Sept ans après son dernier opus, l’Observatoire international des prisons (OIP) publie un nouveau rapport sur les conditions de détention, fruit de deux ans d’enquête (1). A l’heure où la prévention de la délinquance et de la récidive s’inscrivent dans le débat électoral, l’organisation dresse un sombre constat des six dernières années de politiques pénales, jugées contre-productives, et pénitentiaires. Pourtant attendue, « la loi pénitentiaire de novembre 2009 n’a finalement pas apporté d’avancée majeure dans la reconnaissance des droits visant à protéger la personne détenue. Elle vient même entériner certaines régressions, telle la mise en place de “régimes différenciés” », plutôt fondés sur des impératifs sécuritaires que sur l’individualisation de la prise en charge.
L’application des règles pénitentiaires européennes, dont s’est emparée l’administration, « apparaît comme un cache-misère », puisque les principales améliorations, apportées par l’expérimentation de « huit règles pénitentiaires sur un total de 108 », ne concernent que l’accueil des arrivants. De plus, leur mise en œuvre reste « inégale et surtout, l’effet du choc carcéral ne s’avère que reporté à l’arrivée en détention ordinaire ».
Dans un contexte de surpopulation (plus de 60 500 détenus pour 56 358 places en 2011), les conditions d’hygiène et d’accès aux soins restent préoccupantes. Les programmes de prévention du suicide mis en œuvre en 2004 et 2009 se révèlent un échec : « En 2003 et 2010, la fréquence des suicides (un tous les trois jours) et le taux de mortalité par suicide (14,6 pour 10 000 placements sous écrou) sont dramatiquement identiques. » L’OIP rappelle que le transfert de compétences en matière de prévention au ministère de la Santé est recommandé « par les instances européennes, qui ont rappelé à la France qu’il s’agit avant tout d’une question de santé publique ».
L’organisation constate des « progrès notables » en matière de liens avec l’extérieur, telle la généralisation de l’accès au téléphone et de la possibilité de visites sans surveillance. Néanmoins, « au 1er janvier 2011, seules 17 prisons sur 191 étaient pourvues d’unités de vie familiales ». En outre, « la législation reste balisée par une accumulation de restrictions et de mesures de surveillance, dont la définition en des termes particulièrement vagues laisse une grande latitude aux autorités chargées de leur application ».
Le rapport rappelle que le taux d’emploi des détenus reste faible – 24 % en 2010 – pour une rémunération mensuelle nette ne dépassant pas 318 € pour un temps plein en moyenne. La part des bénéficiaires d’une formation professionnelle était de 8,6 % la même année et celle des personnes scolarisées de 24,6 %. Le problème de la précarité en prison n’a pas fait l’objet de décision politique majeure : « Outre la perte fréquente de leurs éventuels acquis, les personnes détenues doivent simultanément faire face à une diminution de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses : elles se retrouvent tout à la fois exclues du bénéfice de nombreuses prestations sociales – tel le revenu de solidarité active – et confrontées à un coût mensuel de la vie intra muros qui s’élève à plus de 200 €. »
L’OIP pointe également les difficultés de suivi en milieu ouvert, faute d’effectifs suffisants. Elle prépare d’ailleurs pour le deuxième semestre 2012 un « guide du probationnaire ». Après la détention, « nous allons aussi nous préoccuper du milieu ouvert », affirme Patrick Marest, délégué général de la section française de l’OIP, qui quitte ses fonctions pour créer une section européenne de l’observatoire.
(1) Les conditions de détention en France – Ed. La Découverte – Disp. le 5 janvier en librairie.