Recevoir la newsletter

Quelle stratégie pour les plus démunis ?

Article réservé aux abonnés

A l’heure de la clôture des assises sur le « logement d’abord », qui doivent déboucher sur une « feuille de route », Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement, et Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre – en pleine campagne de « mobilisation générale pour le logement » –, confrontent leurs positions sur les politiques à mettre en œuvre pour les plus défavorisés.

Les assises du « logement d’abord », accueillies de façon mitigée par les associations, arrivent à leur terme. Quelle conclusion en tirer ?

Benoist Apparu. La vocation des huit as­sises régionales n’était pas de définir une stratégie nouvelle – la refondation du dispositif d’hébergement et d’accès au logement a été dessinée il y a deux ans avec le monde associatif – mais plutôt de savoir comment on la construit de façon opérationnelle avec l’ensemble des acteurs. Nous présentons le 9 décembre un compte rendu détaillé des positions qui auront été prises pendant chacun de ces temps d’échange. Nous avons demandé à un inspecteur général des affaires sociales d’animer un groupe de travail national, en vue d’établir des recommandations pour la mise en œuvre de cette stratégie dans les territoires. L’enjeu est d’engager des changements concrets, afin d’améliorer le service rendu aux personnes sans abri ou risquant de l’être, en se fondant sur les bonnes pratiques, et de demander aux préfets d’accélérer la mise en œuvre de la stratégie du « logement d’abord » dans tous les départements, avec un accent particulier sur les dix territoires pilotes.

Patrick Doutreligne. L’intérêt de ces rencontres était pour nous de mesurer le décalage entre le discours ministériel et la réalité ! Si nous avons passé des heures à travailler en commun sur la réforme, les associations ont eu le sentiment d’un leurre : le gouvernement a trop vite anticipé la réorganisation et les économies qu’elle allait pouvoir permettre. Les places d’hébergement sont déjà limitées alors qu’il n’y a pas plus de logements ! C’est le syndrome de Perrette et son pot au lait : on a déjà presque acheté un bœuf alors que le lait est encore sur la tête et risque de se renverser… L’accumulation des situations de fragilité, alors que la crise s’est aggravée, n’a pas été prise en compte. Les associations se sont beaucoup investies, notamment à travers la mise en œuvre des services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO), en acceptant de tordre leurs vieux schémas de travail. Mais en face, l’Etat et les collectivités opposent des contraintes budgétaires pour ne pas fournir leur part d’effort. Sans compter que toutes les recommandations du rapport d’Etienne Pinte de 2008 et celles des associations sont restées lettre morte, ou ne sont pas appliquées.

Ce décalage est dû à un défaut d’impulsion et de pilotage de la part de l’Etat, comme le pointe la FNARS pour les SIAO…

B.A. Bien sûr, je ne le conteste pas. Le pilotage des politiques relève de la responsabilité de l’Etat et des administrations déconcentrées. La situation est néanmoins plus compliquée : elle est, aussi, en partie due au poids des conservatismes associatifs, des services de l’Etat et à la lenteur des changements culturels. On ne passe pas d’une politique publique à une autre du jour au lendemain ! Néanmoins les SIAO sont très bien partis, même s’ils ne produisent pas encore les résultats attendus. Je suis convaincu que, dans deux ou trois ans, ils fonctionneront très bien. Une mission d’évaluation est en cours par l’inspection générale des affaires sociales. Par ailleurs, la direction générale de la cohésion sociale a engagé une animation renforcée dans les dix territoires les plus importants et la FNARS et la Croix-Rouge préparent un guide méthodologique, à partir d’une étude des bonnes pratiques.

P.D. Plus fondamentalement, la lenteur de la mise en œuvre du « chantier national prioritaire » 2008-2012 résulte du poids que le gouvernement accepte de lui accorder. La vision politique, budgétaire et stratégique de l’Etat sur ces sujets est très faible. C’est celle d’un secrétaire d’Etat qui n’a pas la place aussi importante que l’on pourrait attendre pour l’hébergement, le logement, ou la lutte contre l’exclusion en général.

La conférence européenne de consensus sur le sans-abrisme avait fixé en décembre 2010 un certain nombre de prérequis pour la stratégie du « logement d’abord », dont une mise en œuvre progressive. N’est-ce pas incompatible avec les coupes budgétaires dans le secteur de l’hébergement ?

B.A. Les budgets de l’hébergement n’ont pas été réduits ! Le Premier ministre a annoncé le 26 septembre un complément budgétaire de 75 millions d’euros. Il seront répartis à hauteur de 38 millions pour 2011 et 37 millions pour 2012. Grâce à cet apport, les crédits de l’hébergement et de l’accès au logement resteront stables sur la période 2010-2011-2012, à hauteur de 1 128 millions d’euros. Pour mémoire, ils étaient de 874 millions d’euros en 2007, soit une hause de 29 % en quatre ans.

La réduction du nombre de places d’hôtel a tout de même été annoncée et les crédits de l’hébergement d’urgence chutent (1)

B.A. Nous avons dit que 4 500 places d’hôtel allaient être supprimées en Ile-de-France, mais que 4 500 places de logement allaient être créées en intermédiation locative, ce qui a du sens dans le cadre de la réforme. Le nombre global de places n’a jamais baissé, il n’a même jamais été aussi élevé ! Les redéploiements de crédits à l’intérieur du programme devraient aussi permettre de renforcer, par exemple, le déploiement des pensions de famille et le développement de l’accompagnement vers et dans le logement (AVDL), pour passer à un accompagnement individualisé, gradué en temps et en intensité. Il faut l’assumer, il pourra y avoir des réductions sur l’hébergement, notamment sur les structures qui, à prestations similaires, coûtent plus cher que les autres. Ces économies nous permettront de continuer à augmenter les dispositifs orientés vers l’accès au logement.

Mais les besoins sont toujours là et le 115 n’arrive pas à répondre à toutes les demandes…

B.A. C’est un autre débat, et probablement la divergence la plus importante avec le monde associatif dans la mise en œuvre du « logement d’abord ». Dans les quatre ou cinq ans qui viennent, il va falloir transformer un certain nombre de places d’hébergement en places de logement. Nous allons d’abord ouvrir les logements, et ensuite fermer les places d’hôtel. La position du secteur associatif est de maintenir les capacités d’hébergement d’urgence. J’y suis défavorable pour deux raisons. La première est que l’on ne pourra pas augmenter de façon continue le nombre de places, c’est une réalité budgétaire. La seconde, plus importante, est qu’il y a un effet « tonneau des Danaïdes » dans le dispositif. Créer des places, c’est augmenter la file. Les demandes liées à l’immigration, aux demandeurs d’asile déboutés ou en attente de statut sont notamment très importantes… Enfin, un enjeu essentiel est celui de la rotation. Quand une personne occupe une place d’hôtel pendant 18 mois en moyenne, ce qui est le cas aujourd’hui en Ile-de-France, 8 000 personnes par an peuvent accéder aux 12 000 places disponibles. Si on arrive à accélérer les flux, même en réduisant le nombre de places à 8 000 ou à 10 000, le nombre de personnes accueillies sera beaucoup plus élevé.

P.D. Notre souci est de pouvoir apporter une réponse à ceux qui sont à la rue. Je ne crois pas du tout à un effet d’appel d’air. S’il manque de places aujourd’hui, c’est plutôt le symptôme d’une augmentation des difficultés sociales, alors que la crise sociale s’aggrave et que le nombre d’impayés est en hausse. Outre qu’il a fallu aller chercher encore une fois une rallonge pour l’hébergement, le budget correspond tout de même à une diminution de moyens, car le nombre de places augmente à enveloppe constante. Le gouvernement aurait pu se passer de faire ces économies-là en période de crise. Pour les pensions de famille, la hausse des crédits, par rapport au nombre de places prévues, n’intègre pas le financement à 16 € la place. Dans certaines régions, les préfets octroient plutôt 14, 13 ou 12 € ou retardent les nouvelles ouvertures. De plus, la fongibilité de l’enveloppe « hébergement » ne permet pas de sécuriser les crédits alloués à ce dispositif.

B.A. Le nombre de places en pensions de famille va continuer à augmenter, mais les crédits dédiés à ces projets vont aussi augmenter en 2012 pour atteindre 66 millions d’euros, contre 57 millions en 2011 et 47,8 millions en 2010. Et ce n’est pas parce que le niveau global des crédits est stabilisé que cela doit conduire à l’immobilisme. Au contraire, l’enjeu est bien la recomposition du parc. La stratégie du « logement d’abord » repose sur l’idée qu’il faut accompagner le plus rapidement possible les personnes sans abri ou en hébergement vers le logement. C’est mettre fin à la théorie de l’escalier qui veut que l’on passe de la rue à l’hébergement d’urgence, puis en centre d’hébergement et de réinsertion sociale, puis en logement adapté, puis éventuellement vers le logement, alors que ce parcours ne va pas jusqu’au bout. Il faudra que l’hébergement ne soit plus le premier réflexe, parce qu’en réalité les personnes y sont installées durablement, et que l’on se préoccupe d’abord de voir si on peut leur trouver un logement. Cependant, on aura toujours besoin de places d’hôtels qui servent de sas pendant un, deux ou trois mois.

P.D. La solution est dans la construction de logements ! Or on n’a aucune trace des 4 500 places de logement en intermédiation locative qui doivent remplacer les places d’hôtel…

B.A. Elles sont inscrites sur les lignes budgétaires ! Nous ferons un bilan à la fin de l’année, mais nous n’aurons pas, à cette échéance, supprimé 4 500 places d’hôtel, car nous avons plus de mal que prévu à capter des logements dans le parc privé pour monter ce type d’opération. Nous aurons peut-être rempli la moitié de cet objectif. Je rappelle, par ailleurs, que nous finirons l’année à 115 000 ou 120 000 logements sociaux financés. Il y en a eu 131 509 l’année dernière, dont plus de 22 000 PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration). Sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, on aura financé 600 000 logements sociaux, soit le double ou le triple de ce qui se faisait il y a dix ans.

P.D. Vous ne pouvez pas faire ces comparaisons, car les PLS (prêts locatifs sociaux), logements intermédiaires créés en 2001, représentent 40 % de la construction de logements sociaux.

Ne faut-il pas, pour assurer un accompagnement social renforcé des publics, revoir les moyens des dispositifs de logement d’insertion ?

B.A. Le « logement d’abord » implique que le logement soit adapté à la personne selon ses ressources et l’accompagnement dont elle a besoin. Les expériences étrangères qui ont plus ou moins réussi montrent que sans accompagnement pluri­disciplinaire lourd, ça ne marche pas. Les assises avaient aussi pour vocation, et nous verrons si nous aurons réussi, à définir cet accompagnement pluridisciplinaire. Avec le président de l’Assemblée des départements de France, nous sommes d’accord sur le principe d’adresser des consignes aux préfets et aux présidents de conseils généraux en la matière.

Les associations estiment que la prévention est le parent pauvre du « chantier national prioritaire » 2008-2012…

B.A. Si les Ccapex [commissions de coordination des actions de prévention des expulsions] ont été créées dans les départements, il est vrai qu’elles ont été parfois perçues comme un outil imposé et qu’elles se réunissent plus ou moins selon les territoires. Elles sont davantage utilisées comme un outil de recommandation de bonnes pratiques que comme une instance qui étudie dossier par dossier les mesures à prendre le plus tôt possible pour éviter l’expulsion. Je suis convaincu qu’à terme, il faudra les rapprocher des commissions de médiation DALO qui, elles, fonctionnent globalement correctement, pour qu’elles puissent s’organiser sur le même modèle. Une mission d’inspection a été confiée sur ce sujet au conseil général de l’environnement et du développement durable, dont le rapport est prévu pour janvier.

P.D. Certaines ne se sont même pas réunies depuis leur création ! Nous défendons aujourd’hui ces instances, parce qu’elles nous ont été présentées comme une réponse, néanmoins très insuffisante au regard des recommandations que nous avions émises pour agir en amont des décisions de justice, de façon globale et coordonnée.

Un moratoire sur les expulsions ou encore la revalorisation des APL font partie des mesures que l’Etat n’a pas souhaité mettre en œuvre…

B.A. Nous avons, il est vrai, un certain nombre de désaccords profonds avec le monde associatif sur les outils de prévention. Le premier est le moratoire sur les expulsions. J’y suis défavorable depuis toujours, car pour moi, ce serait un mauvais signal envoyé à l’ensemble des locataires. A partir du moment où on affirmerait qu’une personne qui ne paie pas son loyer n’en subira aucune conséquence, il y aurait une explosion des impayés et des contentieux. Déséquilibrer ainsi la relation entre le propriétaire et le locataire risquerait d’entraîner le retrait de nombre de propriétaires du marché. Quant aux aides personnelles au logement (APL), elles représentent pas moins de 17 milliards d’euros – ce qui n’est pas tout à fait insignifiant comparé au RSA, qui représente 9 milliards d’euros. Nous pourrions encore les augmenter, sauf qu’il existe une réalité budgétaire. On ne peut pas non plus nous dire constamment que les aides au logement se retrouvent à un moment dans les prix des loyers et continuer à mettre du carburant dans la machine !

P.D. Il y a d’une part une confusion entre un moratoire pour un an que nous demandions pour faire pression sur l’organisation des outils de prévention, et laisser un temps de répit pour les personnes en situation de grande précarité, et une interdiction totale d’expulser. Cela fait trois ans que le ministère refuse de nous entendre, en nous disant qu’il préfère travailler sur le fond. Mais le résultat est que le fond n’avance pas et qu’il y a eu plus de 100 000 décisions d’expulsion l’an dernier, et un peu plus de 11 000 expulsions avec le concours de la force publique ! La crainte de faire fuir les propriétaires du marché est un vieil argument. Mais n’oublions pas que, en France, l’infraction au droit de propriété et l’impayé de loyer sont sévèrement et rapidement punis. L’expulsion est parfois lente – 18 à 24 mois –, mais les locataires sont assignés au tribunal au bout de deux mois d’impayés. C’est en amont de cette décision de justice que nous voulons intervenir, à la fois pour éviter la mise à la rue et que le propriétaire ne soit pas lésé. Quant aux APL, le gouvernement avait accepté il y a quelques années de les indexer sur l’inflation. Une avancée considérable, résultat d’un vieux combat. Alors que leur pouvoir solvabilisateur recule en raison de l’explosion des prix des loyers, qui vont encore augmenter de 1,9 % cette année, le gouvernement veut limiter leur revalorisation à 1 % [ndlr : cette disposition, adoptée par les députés, a été supprimée par les sénateurs lors de leur examen en première lecture du projet de loi de finances], au risque d’accroître encore le taux d’effort des ménages.

Vous n’êtes pas non plus d’accord sur la régulation des loyers…

B.A. Les fondamentaux de l’économie reposent sur l’équilibre entre l’offre et la demande. Est-ce le marché qui régule les prix ou faut-il les réguler ? Ma position sur ce point n’est pas libérale, mais pragmatique. Je constate d’abord que les loyers sont très fortement régulés en France. La seule marge de manœuvre qui existe pour les propriétaires est celle de la relocation. A l’intérieur du bail, le loyer n’augmente pas plus qu’un indice fixé par l’Etat. Regardons, par ailleurs, ce qui s’est passé dans les années 1980-1990 en Ile-de-France. A l’époque, les bailleurs institutionnels – les banques et les assurances – possédaient 23 % du marché. Aujourd’hui, ils l’ont déserté et n’en possèdent que 3 % parce qu’ils ont fait des arbitrages financiers. Les logements intermédiaires ont en conséquence disparu, créant un vide entre le parc privé et le parc social, avec des conséquences dramatiques sur les loyers. Si les propriétaires tenaient le même raisonnement et adoptaient le même comportement en cas de régulation ou de blocage des loyers, nous aurions les mêmes effets. C’est-à-dire une pénurie de l’offre locative.

P.D. Nous ne demandons pas le blocage des loyers, mais leur régulation, ce qui est nettement différent ! C’est justement parce que le marché ne le fait pas ou ne le supporte pas que l’on doit intervenir sur la régulation des loyers pour éviter les phénomènes centrifuges d’exclusion. Ce sont les mêmes mécanismes de protection des publics les plus fragiles que nous réclamions en demandant des contreparties sociales aux aides fiscales, qui sont orientées vers les plus favorisés. A partir du moment où nous ne partageons pas les fondamentaux, nous n’avons pas du tout la même analyse sur la façon dont il faut traiter le dossier.

Le comité de suivi de la mise en œuvre sur le droit au logement opposable (DALO) vient une nouvelle fois de dresser un bilan très alarmant. Il estime que la loi restera inappliquée, sauf si l’on s’engage sur un certain nombre de préconisations, qui rejoignent celles du secteur associatif.

B.A. Tout d’abord, considérer que l’Etat est « hors la loi », comme le fait le comité, est une analyse qui me dépasse et décrédibilise la démarche de cette instance. J’aimerais que l’on rappelle que dans 88 départements sur 100, le DALO est un problème réglé. Les personnes qui auparavant passaient à travers les mailles du filet ont désormais une voie de recours. Toutefois, deux points noirs subsistent. Dans la région PACA, où les difficultés sont maintenant essentiellement centrées sur le Var, même si dans les Bouches-du-Rhône, on manque encore de logements pour les grandes familles. Et en Ile-de-France, qui concentre le gros de la crise. Il y a trois solutions pour résoudre le problème francilien. D’abord, produire plus de logements sociaux. Tant que l’Ile-de-France sera la dernière en production de logements, il y aura un problème. Deuxièmement, continuer à mobiliser le contingent préfectoral. Sur Paris, 80 % de celui-ci est réservé au DALO. En Ile-de-France, nous avons également signé des conventions avec les bailleurs sociaux pour leur imposer des taux de publics « DALO » dans les attributions. Troisième point, il va falloir travailler beaucoup plus finement sur le plan territorial. D’où vient le blocage principal en Ile-de-France ? Souvent des collectivités locales. Parce qu’il y a un début de stigmatisation des « publics DALO », nous voulons améliorer la concertation avec les maires pour qu’ils soient pleinement associés au relogement des ménages prioritaires originaires de leur commune. Cela contribuera à lever les obstacles : avec 12 000 nouveaux ménages reconnus prioritaires par an et 60 000 nouveaux entrants dans le parc social, on peut, quantitativement, y arriver. Nous n’aurons peut-être pas tout réglé d’ici deux à trois ans, mais des marges de progrès existent.

P.D. Le DALO souffre de son péché originel : c’est une loi d’objectifs, pas de moyens. Il n’a pas infléchi la logique de construction, ni l’application de la loi SRU. 50 % des communes concernées ne respectent pas le taux de 20 % de logements sociaux imposé par la loi, ce qui est énorme. Les disponibilités existent dans des communes qui ont déjà un nombre de logements sociaux important. Celles-ci ont donc l’impression de subir la double peine : non seulement elles respectent la loi, mais elles doivent encore accueillir des populations modestes alors qu’elles voudraient s’ouvrir à plus de mixité sociale. Nous ne pouvons nous contenter de chiffres globaux car l’enjeu du DALO est que, dans les zones tendues, les familles puissent trouver un logement. Là-dessus, la loi est un échec. Et même si le ministre af­firme que le DALO fonctionne dans 88 départements, cela ne peut être le seul indicateur de l’état de la crise du logement. Les problématiques de maintien et d’accès au logement sont très graves. En 2009, environ 500 000 ménages étaient en situation d’impayés de loyer. Les ménages consacrent en moyenne 25,7 % de leurs ressources au logement, et cette part atteint 40 %, voire 50 % pour les ménages pauvres et modestes. Plus de 3,5 millions de personnes sont non ou mal logées. La crise du logement ne se résorbera pas tant qu’il y aura un déficit global estimé à 900 000 logements. La priorité est de construire des logements aux loyers accessibles – à hauteur de 150 000 logements vraiment sociaux par an pendant cinq ans. Outre la régulation des prix, il faut une politique du logement des plus modestes qui soit plus juste. Il y a un vrai décalage entre le discours ministériel – volontariste – et l’orientation des politiques publiques, plus attentives à la demande de certaines collectivités et des promoteurs qu’aux besoins des populations.

LES ASSOCIATIONS AFFICHENT LEUR SCEPTICISME

A quelques jours des assises nationales du « logement d’abord », le 9 décembre, devant clore organisées depuis octobre, en réponse à la colère des professionnels provoquée par la réduction de nombre de places d’hébergement d’urgence, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) rappelle avoir proposé, sans succès, une « conférence de consensus » s’appuyant sur le travail d’un jury d’experts. Il faut du temps, de la méthode, un pilotage « ambitieux » de l’Etat et une concertation de l’ensemble des acteurs, sans oublier les personnes en situation d’exclusion, pour aboutir à un « projet politique partagé », argumente-t-elle.

« Souffrant d’un déficit de méthode et de la faible représentation d’acteurs clés comme les conseils généraux ou les acteurs de la santé, les assises régionales ne pourront guère aboutir à des recommandations opérationnelles.

Elles ne constituent donc qu’une première étape dans un processus de concertation à suivre. » Et la FNARS de préciser de nouveau ses exigences pour la réussite du « logement d’abord » : « une politique du logement ambitieuse », « un investissement significatif dans l’accompagnement social », « le maintien de solutions d’hébergement dignes sur les territoires », « la participation des personnes confrontées aux situations d’exclusion », « une approche résolument territoriale » et un « vrai pilotage de l’Etat, alors que la réforme générale des politiques publiques a vidé les services déconcentrés de l’essentiel de leurs moyens dans le domaine de la cohésion sociale ».

De son côté, la fédération Droit au logement prévoit de manifester le 9 décembre pour protester contre les assises, initiative qui, à ses yeux, « ressemble plus à une mauvaise campagne de communication qu’à une véritable réponse à l’urgence ».

Notes

(1) Le projet de loi de finances pour 2012 (avant la rallonge budgétaire annoncée en septembre) prévoit une baisse de 14,4 % par rapport à l’exécuté 2010 pour un nombre de places d’hébergement d’urgence stable.

Décryptage

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur