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Le RSA : « Un objectif politique en décalage avec la réalité sociale »

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Une monographie départementale réalisée à Paris par deux chercheurs du Centre d’études de l’emploi montre que le RSA (revenu de solidarité active) n’a pas, deux ans après sa mise en œuvre, atteint ses objectifs. Explications de Bernard Gomel, coauteur de l’étude avec Dominique Méda, à quelques semaines du rapport d’évaluation nationale du dispositif (1).

Vous critiquez les fondements du RSA…

Notre démarche a consisté à analyser les présupposés théoriques qui ont conduit à la création du RSA, puis à nous interroger, à partir de sa mise en œuvre dans plusieurs départements, sur l’opportunité de cette réponse face aux problèmes des publics concernés. Si la commission présidée par Martin Hirsch a tenté de casser la perception du RMI comme une trappe à inactivité en rattachant le projet de réforme à la lutte contre la pauvreté, elle a présenté la désincitation au travail comme un problème à régler : l’expérimentation sociale a été centrée sur le paramétrage des mécanismes individuels d’incitation au retour à l’emploi. Avec l’idée implicite que les personnes sont à l’avance capables de calculer leur intérêt à travailler, qui plus est uniquement sur le plan financier.

A partir de nos investigations menées à Paris, département qui s’est donné les moyens de mettre en place le dispositif, nous observons que ce cadre théorique s’est appuyé sur une vision erronée du comportement des allocataires du RMI et du marché du travail. L’objectif politique est en décalage avec la réalité sociale.

Quelles conséquences sur l’objectif du retour à l’emploi ?

Si les allocataires ne correspondent pas au modèle d’« homo calculator » supposé, ils comprennent assez vite, lors de leurs entretiens dans les services sociaux, que s’ils travaillent au-delà d’un certain seuil, ils perdront leurs droits connexes : la couverture maladie universelle complémentaire et, comme nous l’avons observé à Paris, la gratuité des transports et l’allocation logement complémentaire mise en place par la Ville. La proposition de la commission Hirsch selon laquelle ces droits devaient être liés non plus à un statut, mais à un niveau de revenu, a représenté un changement théorique.

Dans la pratique, il s’agit du même public. Les effets de seuil n’ont donc pas été supprimés mais déplacés. Le RSA est par conséquent perçu par les acteurs de l’accompagnement comme une incitation au travail partiel, comme l’ont d’ailleurs montré d’autres enquêtes, comme celles de la FNARS (2). Au lieu d’une progression continue des revenus du travail, les allocataires occupent le plus souvent des miettes d’emploi et enchaînent des contrats courts de manière irrégulière. Ils peuvent sortir du RSA socle, passer au RSA activité et sortir du RSA lorsque leur contrat à durée déterminée prend fin, et par conséquent ne plus relever de ses droits et obligations. La gestion de la prestation, qui a aggravé la complexité administrative, est très mal adaptée à cette instabilité, et contredit l’objectif d’une meilleure lisibilité des revenus.

Vous remettez aussi en cause l’orientation majoritaire vers Pôle emploi.

Moins de la moitié des allocataires sont inscrits à Pôle emploi, avec des disparités importantes entre départements, selon la façon dont ils ont organisé l’accompagnement socioprofessionnel. L’objectif de la loi était donc irréaliste, en raison de la conjoncture actuelle, mais surtout d’une erreur fondamentale sur le public concerné : alors que la majorité rencontre des difficultés sociales et familiales, on a cherché à unifier cette population avec l’idée dangereuse – renforcée par la mise en œuvre de contrats aidés de sept heures – qu’il faut justifier cette allocation par la perspective d’un retour au travail.

N’y a-t-il pas eu d’effets positifs pour ceux qui reprennent un emploi ?

Le complément de revenu ne permet pas pour autant de franchir facilement le seuil de pauvreté, comme le promettait la commission de Martin Hirsch. Reste que plus d’un million de personnes ne demandent pas le RSA activité, devenu un droit « quérable » (3), à la différence de la prime pour l’emploi.

Notes

(1) « Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers enseignements d’une monographie départementale », Bernard Gomel et Dominique Méda – Document de travail n° 152 du Centre d’études de l’emploi, novembre 2011 – Disponible sur www.cee-recherche.fr.

(2) Voir ASH n° 2679 du 22-10-10, p. 23.

(3) Que l’allocataire doit lui-même réclamer auprès des services concernés.

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