Après un parcours législatif houleux (1), la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012 a finalement été adoptée, le 29 novembre, par les députés. Particularité de ce texte dont le nombre de dispositions a doublé en cours de route : il reprend certaines des mesures du plan de rigueur présenté par le Premier ministre le 7 novembre (2). Au-delà, la loi comprend, comme à l’accoutumée, des dispositions renforçant la politique de lutte contre les fraudes sociales, en particulier en autorisant les croisements de fichiers des services consulaires et des organismes de sécurité sociale, comme c’est déjà le cas entre ces derniers et ceux des services préfectoraux gérant les titres de séjour des étrangers (voir ce numéro, page 17). L’ensemble de ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2012, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel.
Initialement fixé à 2,8 %, le taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est finalement abaissé à 2,5 % pour 2012, ce qui représente 500 millions d’euros d’économies supplémentaires. Pour y parvenir, le gouvernement appelle une nouvelle fois à une maîtrise médicalisée des dépenses (amélioration de l’efficience de la prescription médicale, alignement du calcul des indemnités journalières maladie et accidents du travail-maladies professionnelles sur celui des indemnités maternité…). L’ONDAM « soins de ville » a lui aussi été revu à la baisse : les dépenses autorisées sont passées de 79,4 milliards d’euros à 78,9 milliards.
L’objectif des dépenses du secteur médico-social est quasi identique à celui inscrit dans le projet de loi initial. Seul l’ONDAM « personnes âgées » a été réduit de 100 millions d’euros (soit au final un budget total de 8 milliards d’euros) pour contribuer à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Afin de tirer les conséquences des débats sur la dépendance (3) qui ont souligné le besoin de rénovation de certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le secteur médico-social bénéficiera d’un plan d’aide à l’investissement à hauteur de 48 millions d’euros (4).
Par ailleurs, en 2011, « la poursuite de la médicalisation des EHPAD a marqué le pas, l’Etat ayant suspendu le renouvellement des conventions tripartites afin de ne pas souscrire d’engagements nouveaux à ce titre vis-à-vis des établissements », explique le rapporteur pour le secteur médico-social au Sénat (Rap. Sén. n° 74, tome III, 2011-2012, Kerdraon, pages 29 et 30) (5). Aussi, pour relancer la médicalisation en 2012, la loi permet-elle non seulement aux EHPAD mais aussi aux unités de soins de longue durée de proroger leurs conventions pluriannuelles tripartites « afin d’éviter tout vide juridique lorsqu’elles n’ont pu être renouvelées après leur arrivée à échéance », précisent les rapporteurs de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. nouvelle lecture n° 3966, novembre 2011, Bur, Door, Poletti, Jacquat, Pinville, page 98).
Dans un autre registre, des expérimentations pourront être menées d’ici à 2017 sur la mise en œuvre de nouveaux modes d’organisation des soins destinés à optimiser les parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, notamment en favorisant la continuité des différentes prises en charge sanitaires et médico-sociales. En outre, la loi prévoit que les EHPAD et certains établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée pourront effectuer, d’ici à 2015, des expérimentations sur les règles de tarification dans l’objectif d’améliorer la qualité et l’efficience des soins.
Afin de réduire plus rapidement le déficit des régimes d’assurance vieillesse et de sécuriser ainsi les pensions de retraite, les parlementaires ont entériné la proposition du gouvernement d’accélérer le calendrier de la réforme des retraites de 2010 (6). Alors que cette dernière prévoyait de porter progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018, la nouvelle loi raccourcit la phase transitoire de montée en charge de un an, pour avancer l’atteinte de la cible de 62 ans à 2017 pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. Elle fait de même pour les catégories sédentaires et actives de la fonction publique.
Dans tous les cas, le relèvement progressif de l’âge s’opérera de la façon suivante :
à raison de 4 mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;
à raison de 5 mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954.
Conséquence : l’âge d’obtention du taux plein dans le secteur privé, qui doit passer de 65 à 67 ans, sera lui aussi décalé de un an, pour intervenir en 2022 (et non plus en 2023). Même traitement dans la fonction publique : les limites d’âge seront de 67 ans pour la génération 1955 (au lieu de 1956) pour les catégories sédentaires et 62 ans pour la génération 1960 (au lieu de 1961) pour les catégories actives dont la limite d’âge était antérieurement fixée à 60 ans.
Au-delà des retraites, la LFSS pour 2012 modifie, pour les assurés de nationalité étrangère, les conditions d’accès à l’allocation de solidarité aux personnes âgées et à l’allocation supplémentaire d’invalidité. Pour les demandes déposées après la publication de la loi au Journal officiel, ils devront désormais répondre à l’une des conditions suivantes :
être titulaires depuis au moins 10 ans (contre 5 jusqu’à présent) d’un titre de séjour autorisant à travailler ;
sans changement, être ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen (7) ou de la Confédération suisse, et avoir résidé en France, en toute régularité, durant les 3 mois précédant la demande d’allocation ;
ou bien – ce qui est nouveau – être réfugié, apatride, ancien combattant ou bénéficier de la protection subsidiaire.
De façon consensuelle, les parlementaires ont validé les mesures suivantes :
le relèvement de 40 %, à compter du 1er juin 2012, des plafonds de ressources des trois tranches ouvrant droit au complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant ;
la majoration de 30 % du montant du CMG lorsque l’allocataire et/ou son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés et élève un enfant de moins de 6 ans ;
la réforme du régime d’attribution de l’allocation de soutien familial en cas de défaillance d’un ex-conjoint pour le paiement de la pension alimentaire.
En revanche, les députés n’ont par retenu la disposition visant à assujettir le complément de libre choix d’activité à un taux réduit de la contribution sociale généralisée.
Autre changement notable : les députés ont modifié les modalités de revalorisation des montants des prestations familiales et des plafonds de ressources à ne pas dépasser pour en bénéficier. En particulier, cette revalorisation interviendra, dès 2012, au 1er avril de chaque année et non plus au 1er janvier. Par ailleurs, les parlementaires ont décidé de limiter l’augmentation de la base mensuelle des prestations familiales – qui sert à déterminer la plupart des prestations familiales – à 1 % l’année prochaine, ce qui la portera à 399 € (contre 395,04 € jusqu’alors).
(1) Après le désaccord de la commission mixte paritaire réunie après une première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte a dû être de nouveau examiné par les deux chambres. Celles-ci n’étant pas parvenues à un texte de compromis, le dernier mot est donc revenu aux députés.
(4) Un budget qui sera assuré par l’affectation de 2 % (contre 1 %) des recettes de la contribution sociale pour l’autonomie à la charge des employeurs.
(7) C’est-à-dire tous les pays de l’Union européenne, plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.