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Prévention des risques : l’Association Sophie reprend l’offensive pour les stagiaires

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Depuis 1995, l’Association Sophie milite pour la prévention des risques professionnels encourus par les travailleurs sociaux en formation. A l’heure où les situations de violences préoccupent fortement les salariés, elle juge que cette notion n’est pas suffisamment prise en compte dans les conventions de stage.

Il y a 16 ans naissait l’Association Sophie (1), après le décès, en décembre 1994, d’une élève éducatrice à l’IRTS de Haute-Normandie, victime d’un acte de violence pendant son stage de deuxième année. Son objectif : militer auprès des établissements de formation, des élus, des sites qualifiants, des syndicats et des associations professionnelles pour que la prévention des risques professionnels soit assurée pour tous les travailleurs sociaux stagiaires. Son action a peu à peu porté ses fruits : elle a d’abord élaboré une « charte du stagiaire », adoptée par le conseil général de Seine-Maritime et citée en 2002 par le Conseil supérieur du travail social (CSTS) dans son rapport « Violence et champ social » – qui a émis un certain nombre de propositions pour assurer l’encadrement et la sécurité des travailleurs sociaux en formation. Puis l’association a diffusé un modèle de convention de stage stipulant des dispositions particulières en matière de sécurité, dont les propositions principales ont été reprises par l’Institut du développement social (IDS) de Can­teleu (Seine-Maritime). L’association, qui lance une campagne de communication à destination des étudiants, souhaite que cette convention soit mieux connue et étendue. « Le sujet est d’autant plus prégnant qu’il y a eu une prise de conscience sur la né­cessité de prévenir les risques de violences auxquels sont confrontés les travailleurs sociaux, explique Claude Ade, adminis­trateur de l’Association Sophie, père de la jeune éducatrice décédée. Même si l’on utilise peut-être moins les stagiaires pour pallier un manque d’effectif qu’il y a une quinzaine d’années, le stagiaire est par définition moins compétent pour apprécier les risques. Il peut même préférer taire une situation qu’il vit comme un échec. »

Obtenir des engagements clairs

L’association, qui a modifié ses statuts pour pouvoir se constituer partie civile auprès des victimes stagiaires, souhaite obtenir des engagements clairs de la part des centres de formation et des sites qualifiants. « Les conventions de stage s’atta­chent le plus souvent à fixer les devoirs de l’étudiant plus qu’à prévoir ses droits », poursuit Claude Ade.

L’association précise dans son modèle de convention que « le stagiaire ne doit pas pallier l’absence d’un titulaire », doit bénéficier à son arrivée des informations et formations relatives aux risques pro­fessionnels, être toujours accompagné d’un professionnel à l’extérieur de l’établissement lorsqu’il est en première ou en deuxième année de formation, et dans les autres cas intervenir seul à certaines conditions. La convention adoptée par l’IDS de Canteleu reprend ces éléments de façon plus succincte, de façon à pouvoir les adapter à la diversité des environnements de travail. Elle prévoit que « le site d’accueil exclut toute situation de remplacement d’un salarié par un stagiaire, […] s’assure de la non-interruption du dispositif d’encadrement du stagiaire et met à sa disposition tous les moyens de prévention, nécessaires à sa sécurité ». Benoît Leduc, directeur adjoint de l’IDS de Canteleu, ex­plique que son établissement de formation, directement concerné par le drame de 1994, a eu d’autres motivations pour s’investir dans la démarche : « Celle-ci rejoint les mesures qui encadrent les pratiques de l’alternance, avec la mise en place des sites qualifiants et des formateurs de terrain. » De plus, la loi « Cherpion » du 28 juillet 2011 a clairement posé qu’un stagiaire ne pouvait exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent. « A partir du moment où il est reconnu qu’il ne peut remplacer un professionnel, il est toujours dans une situation d’accompagnement. La convention permet ainsi au site qualifiant de se positionner clairement sur ses moyens d’encadrement. »

Chantal Potier, chargée de mission à l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en in­tervention sociale, issue de la fusion de l’Aforts et du GNI), explique que le GNI a préconisé à ses adhérents de reprendre la même ­disposition dans leurs conventions. « La mobilisation d’un établissement de notre réseau nous a incités à être vigilants sur les manques à combler, souligne-t-elle. Pour autant, nous n’avons pas de visibilité sur la façon dont elle est appliquée. » L’Aforts a, pour sa part, jugé inutile de fixer de tels engagements dans les conventions. « Ces questions relèvent de la qualité des relations et du travail enga­gé avec le site qualifiant. Ce qui compte, c’est une convention qui respecte les textes et un vrai accueil du stagiaire, selon un projet défini dans une convention indi­viduelle pédagogique », répond Chantal Cornier, directrice générale de l’Institut de formation de travailleurs sociaux d’Echirolles (Isère), chargée des questions d’alternance au sein de l’Unaforis. Pour autant, en 2009, pour faire suite aux nouvelles mesures sur la gratification des stagiaires, une « charte de l’alternance pédagogique des étudiants en travail social » a été signée par les représentants des établissements de formation de la région Rhône-Alpes, des employeurs, des étudiants, le conseil général et la direction régionale des affaires sanitaires et sociales. Le texte précise que le stage ne peut être assimilable à un emploi et que le « droit à l’erreur » dont bénéficie l’étudiant ne peut « outrepasser les limites correspondant à la sécurité des personnes ».

Reste que beaucoup d’employeurs jugent suffisant d’avoir déjà une obligation gé­nérale de sécurité à l’égard de leurs stagiaires comme de leurs salariés. Au-delà des questions juridiques de couverture « accident du travail » et « responsabilité civile », la question mérite pourtant atten­tion, reconnaît Jean-François Marsac, secrétaire général de l’Union fédérale de l’action sociale-CGT. « Il y a toujours une part de risque, en particulier pour les stages de fin d’études qui mettent l’étudiant en situation réelle, mais il y a un équilibre à trouver à travers le travail collectif et le projet du stagiaire », commente-t-il, ajoutant que, même si les stagiaires dépendent de leur établissement de formation, « les délégués du personnel ont le devoir de protéger les futurs professionnels ». La CFDT Santé-sociaux a choisi d’intégrer les éléments de la convention pro­posée par l’Association Sophie dans un document interne sur les outils d’accueil des stagiaires.

Insuffisant suivi des stagiaires

La gratification des stagiaires, qui a compliqué la recherche de terrains de stage, et les difficultés budgétaires auxquelles sont confrontés certains établissements so­ciaux et médico-sociaux, avec des conséquences sur les moyens d’encadrement, sont d’autres raisons de se préoccuper du sujet. « La recherche de terrains de stage par les formateurs se fait souvent au détriment du suivi des stagiaires, alerte même Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés. Et l’utilisation de stagiaires “bouche-trous” est encore plus fréquente que l’on croit. »

Valérie Fourneyron, député (PS) de Seine-Maritime, a soumis en novembre 2009 une question au gouvernement à propos des préconisations du CSTS et de la mise à disposition des établissements d’une convention tripartite sur le modèle de celui proposé par l’Association Sophie. Le ministère du Travail a répondu en février dernier que la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit a étendu aux stagiaires en entreprise « affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité » le bénéfice « d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés ». Une disposition qui ne concerne pourtant pas le travail so­cial, commente Anne Simon, juriste au Syneas. « En dépit des risques encourus, les postes ne sont pas reconnus comme en permanence dangereux, comme cela peut être le cas dans le secteur de l’industrie ou de la chimie. »

Notes

(1) http://perso.orange.fr/sophie.1994.

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