« Actuellement, près de 148 000 enfants et adolescents, en France, ne vivent pas avec leur famille » alors même que la Convention internationale des droits de l’Enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France en 1990, leur garantit ce droit. Tel est le constat dressé par Marie Derain, défenseure des enfants et adjointe au défenseur des droits, en préambule du premier rapport que cette institution consacre aux droits de l’enfant (1). Rendu public à l’approche de la journée internationale des droits de l’enfant du 20 novembre, le rapport a été remis au président de la République le lendemain par Dominique Baudis. Le défenseur des droits et son adjointe y formulent des propositions pour défendre et promouvoir les droits des enfants confiés ou placés.
Le placement provisoire de l’enfant à l’extérieur de sa famille, dans une famille d’accueil ou une institution, est une modalité de la protection de l’enfance, est-il tout d’abord rappelé. Décidé par le président du conseil général ou le juge des enfants, le placement vise à retirer temporairement le mineur de son milieu de vie habituel lorsque celui-ci n’est pas en mesure de garantir sa sécurité ou les conditions de son éducation. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a diversifié les modes et les rythmes d’accueil afin de les rendre plus souples et plus adaptés aux besoins des enfants, des adolescents et de leurs familles (2). « Malgré son objectif de protection et de sécurisation de l’enfant, le placement peut cependant se dérouler comme une succession de ruptures entre les modes et les lieux d’accueil », ces allers et retours s’avérant « déstructurants », relève le rapport, en citant en exemple un changement de famille d’accueil, l’entrée dans un établissement d’accueil collectif, le retour temporaire dans la famille d’origine ou encore des « navettes » entre celle-ci et le lieu de placement. « Ces séparations [qui] bouleversent l’enfant […] auront d’autant plus d’impact sur sa vie psychique et particulièrement sa capacité à créer de nouveaux liens confiants qu’elles auront été peu préparées et peu expliquées. »
Bien que les droits de l’enfant soient reconnus par les textes, leur mise en œuvre « connaît des ratés ». Les propositions de Dominique Baudis et de Marie Derain visent donc à renforcer leur usage dans le cadre des principes posés par la loi du 5 mars 2007, dont l’article 1er affirme que « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ». Les défenseurs recommandent en premier lieu d’éviter les ruptures répétées dans le parcours des enfants et de garantir la stabilité et la cohérence des actions dans tous les domaines de leur vie conformément aux articles 18 et 22 de la loi de 2007. Ainsi, ce sont ces principes de cohérence et de stabilité qui doivent guider le choix du lieu de vie de l’enfant et la constance de son séjour. Ces principes doivent également être une « préoccupation permanente » dans le domaine de la formation scolaire et professionnelle. Le rapport plaide aussi pour « l’organisation d’une orientation professionnelle efficace qui prenne en compte les dispositions et les souhaits des jeunes ». Autre recommandation : anticiper la fin du placement. Estimant que la préparation du retour en famille ou de la fin du placement est le « maillon faible de la protection de l’enfance », Dominique Baudis et Marie Derain proposent de « systématiser » une mesure d’accompagnement au retour et de « veiller au maintien des possibilités offertes par le contrat jeune majeur [3] sans négliger les jeunes les plus vulnérables ». Ils recommandent également d’intensifier l’implication et la participation des parents.
Le rapport propose par ailleurs d’élargir et de consolider l’accueil des adolescents qui rencontrent des difficultés particulières au sein des établissements et services à caractère expérimental prévus par la loi du 5 mars 2007. Face à la lente mise en place de ces structures, il recommande de soutenir leur développement et leur viabilité « en facilitant le pluri-financement dont ils ont besoin ». D’autres propositions visent à améliorer la connaissance du dispositif législatif et réglementaire de la protection de l’enfance et du parcours des jeunes accueillis : organiser une conférence de consensus, intensifier la mission de recueil et de suivi des informations relatives aux enfants par les observatoires départementaux de la protection de l’enfance et « réimpulser » la formation des professionnels aux droits de l’enfance, déjà prévue par la loi de 2007 mais inégalement mise en œuvre selon les départements.
« Peu coordonnées », les conditions d’accueil, de formation et d’intégration des mineurs isolés étrangers « méritent des améliorations certaines », estiment enfin Dominique Baudis et Marie Derain. Reprenant des recommandations formulées dans un rapport parlementaire remis au ministère de la Justice en mai 2010 (4), ils proposent la mise en place de plateformes territoriales pour coordonner les actions ou la création d’un fonds d’intervention destiné aux départements les plus touchés par l’accueil de mineurs isolés étrangers au sein du Fonds national de la protection de l’enfance (5). A plus long terme, les défenseurs plaident en faveur de l’organisation d’un apprentissage de la langue française « suffisamment long pour permettre la meilleure scolarité possible », de l’intervention de conseillers d’orientation spécifiquement formés et de la coordination des dispositions de la protection de l’enfance avec celles relatives à l’accueil et au séjour des étrangers.
(1) Enfants confiés, enfants placés : défendre et promouvoir leurs droits – Disponible sur
(3) Conclu avec l’aide sociale à l’enfance, ce contrat permet une prise en charge des mineurs émancipés et des jeunes majeurs de moins de 21 ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
(5) Sur la question de la répartition de l’accueil des mineurs isolés étrangers entre les départements, voir en dernier lieu ASH n° 2728 du 14-10-11, p. 16.