie neurodégénérative, une infirmité motrice cérébrale, etc., hospitalisés à l’année et concernés par la rééducation fonctionnelle – poursuivent une scolarité aménagée au sein de l’établissement. Et pour assister ceux qui ont des difficultés à rédiger ou à comprendre, 11 auxiliaires de vie scolaire sont disponibles. La scolarité est également au cœur du fonctionnement de l’unité soins-études psychiatrique. « Nous avons de petites classes qui réunissent des élèves aux parcours et aux projets différents, décrit Claudine Dupin, professeure de comptabilité. Nous nous appuyons sur les spécificités de chacun et nous avançons à son rythme. »

Dans sa classe, ce matin-là, quatre jeunes filles planchent sur des exercices différents. L’une s’initie à la bureautique. Une autre travaille sur les comptes de trésorerie. « Je commence à me sentir à l’aise, confie Marcy Riopel, 18 ans, en 2e professionnelle pour la deuxième année. J’ai le temps d’apprendre sans stress et on m’accepte comme je suis. » Ultrapersonnalisé, le parcours est validé par l’Education nationale, même s’il faut à certains plusieurs années pour le compléter : pour chaque niveau scolaire, les notes peuvent en effet être conservées cinq ans. Originalité du dispositif : les classes projets, dont l’objectif est la rescolarisation des jeunes phobiques. « En milieu ordinaire, on donne une méthode et les élèves s’adaptent. Ici, on les laisse trouver leur propre méthode, celle qui marche et qu’ils pourront appliquer ensuite dans leurs études », note Laurence Gauvin, la proviseure de l’établissement scolaire. Destiné à des jeunes de niveau seconde pris en charge sur le plan psychique mais qui ne sont pas prêts à réintégrer un établissement scolaire, ce programme est composé de sessions de sept semaines à mi-temps, dont le contenu est fondé sur de la recherche documentaire et la rencontre de personnalités. Les jeunes travaillent en petits groupes de huit à dix élèves et sous la supervision de deux tuteurs. « La plupart intègrent ensuite une de nos classes “ordinaires” et obtiennent le bac, résume Laurence Gauvin. Presque tous nos terminales sont passés par une classe projets. » Et l’établissement peut s’enorgueillir d’un taux de réussite au bac de quelque 60 %.

L’admission à partir de 12 ans

En 2008, l’âge d’admission à Rennes-Beaulieu a été abaissé à 12 ans. Conséquence : les horaires de travail de certains membres de l’équipe socio­éducative (cadre, monitrice-éducatrice et animatrice) ont été aménagés pour permettre une présence en soirée, pendant les repas et le week-end. Florence Luca, la monitrice-éducatrice, a par ailleurs été spécifiquement recrutée pour prendre en charge ces plus jeunes. Elle propose une aide à l’étude, des ateliers cuisine et des activités ludiques ou sportives. D’une façon générale, chacun des professionnels peut proposer un travail individualisé. « En fonction des besoins de chacun, je peux les accompagner dans l’utilisation des transports en commun, leur apprendre à se repérer dans la ville, à trouver les loisirs qui leur sont accessibles », précise Florence Luca. Quant à Béatrice Guillouët, elle travaille actuellement avec Julien sur la gestion de son budget. Dans le futur, un passage par le service d’accompagnement et de soutien (SAS) pourrait en effet être proposé au jeune homme.

Installé sur le même terrain que le centre médical et pédagogique, et chapeauté par le même directeur, le SAS accueille aussi des jeunes extérieurs. Il est implanté dans une résidence gérée par un bailleur social rennais. Sur les 52 studios pour étudiants qui composent cet ensemble, 18 sont adaptés à des personnes handicapées et réservés à l’usage du SAS, dont les bureaux occupent également le rez-de-chaussée. « Les jeunes admis, sortis de la période de soins, sont locataires de leur logement », explique Erwann Le Magoarou, responsable du service. L’équipe (une AS, une ergothérapeute, une monitrice-éducatrice, une chargée d’insertion, une conseillère en économie sociale et familiale…) les aide à poursuivre le travail vers l’autonomie.

Julie Gandelin, 21 ans, est installée au SAS depuis six mois, après deux ans au centre médical et pédagogique de Bouffémont (Val-d’Oise), un autre établissement de la FSEF. « J’ai perdu un bras dans une tentative de suicide et je garde une tétraplégie partielle, indique la jeune femme. Après deux ans de rééducation et de soins, il m’a fallu trouver un lieu de vie, je ne voulais pas rentrer chez mes parents et je n’avais pas encore de projet d’avenir. » Soutenue par une assistante sociale, elle entame alors la recherche du type d’hébergement qui pourrait lui convenir et découvre le SAS de Rennes-Beaulieu. « Au début, je pensais trouver un appartement pour moi seule, poursuit Julie. Puis je suis venue ici pour une semaine de découverte et j’ai pris conscience de la difficulté à vivre de manière autonome. Pour l’instant, j’apprends à gérer mes papiers et tout ce dont il faut s’occuper dans un appartement. Ensuite, je veux m’inscrire au concours d’assistante de service social. » Le contrat avec le SAS est fondé sur le bail de un an que concède le bailleur rennais. « En général, au bout de un an, on considère que l’autonomie acquise est suffisante pour vivre seul », note Erwann Le Magoarou. Un renouvellement de un an peut toutefois être accordé. « Et pour ceux avec qui cela ne fonctionne pas, il y aura une réorientation en foyer, et au moins, ils auront essayé », constate le responsable.

Evaluer les aptitudes

Certains, plus âgés, n’ont recours ni au lycée, ni au groupe « Aller vers l’autonomie », ni au SAS. Gaëtan, qui était déjà actif lors de son accident, a dû reconstruire un projet professionnel. Une réflexion menée avec le service d’insertion professionnelle et d’ergonomie (SIPE), qui réunit les compétences d’un ergonome-chargé d’insertion, d’un praticien en médecine physique et réadaptation, d’une chargée d’insertion, d’une psychologue du travail et d’une animatrice d’insertion. L’équipe, qui accompa­gne les personnes dans une recherche d’emploi – voire un maintien dans l’emploi –, a rapidement vu émerger l’intérêt du jeune homme pour le sport. « Mais une évaluation réalisée à l’EMPP [espace de mobilisation professionnelle précoce] a montré que, pour lui qui avait un niveau BEP, la marche était trop haute pour ses ambitions initiales », résume Nathalie Pollet, chargée d’insertion au SIPE.

L’EMPP est un service ouvert par le centre à toutes les personnes titulaires d’une reconnaissance de leur invalidité (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, allocation aux adultes handicapés, pension, carte d’invalidité…) et en incapacité temporaire de travail, qu’ils soient suivis sur place, dans un autre établissement hospitalier, à domicile ou au SAS. Il permet de réaliser une évaluation des connaissances et des aptitudes, donne accès à des outils d’autoformation et une remise à niveau en bureautique. Gaëtan, lui, a donc décidé de passer d’abord le brevet d’aptitude professionnelle d’assistant animateur technicien de la jeunesse et des sports (Bapaat). « Pour l’instant, je recherche un employeur qui accepterait de m’embaucher en formation en alternance. Je viens au SIPE une à deux fois par semaine pour travailler sur mon CV, mes lettres de motivation, prendre contact avec des employeurs potentiels. » Il poursuivra ultérieurement sa formation vers le brevet d’éducateur, avec en ligne de mire une spécialisation handisport. Et l’espoir d’une sélection en équipe nationale handisport de basket…

Notes

(1) Centre médical et pédagogique Rennes-Beaulieu : 41, avenue des Buttes-de-Coësmes – 35700 Rennes – Tél. 02 99 25 19 19 – contact.beaulieu@fsef.net.

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