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Quel tribunal pour les enfants ?

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Le dispositif de protection de l’enfance et de prévention de la délinquance, bien que fondé sur des législations distinctes selon qu’il s’agit des interventions administratives (aide sociale à l’enfance), de la justice civile (assistance éducative) ou de l’action pénale (ordonnance du 2 février 1945), avait eu tendance historiquement à se construire en un continuum institutionnel dont les divers segments étaient réunis par des finalités de rééducation des mineurs et de promotion des familles. Dit autrement, l’ensemble s’inscrivait dans une politique d’action sociale se décalant assez nettement des logiques purement judiciaires de rétribution et de répression.

Ces équilibres, certes toujours problématiques à bien des égards, ont été bouleversés depuis une bonne dizaine d’années et les conséquences de ces bouleversements apparaissent aujourd’hui au cœur du système : les juridictions spécialisées pour enfants.

D’un côté, le tribunal pour enfants vient d’être radicalement mis en cause dans sa conception héritée de 1945, dans la mesure où cette dernière, après avoir été finalement considérée comme non conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme par la Cour européenne de Strasbourg, a été jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, saisi par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (1). Etait en cause le cumul de fonctions par le juge des enfants, chargé à la fois de l’instruction des affaires et de la présidence de l’instance de jugement à côté de deux assesseurs non professionnels.

D’un autre côté, la loi du 10 août 2011, outre une réforme de la cour d’assises des mineurs, vient de créer une nouvelle juridiction, le tribunal correctionnel des mineurs qui, dans un souci de plus forte sévérité, de plus grande solennité, et donc de consécration de l’idée d’exemplarité de l’action pénale, vient se substituer au tribunal pour enfants en ce qui concerne les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans ayant commis des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.

Certes, dans plusieurs décisions successives intervenant à l’occasion des multiples lois réformant l’ordonnance du 2 février 1945, qui ont emprunté la voie d’un alignement du droit pénal des mineurs sur celui des majeurs, le même juge constitutionnel a dégagé un principe fondamental reconnu par les lois de la République : celui de l’« autonomie du droit pénal des mineurs ».

De ce fait, quelles que soient les velléités répressives des pouvoirs publics, la réponse pénale à l’égard des jeunes doit toujours se tenir à distance des formes de répression réservées aux majeurs, notamment en ce qui concerne les juridictions compétentes.

Il reste cependant que ces évolutions législatives et jurisprudentielles recomposent petit à petit un nouveau paysage dans le champ de la protection de l’enfance et de l’adolescence.

En ce qui concerne les instances de jugement, outre l’incertitude qui affecte maintenant le fonctionnement, et donc la nature, du tribunal pour enfants, la distance s’accroît entre les instances civiles en charge de la protection et les juridictions pénales en charge de la répression. C’est tout le montage du dispositif ancien, où le juge, certes antérieurement constitué en « intervenant social » – ce qui n’allait pas toujours sans conséquences problématiques –, reprend en matière pénale mais aussi civile (distinction de l’instruction et du jugement) un chemin plus classique en matière d’action juridictionnelle.

Plus largement, si le volet « protection de l’enfance » garde ses finalités rééducatives et promotionnelles, le droit pénal des mineurs s’en éloigne pour s’engager encore davantage dans une philosophie néo-utilitariste selon laquelle, face aux impératifs de sécurité publique et d’efficacité, il convient de rétablir le principe de responsabilité du mineur en le considérant comme rationnel et sensible au calcul « coûts/avantages », plutôt que de persister à ne voir en lui que la victime d’un ordre social injuste.

Tout cela pourrait parfaitement se discuter autour de la question de ce qu’« éduquer » veut dire et de quels devoirs en découlent envers les jeunes pour les adultes et la collectivité. L’ennui est que tout se joue dans des mouvements de balancier conduisant à fuir de prétendus excès pour se précipiter dans les excès inverses.

Notes

(1) Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 6.

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