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La mesure judiciaire d’investigation éducative

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Mise en œuvre progressivement par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la mesure judiciaire d’investigation éducative doit se substituer complètement aux mesures d’enquêtes sociales et aux investigations d’orientation éducative le 1er janvier 2012. Elle a notamment vocation à fournir au magistrat des informations sur la personnalité et les conditions d’éducation et de vie du mineur.

Créée d’abord par une circulaire du 31 décembre 2010, puis confirmée par un arrêté du 2 février 2011, la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) constitue un nouvel outil à la disposition des magistrats susceptible d’être utilisé dans le cadre des procédures d’assistance éducative et dans celui de l’enfance délinquante. Plus précisément, cette mesure vise à fournir au juge des informations quant à la personnalité et aux conditions d’éducation et de vie du mineur, ainsi qu’au contexte familial. Elle peut être mise en œuvre par les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ainsi que par les services gérés par le secteur associatif, à condition qu’ils soient autorisés et habilités à le faire.

Initié en 2008-2009, ce dispositif se met en place progressivement depuis le début 2011. Il doit se substituer, à partir du 1er janvier 2012, aux mesures d’enquêtes sociales et aux investigations d’orientation éducative, qui peuvent néanmoins continuer à être ordonnées jusqu’au 31 décembre 2011. La mesure de recueil de renseignements socio-éducatifs demeure en revanche applicable (voir encadré, page 50).

Si, pour la direction de la PJJ, cette réforme était nécessaire, elle a été très mal accueillie par les magistrats et les acteurs de terrain, qui n’en ont pas perçu l’intérêt et l’ont ressentie essentiellement comme un moyen d’opérer des restrictions budgétaires (1). D’ailleurs, l’un des points d’achoppement a été son financement. Un premier mécanisme a été mis en place dans le cadre de la circulaire du 7 février 2011 relative à la campagne budgétaire des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse. Face aux violentes critiques suscitées par ce texte, le ministère de la Justice a accepté de revoir sa copie : un avenant à la circulaire a ainsi, fin août 2011, modifié les règles de tarification applicables à la MJIE et reporté de 6 mois la généralisation de la mesure, initialement prévue pour le 30 juin 2011. Si ces aménagements ont satisfait en partie les professionnels, certaines inquiétudes demeurent. Encore récemment, quatre associations – la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), Citoyens et justice, la FN3S (Fédération nationale des services sociaux spécialisés de protection de l’enfance et de l’adolescence en danger) et l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) – ont mis en garde contre les risques de diminution de la qualité de leurs interventions en raison de la tarification de cette mesure qui, selon eux, « génère une perte importante en postes de cadres, de personnels administratifs et de manière hétérogène en postes dits “cœur de métier” (travailleurs sociaux et psychologues) » (2).

I. LE CADRE JURIDIQUE DE LA MESURE

La mesure judiciaire d’investigation éducative peut être utilisée dans le cadre pénal ou dans celui d’une procédure d’assistance éducative. Elle est ordonnée durant la phase d’information (procédure d’assistance éducative) ou durant la phase d’instruction (cadre pénal) par le juge ou une juridiction de jugement. Quel que soit le fondement de la MJIE (civil ou pénal), souligne la circulaire du 31 décembre 2010, sa mise en œuvre et son déroulement doivent être guidés par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect du cadre posé par la décision judiciaire.

A. LE CADRE PÉNAL

Au pénal, le fondement juridique du recours à la mesure judiciaire d’investigation éducative réside dans l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante (3). Selon cette disposition, le juge des enfants doit effectuer toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation. Il s’agit donc d’une obligation pour le magistrat.

A cet effet, il recueille par le biais d’une MJIE des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, ainsi que sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé.

B. LA PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Le fondement textuel de la MJIE dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative est posé par l’article 1183 du code de procédure civile (4). Ce texte prévoit que le juge peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents. Il s’agit donc, cette fois, d’une faculté pour le juge.

Dans ce cadre, les informations et les préconisations contenues dans le rapport écrit élaboré à l’issue de la mesure doivent permettre au juge de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer si nécessaire des réponses en termes de protection et d’éducation adaptées à la situation des intéressés.

II. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MESURE

Conformément à l’article 2 de l’arrêté du 2 février 2011, la mesure judiciaire d’investigation éducative « est interdisciplinaire et modulable tant dans son contenu que dans sa durée, en fonction de son cadre d’exercice civil ou pénal, de la situation particulière du mineur et de la prescription du magistrat ». La circulaire du 31 décembre 2010 précise ces différents éléments.

A. UNE MESURE À DISTINGUER D’AUTRES DISPOSITIFS

La circulaire du 31 décembre 2010 distingue la MJIE d’autres dispositifs qui peuvent sembler proches. En premier lieu, elle énonce que cette mesure ne constitue pas une « action d’éducation », quand bien même elle « produit par elle-même souvent un changement dans les familles, en leur permettant d’entrer dans une démarche dynamique et peut contribuer à dénouer une situation de crise ou de blocage et ainsi éviter ou limiter le temps d’une intervention éducative judiciaire ». Son objectif est de recueillir des éléments de compréhension éclairant la situation, de vérifier des conditions prévues par la loi pour l’intervention judiciaire, d’observer, d’analyser de manière partagée puis d’élaborer des propositions. Elle s’attache à évaluer la situation d’un mineur et à apprécier notamment les conditions d’exercice de l’autorité parentale et ses effets vis-à-vis de l’enfant.

La MJIE doit aussi être distinguée des évaluations prévues par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui sont réalisées dans le cadre des cellules de recueil des informations préoccupantes des conseils généraux. La mesure judiciaire d’investigation éducative est en effet réalisée dans un cadre contraint par la décision judiciaire, prenant en compte le principe du contradictoire et non susceptible d’appel. L’évaluation de la loi du 5 mars 2007 permet, quant à elle, d’apprécier les informations préoccupantes et de les traduire ensuite éventuellement en signalement. De plus, elle ne peut être imposée aux intéressés.

Dernière différence : la MJIE n’est pas une expertise, laquelle consiste à demander à un ou plusieurs experts de « donner un avis sur les éléments de la situation du mineur et selon des aspects référencés à une discipline ».

B. UNE MESURE INTERDISCIPLINAIRE

En raison de la diversité des éléments à explorer, « l’apport de compétences diversifiées » et une « approche interdisciplinaire de la situation du jeune et de sa famille » sont nécessaires, explique la chancellerie dans sa circulaire du 31 décembre 2010. Cette approche garantit la prise en compte des différentes dimensions, personnelle, familiale et sociale, des situations individuelles par les différents professionnels mobilisés et se traduit notamment par la composition pluridisciplinaire du service chargé de mettre en œuvre la mesure : cadres de direction, éducateurs, psychologues, assistants de service social. En outre, en cas de besoin, d’autres professionnels – recrutés par vacations ou par le biais de conventions – peuvent compléter cette équipe de base : médecin psychiatre, psychologue, pédiatre, pédopsychiatre, services spécialisés (hôpitaux, centres médico-psycho-pédagogiques, centres de protection maternelle et infantile, centres d’examen de santé…), conseiller d’orientation et/ou d’insertion, ou d’autres spécialités (médiateurs culturels, services de prévention…).

C. UNE MESURE MODULABLE

Le contenu ou la durée de la mesure sont modulables, précise la circulaire du 31 décembre 2010.

1. DANS SON CONTENU

La mesure peut porter sur des domaines plus ou moins étendus en fonction de la spécificité de la situation du mineur. C’est le magistrat prescripteur qui détermine le contour de l’investigation. Des modules d’approfondissement explorant, par une approche spécifique, des problématiques particulières peuvent être repérés d’emblée ou au cours de l’investigation (voir page 51). Ainsi, la MJIE peut être utilisée selon deux modalités :

 le juge ordonne une MJIE qui est réalisée, a minima et de manière incontournable, en référence à l’ensemble des items posés par la loi, items qui varient selon que la mesure est ordonnée dans un cadre pénal ou dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative (voir pages 47 et 48). En cours de procédure, au regard de la situation, il peut, à son initiative ou sur proposition du service ou des parties, ordonner un approfondissement de l’investigation sur une problématique spécifique ;

 le juge ordonne une MJIE en précisant qu’il souhaite, dès le début de la procédure, un ou des modules d’approfondissement.

2. DANS SA DURÉE

Dans le cadre de l’assistance éducative, quelle que soit la situation, le service doit réaliser la MJIE dans un délai maximum de 5 mois suivant sa notification. Cette durée permet :

 de respecter le temps de procédure imposé au juge pour statuer au fond en cas de mesure provisoire de placement du mineur, à savoir 6 mois au maximum ;

 qu’il y ait ou non une mesure provisoire prononcée concomitamment, de tenir compte des délais de notification et de consultation des procédures par la famille et les avocats qui imposent que le rapport sur la mesure parvienne 15 jours avant la date de l’audience.

En matière pénale, le délai d’exécution de la MJIE est fixé par le juge en fonction des impératifs temporels de la procédure utilisée ou du contenu du dossier.

Dans les deux cas, le magistrat peut ordonner un délai plus court pour exercer la mesure au regard des impératifs de la procédure. A l’inverse, en cas d’éléments nouveaux, il peut, à son initiative ou sur proposition du service, ordonner l’approfondissement d’une problématique spécifique.

III. LE CONTENU DE LA MESURE

Les services mettant en œuvre la mesure judiciaire d’investigation éducative doivent réunir les éléments permettant aux magistrats de vérifier que les conditions de leur intervention sont réunies, en fonction de leur champ de compétences (circulaire du 31 décembre 2010). Certains éléments sont incontournables tandis que d’autres peuvent être ajoutés sur prescription du juge, ce qui correspond au caractère modulable de la mesure.

A. LES ÉLÉMENTS INCONTOURNABLES

Les éléments incontournables de la mesure, détaillés par les annexes 1 et 2 de la circulaire du 31 décembre 2010, varient selon le cadre d’intervention de la mesure. Il existe néanmoins des principes communs.

1. LES PRINCIPES COMMUNS

Que ce soit dans le cadre civil ou pénal, l’investigation doit permettre de recueillir les éléments du parcours antérieur du mineur et les éventuelles réponses sociales, administratives et judiciaires déjà apportées dans le passé, dans l’objectif de construire des propositions en se fondant sur ce qui a déjà permis ou pas des évolutions de la situation.

Par ailleurs, les professionnels doivent, en croisant leurs analyses des éléments recueillis à l’appui d’un travail interdisciplinaire, aboutir à un tableau le plus objectif possible de la situation et tenter de rendre compte de la complexité des problématiques (voir ci-après).

2. DANS LE CADRE PÉNAL

En matière pénale, la MJIE vise à recueillir, conformément à l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945, des éléments sur :

 la situation matérielle et morale de la famille (mode de vie, conditions de l’habitat, normes sociales/morales, informations sur le réseau de la famille et les ressources qui pourraient venir en aide à la famille…). Il s’agit de repérer les carences physiques du mineur, le manque d’hygiène, les retards de développement, les signes médicaux, les conditions de vie matérielle ;

 la personnalité du mineur. L’objet est notamment :

– de recueillir tous les éléments qui ont une influence sur sa personnalité (environnement, groupe de pairs) et pas simplement les caractéristiques psychiques tels que l’agressivité, la léthargie, etc.,

– de repérer les attitudes des parents vis-à-vis de la loi et leur rapport aux normes sociales, ainsi que l’éventuel isolement de l’enfant de l’environnement socio-éducatif extérieur,

– d’identifier les risques liés à une relation amoureuse (emprise, désespoir, tentative de suicide, maternité ou paternité précoce) ;

 les antécédents du mineur, qu’ils soient judiciaires – afin de déterminer s’il est dans un processus de délinquance ou s’il a commis un acte isolé –, ou qu’il s’agisse des suivis antérieurs dont il aurait fait l’objet (aide sociale à l’enfance, suivi par un éducateur, etc.) ;

 la fréquentation scolaire du mineur, ses aptitudes et son attitude à l’école (historique du parcours scolaire, comportement en classe, points de réussite et d’échec, goûts, appétences). Il s’agit de repérer les obstacles de nature à compromettre l’éducation (désintérêt des parents pour la scolarisation, défaut de transmission d’adulte à enfant…) ;

 les conditions dans lesquelles le mineur a vécu ou a été élevé. L’objectif est d’identifier les carences éducatives ou affectives du mineur dans sa vie passée ou dans le présent (ruptures…) et d’observer les éléments de l’histoire familiale (redondances, ruptures, périodes positives et périodes difficiles…) ;

 la santé et le développement psychologique du mineur ;

 les moyens appropriés à l’éducation du mineur (par exemple : un éloignement temporaire de la sphère familiale…).

L’investigation prend particulièrement en compte et analyse le contexte du passage à l’acte délinquant du mineur en le resituant dans son environnement socio-éducatif et son parcours de vie. Ce même travail est réalisé avec les détenteurs de l’autorité parentale, ce qui permet d’évaluer leur capacité à se mobiliser pour rechercher une solution adaptée à la situation de leur enfant.

3. DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Dans le cade de la procédure d’assistance éducative, la MJIE vise à vérifier si les conditions d’application de l’article 375 du code civil, fondement de la procédure, sont bien réunies. Ce texte prévoit en effet que si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice. Il s’agit, dès lors, de recueillir des éléments sur :

 la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents ;

 l’existence d’un danger pour :

– la santé du mineur. La finalité de la mesure est de connaître et de vérifier l’état de santé général de l’enfant et, le cas échéant, ses besoins spécifiques (troubles, handicap, maladie chronique), ou encore son suivi médical courant,

– la sécurité de l’enfant à son domicile. Le but est de répondre aux questions suivantes : est-il confronté à la violence ? Quels sont les indicateurs d’une éventuelle maltraitance ? Quelle part de négligence propre aux parents par rapport à celle liée au contexte socio-économique (très grande pauvreté et mal-logement) ?,

– la moralité de l’enfant. La mesure vise à repérer le rapport aux normes, les habitudes de vie, les systèmes de valeurs propre à sa famille, la qualité de l’environnement social et familial ;

 le caractère gravement compromis des conditions d’éducation de l’enfant (désintérêt des parents pour la scolarisation, défaut de transmission d’adulte à enfant, existence ou pas d’un projet professionnel…) ou de son développement :

– physique (carences physiques, manque d’hygiène, retards de développement, signes médicaux, conditions de vie matérielle),

– affectif (délaissement ou surinvestissement parental, attitude négligente de la part des parents, risques liés à une relation amoureuse tels que l’emprise, le désespoir, une tentative de suicide, une maternité ou une paternité précoces),

– intellectuel (problèmes de comportement, hyperactivité, déficiences intellectuelles),

– social (environnement du petit enfant [protection maternelle et infantile, mode de garde…], conditions matérielles de vie de la famille, sphères de socialisation/sociabilité du mineur, attitudes des parents vis-à-vis de la loi et leur rapport aux normes sociales).

B. LES MODULES D’APPROFONDISSEMENT

Comme on l’a vu précédemment (voir page 49), les modules d’approfondissement permettent d’explorer, par une approche spécifique, des problématiques particulières repérées d’emblée ou au cours d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, et peuvent être ordonnés à la demande du service ou de la propre initiative du magistrat. Une liste non exhaustive de modules d’approfondissement est établie en annexe 3 de la circulaire du 31 décembre 2010. Ils s’appliquent aussi bien dans le cadre pénal que civil.

Ces modules d’approfondissement peuvent permettre de mieux appréhender, notamment :

 le système familial, en particulier dans certaines situations particulières (cas d’emprise, de dérives sectaires, d’instrumentalisation des enfants pris dans des conflits conjugaux, de conduites addictives des parents, de dépression d’un ou des parents…) qui sembleraient avoir un lien avec les difficultés présentées par le mineur ;

 les situations de maltraitance physique et psychologique ;

 les éventuelles violences sexuelles intrafamiliales dont l’enfant est ou a été victime. Le module d’approfondissement, qu’il porte sur une situation récente ou sur une situation plus ancienne, devra alors permettre de mieux identifier et de comprendre les traumatismes vécus par l’enfant en explorant le contexte particulier dans lequel ont eu lieu ces agressions, et en prenant en compte notamment :

– le poids du secret plus important qui régule les relations familiales et conduit à un fonctionnement à huis clos,

– une difficulté importante pour l’enfant ou l’adolescent à évoquer sa situation sans être de fait soutenu par sa famille,

– le retentissement psychologique potentiellement plus important dès lors que l’enfant a été abusé par un ou des proches,

– les difficultés pour les intervenants à recueillir des éléments d’informations dans un contexte souvent considéré comme tabou,

– les craintes de « représailles » par les membres de la famille ;

 les références identitaires et culturelles du mineur et sa famille. Le module d’approfondissement vient offrir un cadre d’intervention propre à amener le mineur et sa famille à s’interroger sur l’altérité ressentie au sein même de la famille entre parents et enfants, en particulier en mesurant le décalage plus ou moins grand entre le cadre culturel intériorisé par les parents et le cadre culturel externe. Il s’agit également d’interroger les membres de la famille sur leur inscription dans la filiation et leur mode individuel d’affiliation à un ou des groupe(s) d’appartenance (école, bande, groupe(s) de pairs du quartier…) ;

 les problèmes de santé auxquels le mineur est confronté et d’en analyser les incidences sur son développement ;

 la sexualité du mineur (questions d’éducation affective et sexuelle, d’homosexualité, de genres, de contraception, de violences et d’abus sexuels ou encore de prostitution et de pornographie) ;

 la situation du mineur mis en cause dans une infraction à caractère sexuel, sachant que, parfois, « l’abuseur a été lui-même victime d’agression sexuelle ou de maltraitances physiques sans que le traumatisme vécu n’ait été partagé ou fait l’objet d’une reconnaissance sociale, compromettant alors potentiellement son développement psychosexuel ». En cas de viol collectif, la démarche d’investigation approfondie doit permettre d’explorer plus en avant le contexte de l’agression sexuelle, d’en aborder la nature et d’en évaluer les effets sur le mineur, sa famille et leurs relations ;

 les facteurs ayant conduit un mineur aux passages à l’acte violents (fragilisation familiale, position de défi dans une quête identitaire, recherche de sensations pour se sentir exister…) ;

 la nature, les causes et la fonction parfois structurante de l’errance d’un mineur (liée à des fugues prolongées, à une situation de marginalité, à une migration seul en France…) dans sa trajectoire et sa construction identitaire ;

 l’usage par un mineur de stupéfiants (usage occasionnel ou régulier, abus ponctuels ou répétitifs, dépendance).

IV. LA MISE EN ŒUVRE DE LA MESURE

Les services de la protection judiciaire de la jeunesse qui mettent en œuvre la mesure judiciaire d’investigation éducative doivent respecter les principes liés au secret professionnel, à l’information partagée et aux droits des usagers, explique la chancellerie dans sa circulaire du 31 décembre 2010.

A. LES MODALITÉS DE RECUEIL DE L’INFORMATION

Le recueil de l’information doit se faire en impliquant les personnes concernées. Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, « la manière dont l’investigation est conduite, dont le mineur et la famille sont associés, sont des éléments primordiaux de la qualité de l’investigation et de la compréhension par les intéressés de leur place et de leur rôle dans la procédure judiciaire », précise l’administration. De plus, l’expérience montre qu’une investigation de qualité permet souvent à la famille de s’approprier la manière d’envisager ses propres difficultés et ainsi de s’appuyer sur ses ressources pour trouver ses propres réponses. Le caractère contradictoire de la procédure judiciaire doit en outre conduire « les professionnels à intégrer dans leur pratique l’analyse critique des informations obtenues, leur vérification et leur confrontation à l’avis des intéressés ».

Par ailleurs, les projets de service doivent clairement identifier les méthodes et les outils utilisés pour conduire la MJIE et préciser les moyens d’actualisation des connaissances en termes de perfectionnement des professionnels (par exemple en matière de maltraitance, de périnatalité, d’agressions à caractère sexuel, de stupéfiants…).

B. LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS RECUEILLIES

Le recueil d’informations doit conduire « à l’émergence d’éléments vérifiés et d’hypothèses étayées tendant vers l’objectivité », indique la circulaire du 31 décembre 2010. « Toutefois, ces éléments ne se suffisent pas à eux-mêmes pour caractériser la situation du mineur, souligne-t-elle. C’est le croisement de ces informations, leur articulation avec des faits observés et des actes posés ou subis, leur mise en discussion et leur confrontation interdisciplinaire qui permettent d’élaborer des hypothèses valides, accessibles et acceptables », considère l’administration. Un travail d’analyse des éléments recueillis de manière interdisciplinaire doit donc être engagé avec les familles et les mineurs. Ce travail est élargi, si nécessaire, aux différents acteurs extérieurs sollicités spécifiquement pour chaque situation : personnels concernés des services sociaux et médico-sociaux, médecine généraliste et/ou spécialisée, missions locales, centres sportifs et d’animation, établissements scolaires, brigade des mineurs ou de protection de la famille…

Ces « temps d’élaboration collective constitue, selon la circulaire du 31 décembre 2010, une méthode de travail essentielle dans la conduite de la MJIE qui permet de croiser les hypothèses formulées par des professionnels de disciplines différentes. [Ils] peuvent prendre la forme soit de points d’étapes réalisés à l’issue des entretiens, soit de réunions de synthèse élargies le cas échéant à la participation d’intervenants extérieurs. » Pour finir, un travail de synthèse conclusive et d’écriture portant sur les différentes hypothèses de travail et d’orientation éducative est engagé par les différents professionnels.

« La mise en œuvre de ces modalités de travail et l’animation des séquences sont garanties par le cadre de direction. Elles sont formalisées dans le projet de service sous la responsabilité du directeur de service », précise la chancellerie.

C. LA RESTITUTION DES CONCLUSIONS DE LA MESURE

La restitution des conclusions de la MJIE est faite auprès de la famille et du mineur, dans le respect du principe du contradictoire, ainsi qu’au juge (circulaire du 30 décembre 2010).

1. LA RESTITUTION AUPRÈS DE LA FAMILLE ET DU MINEUR

Après avoir été associés tout au long de la démarche, la famille et le mineur doivent se voir présenter systématiquement les conclusions de l’investigation avant qu’elles ne soient adressées au magistrat. Cette phase de restitution leur permet d’exprimer leurs opinions et de se préparer à l’audience dans une dimension contradictoire. Elle s’inscrit par ailleurs dans les dispositions relatives aux droits des usagers définies par le code de l’action sociale et des familles. Pour mémoire, les services d’investigation sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux au sens de l’article L. 312-1, I du code de l’action sociale et des familles. Toutefois, selon l’article L. 312-1, IV de ce même code, ils n’ont pas à appliquer tous les droits des usagers (notamment la remise d’un livret d’accueil et du règlement de fonctionnement) mais ils doivent respecter leurs droits fondamentaux garantis à l’article L. 311-3, en particulier le droit d’être informé.

2. LA RESTITUTION AU MAGISTRAT

La restitution au magistrat des conclusions de la MJIE se traduit par l’élaboration d’un rapport de synthèse, rédigé sous la responsabilité du cadre de direction et engageant le service PJJ. Dans les services du secteur public, c’est le directeur de service qui transmet, sous sa signature, les rapports aux magistrats.

Ce rapport comprend d’abord les éléments répondant aux conditions posées par la loi pour justifier l’intervention judiciaire puis, le cas échéant, les réponses aux prescriptions particulières du magistrat, ainsi que des hypothèses de solutions préconisées (suites à donner, non-lieu à intervention éducative, proposition de consolidation de l’investigation par un module d’approfondissement). Le rapport doit également faire apparaître les avantages et inconvénients pour chaque hypothèse énoncée ainsi que, le cas échéant, les éventuelles divergences de point de vue. Enfin, il doit préciser l’ordre de priorité des différentes réponses proposées. Sont joints en annexe les rapports de chaque professionnel sollicité.

D. LA TRANSMISSION DES INFORMATIONS AU SERVICE CHARGÉ DE LA MESURE ÉDUCATIVE

Dans le cas où le juge ordonne, à la suite d’une MJIE, une mesure en milieu ouvert, un placement ou une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, le service auquel est confiée la mesure éducative est informé des conclusions de la MJIE dans le cadre d’un partage de l’information.

V. LE FINANCEMENT DE LA MESURE

Selon l’arrêté du 2 février 2011, chaque mesure judiciaire d’investigation éducative effectuée par un service PJJ habilité géré par le secteur associatif ouvre droit au profit de ce dernier à un paiement versé par le ministère de la Justice.

L’avenant n° 1 du 31 août 2011 à la circulaire budgétaire du 7 février 2011 a posé le principe selon lequel le tarif d’une MJIE, avec ou sans module(s) d’approfondissement, et quelle que soit sa durée, est forfaitaire. Le prix de l’acte est par ailleurs établi et arrêté par mineur (et non par famille). Le tarif applicable n’est toutefois pas proportionnel au nombre de mineurs visés lorsque l’ordonnance prononcée par le juge concerne un ou plusieurs jeunes mineurs dans la même famille. En effet, « certaines démarches nécessaires dans la conduite d’une investigation au sein d’une famille ne sont faites qu’une fois, que celle-ci concerne un seul mineur ou bien une fratrie ». En outre, le temps de travail dans une MJIE « n’est pas entièrement dédié à l’individu sujet de la mesure (démarches à faire autant de fois qu’il y a de mineurs dans la famille) mais aussi à son contexte de vie. Dès le premier mineur sujet de la mesure, la problématique de la famille est donc prise en compte à part entière et elle est commune à tous les enfants (constitution et mode d’organisation de la famille, contexte socio-familial, relations familiales, réseau de socialisation…). » Dès lors, la part individuelle est évaluée à 50 % du temps d’une mesure qui ne concernerait qu’un seul mineur et un coefficient progressif de 0,5 pour chaque mineur supplémentaire de la même famille doit donc être ajouté au tarif.

Sans chiffrer le coût moyen national d’une MJIE, l’avenant présente le temps moyen d’intervention, par type d’emploi (direction, travailleurs sociaux, psychologue…), pour la mise en œuvre des MJIE concernant les familles de un enfant. « En tout état de cause », indique-t-il, le temps moyen pris en compte pour la tarification doit toujours être égal à 61 heures pour une MJIE concernant une famille d’un seul enfant et le prix de l’acte est déterminé en fonction d’un « ratio fratrie » (moyenne d’enfants par famille) établi structure par structure au regard de l’activité réalisée les années antérieures.

TEXTES APPLICABLES

 Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, art. 8, relative à l’enfance délinquante.

 Code de procédure civile, art. 1183.

 Code civil, art. 375.

 Arrêté du 2 février 2011, NOR : JUSF1105583A, J.O. du 25-02-11.

 Circulaire du 31 décembre 2010, NOR : JUSF1034029C, relative à la mesure judiciaire d’investigation éducative, B.O.M.J.L. n° 2011-01 du 31-01-11.

 Circulaire du 14 avril 2011, NOR : JUSF1111001C, modifiant la circulaire du 31 décembre 2010, B.O.M.J.L. n° 2011-04 du 29-04-11.

 Avenant n° 1 du 31 août 2011, NOR : JUSF1124412Q, à la circulaire du 7 février 2011 relative à la campagne budgétaire 2011 des établissements et services concourant à la mission de protection judiciaire de la jeunesse, B.O.M.J.L. complémentaire du 8-09-11.

LE RECUEIL DE RENSEIGNEMENTS SOCIO-ÉDUCATIFS

Dans le cadre pénal, le magistrat peut aussi requérir, uniquement auprès du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), une enquête plus rapide, intitulée depuis 1996 « recueil de renseignements socio-éducatifs » (RRSE).

Cette mesure consiste à recueillir des informations permettant au magistrat de prendre une décision dans des situations particulières, caractérisées par l’immédiateté (défèrement) ou dans un temps limité (convocation par un officier de police judiciaire).

Lorsque la détention provisoire du mineur est envisagée ou requise, le RRSE a pour objectif de faire des propositions éducatives immédiatement réalisables. Si le mineur est déjà connu des services éducatifs, l’éducateur chargé du RRSE doit prendre en compte les rapports écrits existants et associer les services ayant ou ayant eu en charge le suivi du mineur à l’élaboration des propositions éducatives qui seront présentées au juge.

Le RRSE doit aussi analyser l’impact du défèrement sur les actions d’éducation en cours et sur leur éventuelle adaptation. Ce travail d’analyse est conduit par les éducateurs chargés de la permanence éducative auprès du tribunal, en collaboration avec les professionnels en charge des mesures en cours et en liaison avec le juge qui suit la situation du mineur.

Dans l’hypothèse où le magistrat envisage la mise en détention, le service de la PJJ doit lui transmettre tous les éléments nécessaires à ce choix (personnalité du mineur, maintien des liens familiaux, projet éducatif possible à partir d’un lieu de détention, démarches de formation…).

Quel que soit le cadre procédural (convocation par un officier de police judiciaire, comparution à bref délai, procédure de présentation immédiate…), le recueil d’informations et l’élaboration des propositions éducatives doivent, autant que possible et dans le respect des délais impartis, associer l’ensemble des acteurs (membres de la famille, proches, services de milieu ouvert, placement de la PJJ, du secteur associatif habilité ou de l’aide sociale à l’enfance) afin que les propositions éducatives présentées au magistrat s’inscrivent dans le principe de l’interdisciplinarité.

Notes

(1) Voir ASH n° 2698 du 25-02-11, p. 22 et n° 2699 du 4-03-11, p. 23.

(2) Voir ASH n° 2729 du 21-10-11, p. 19.

(3) Relevons que cette disposition fait toujours référence au dispositif de l’enquête sociale et devra donc, à terme, être modifiée.

(4) Cet article fait allusion aux enquêtes sociales. Il devra donc, lui aussi, être modifié.

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