Les couleurs sont vives, les sujets variés et les petites phrases surprenantes, comme ce savoureux « Donnez-moi un pinceau qui ne soit pas stupide ! » en tête d’une double page d’arc-en-ciel magenta. Depuis 2003, le plasticien Bruno Sari anime des ateliers de peinture avec des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, dans l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dirigé par le psychiatre Patrick Dewavrin. Les malades réalisent d’abord librement le dessin que leur inspire leur « mouvement intérieur », puis, après avoir cherché à en saisir l’intention, l’intervenant complète le motif en quelques coups de pinceau. « Il ne s’agit pas de terminer ce qui serait inachevé, mais de suggérer la vie intérieure du malade », souligne Patrick Dewavrin dans la préface de l’ouvrage. Une vie que l’on découvre intense, riche, parfois absurdement drôle, toujours parfaitement relevée par les traits vifs du plasticien. En quelques lignes, Bruno Sari révèle un dragon aux allures de flamand rose, une cantatrice à l’air espiègle, des peignes africains ou de petits paysages. « Poètes de l’immédiat », les patients étonnent par leur créativité et leur spontanéité. « J’ai peint des oiseaux, mais ils se sont envolés », commente ainsi une résidente devant sa page restée blanche. Entre les dessins, une dizaine d’anecdotes qui prêtent à sourire illustrent à la fois la vie des malades en institution, mais également la vivacité des émotions anciennes ou l’inventivité des soignants – en somme, les surprises permanentes que réserve cette vie enfouie, quand on lui permet de s’épanouir.
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La vie enfouie. Peintures de malades d’Alzheimer – Patrick Dewavrin et Bruno Sari – Ed. Fleurus – 29 €