Après avoir alerté la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) en appelle à l’arbitrage du garde des Sceaux pour préserver le taux d’encadrement des centres éducatifs fermés (CEF) associatifs. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, dans un objectif « d’harmonisation des moyens » et de « maîtrise des dépenses publiques », le passage de 27 à 24 ETP (équivalents temps plein) dans les structures du secteur associatif, ce qui revient à un « alignement » sur le nombre de personnels prévu dans les CEF publics. La capacité d’accueil des centres doit par ailleurs obligatoirement atteindre 12 jeunes. « Cette baisse nous inquiète car elle va conduire à rompre un équilibre trouvé au terme de nombreux ajustements, écrivent les présidents de la CNAPE et de l’Uniopss, dans un courrier adressé à Michel Mercier le 22 novembre, également signé par 24 associations gestionnaires de 29 CEF (1). Le risque est de dévoyer la finalité des CEF, de mettre à mal leur fonctionnement et de compromettre leur viabilité. De plus, les associations gestionnaires craignent que la sécurité des mineurs accueillis et des professionnels ne soit plus suffisamment garantie et refusent que leur responsabilité soit engagée en conséquence. »
Pour la CNAPE, qui a en 2002 contribué à la rédaction du cahier des charges du dispositif et s’est investie dans l’expérimentation des premières structures, les CEF « sont une réponse efficace pour certains mineurs délinquants parce que, d’emblée, les moyens nécessaires ont été donnés, notamment en termes d’encadrement ». La mission d’évaluation parlementaire de juillet dernier avait d’ailleurs préconisé le maintien de ces moyens. La fédération associative craint que la réduction du nombre de professionnels ne provoque mécaniquement une baisse de l’activité des structures, un affaiblissement des organisations, des équipes, avec des conséquences en termes d’absentéisme et de turnover, une augmentation du prix de journée et, surtout, une mise à mal de la mission d’alternative à la détention.
Alors que la DPJJ (direction de la protection judiciaire de la jeunesse) défend que le nombre de 24 ETP appliqué au secteur public correspond aux moyens requis – déterminés en fonction du niveau de qualification de chaque poste –, elle estime que l’argument de l’harmonisation ne tient pas : « L’avis de la commission des lois de l’Assemblée nationale concernant le budget justice 2012 précise que le prix de journée 2010 d’un CEF public est 659 € et celui d’un CEF associatif de 603 €. » La CNAPE demande donc le maintien du ratio de 27 ETP pour 12 mineurs (hors santé mentale), tout en se disant prête à s’engager dans une réflexion visant à déterminer l’enveloppe des dépenses en personnels nécessaire à la mission des CEF. Mieux vaudrait, propose-t-elle, aborder la question sous l’angle du coût et du fonctionnement global, et non sous celui de l’organisation et du nombre de postes, en tenant compte des différences de charges entre les secteurs privé et public.
Autre priorité à ses yeux : consolider le fonctionnement des structures existantes, alors que le gouvernement prévoit de créer 20 CEF supplémentaires pour faire face aux nouvelles conditions de placement prévues par la loi du 11 août dernier sur les jurés populaires et la justice des mineurs. Elle craint un détournement des moyens au profit de ces nouvelles structures. « Les 44 CEF en activité ne fonctionnement pas tous avec un taux d’occupation de 80 % [tel que prévu dans le cahier des charges] [2], fait-elle valoir. Au vu des critères de placement en CEF et du nombre de placements dans ces structures chaque année, il n’est pas démontré qu’il faille des CEF supplémentaires. » Si les juges rencontrent des difficultés pour trouver des solutions à certains mineurs, c’est faute de trouver des places adaptées ailleurs, notamment en raison du manque de centres de placement immédiat. « Les CEF n’ont pas vocation à être la seule et unique réponse à la délinquance des mineurs et doivent s’inscrire dans un dispositif global, dispositif qui doit être revisité dans la spécificité de ses prestations, leurs articulations, pour produire plus de cohérence et d’efficacité », défend encore la CNAPE. Elle demande qu’une évaluation des dispositifs existants en matière pénale soit menée « afin d’apporter les adaptations nécessaires, notamment s’agissant de l’accueil d’urgence qui ne peut être assuré par les CEF, et le renforcement du suivi à la sortie du CEF ».
(1) Sur les 44 existant en juin 2011, 34 sont gérés par des associations, 10 par le service public de la PJJ.
(2) Selon la CNAPE, qui cite un document de la DPJJ sur le bilan d’activité des CEF entre 2003 et 2010, le taux d’occupation des CEF associatifs était de 75 % en 2010 et celui des CEF publics de 67 %.