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Adoption définitive de la loi sur la répartition des contentieux et l’allégement des procédures

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Après un parcours législatif chaotique (1), la loi relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles a finalement été adoptée le 16 novembre. Largement inspirée du rapport « Guinchard » sur la répartition des contentieux (2), le texte comprend pêle-mêle des mesures touchant à la procédure pénale, à la sphère familiale, à la saisie des rémunérations ou encore aux conséquences de la résiliation du bail. La loi entrera en vigueur dès sa parution au Journal officiel. Présentation de ses principales dispositions, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel saisi par au moins 60 sénateurs.

Les dispositions relatives à la justice

Les parlementaires ont tout d’abord modifié les dispositions relatives à l’ordonnance pénale, une procédure simplifiée contradictoire permettant de juger certaines infractions sans comparution du prévenu et sans audience du tribunal. Pour le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, « un recours accru à l’ordonnance pénale constitue indéniablement un moyen pertinent pour mieux concentrer les moyens et matériels de l’institution judiciaire sur les affaires les plus complexes » (Rap. A.N. n° 3604, juillet 2011, Bonnot, page 130). Aussi le champ d’application de cette procédure a-t-il été étendu pour l’aligner sur celui des délits pouvant être jugés par le tribunal correctionnel statuant à juge unique. Pourront ainsi être jugés de la sorte les délits de vol, de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public, ou encore d’occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d’habitation. Les modalités de recours à l’ordonnance pénale sont aussi désormais encadrées de façon plus stricte. Le procureur de la République pourra en effet l’utiliser lorsqu’il résulte de l’enquête de police que les faits reprochés sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources du prévenu sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende supérieure à 5 000 € et – ce qui est nouveau – que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime. A noter : cette procédure ne s’appliquera pas aux personnes mineures.

Autre mesure adoptée : la possibilité de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à l’issue de l’instruction, et non plus seulement au terme d’une enquête préliminaire ou de flagrance. Le mis en examen devra avoir reconnu les faits et accepté la qualification pénale retenue par le juge d’instruction (3). En cas d’échec de la procédure, le prévenu est de plein droit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Les parlementaires ont aussi décidé que cette procédure serait désormais applicable à l’ensemble des délits, à l’exception des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes, d’agressions sexuelles et d’homicides involontaires (4).

Par ailleurs, l’autorité judiciaire pouvait jusqu’à présent enjoindre à une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants de se soumettre à une injonction thérapeutique, c’est-à-dire à une mesure de soins ou de surveillance médicale. La nouvelle loi étend désormais ce dispositif aux personnes ayant une consommation habituelle et excessive d’alcool. En outre, elle prévoit que, au-delà d’un examen médical général, l’intéressé devra, dans tous les cas, faire l’objet d’une évaluation sociopsychologique. Sans changement, la durée de la mesure d’injonction thérapeutique est de six mois, renouvelable trois fois.

Enfin, la nouvelle loi supprime, à compter du premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation, les juridictions de proximité. Les juges de proximité, eux, restent en poste : ils pourront exercer des fonctions de magistrat au sein des tribunaux de grande instance et être chargés de fonctions juridictionnelles dans un tribunal d’instance. Dans un certain nombre de cas détaillés par la loi, ces dispositions s’appliquent aux procédures en cours. En matière civile, la juridiction de proximité demeure compétente jusqu’au premier jour du septième mois suivant la date de disparition des juridictions de proximité, date à compter de laquelle les procédures concernées seront transférées au tribunal d’instance. En revanche, les affaires pénales en cours dont la juridiction de proximité a la charge sont immédiatement transférées au tribunal de police.

Les mesures concernant la famille

Dans le cadre d’une expérimentation de trois ans, la loi prévoit que, dans les tribunaux de grande instance qui seront désignés par arrêté du garde des Sceaux, les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée réglant les effets du divorce pourront être modifiées ou complétées à tout moment par le juge aux affaires familiales (JAF), à la demande du ou des parents ou du ministère public, ce dernier pouvant être saisi par un tiers, parent ou non. Sous peine d’irrecevabilité, et sauf exceptions, la saisine du juge devra toutefois être précédée d’une tentative de médiation familiale. Objectif pour le gouvernement : « permettre aux couples, en renouant le dialogue, de pacifier leur relation et de sortir d’une logique d’affrontement judiciaire ». De façon plus pragmatique, cette mesure devrait, selon lui, conduire à une baisse des saisines des JAF, ce qui « devrait se traduire par des gains d’emplois disponibles de magistrats et de greffiers » (5).

Afin d’améliorer la lisibilité des tarifs pratiqués en matière de divorce, les parlementaires ont acté le principe selon lequel les avocats devront conclure avec leurs clients une convention d’honoraires. Des barèmes indicatifs des honoraires, établis en fonction des usages de la profession, seront publiés et révisés tous les deux ans. Ces dispositions s’appliqueront à compter du premier jour du treizième mois qui suivra celui de la parution de la loi au Journal officiel, y compris aux affaires en cours à cette date.

Par ailleurs, la loi simplifie la procédure de changement de prénom d’un enfant mineur dans le cadre d’une adoption simple (6). Jusqu’à présent, contrairement à ce qui se fait en matière d’adoption plénière, les parents adoptifs devaient, à l’issue de la procédure d’adoption, engager une seconde procédure devant le JAF pour faire modifier les prénoms de l’enfant. Dorénavant, à la demande du ou des adoptants, le magistrat pourra y procéder au cours de la procédure d’adoption. Le jugement révoquant cette adoption ne remettra pas en cause la modification des prénoms.

Enfin, la loi prévoit que le mariage peut être célébré dans la commune où l’un des deux époux ou – ce qui est nouveau – le père ou la mère de l’un des deux époux aura son domicile ou sa résidence établie par au moins un mois d’habitation continue.

Les autres mesures

Depuis la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA), il est laissé au débiteur qui fait l’objet d’une saisie de ses rémunérations une fraction insaisissable égale au montant forfaitaire du RSA applicable à son foyer, et dont le niveau varie donc en fonction de la composition de sa famille et du nombre d’enfants à charge. Or, avant la loi, « cette fraction était fixée par référence au revenu minimum d’insertion pour un allocataire », ont rappelé les députés (Rap. A.N. n° 3604, Juillet 2011, Bonnot, page 66). Aussi s’agissait-il de « réparer cette erreur » et de revenir à une référence fixe, celle du « foyer composé d’une seule personne ». Cette disposition entrera en vigueur le premier jour du treizième mois qui suivra la promulgation de la loi. Celle-ci prévoit également que, en cas de pluralité de saisies, « les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sans que celles-ci puissent excéder un montant fixé par décret, sont payées prioritairement ».

Enfin, lorsque le juge prononce la résiliation du bail en raison de l’abandon du logement, il peut, si nécessaire, autoriser la vente aux enchères des biens laissés sur place et déclarer abandonnés les biens non susceptibles d’être vendus.

[Loi à paraître]
Notes

(1) Après le désaccord de la commission mixte paritaire réunie après une première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte a dû être de nouveau examiné par les deux chambres. Celles-ci n’étant pas parvenues à un texte de compromis, le dernier mot est donc revenu aux députés.

(2) Voir ASH n° 2657-2658 du 18-07-08, p. 17.

(3) Sauf exceptions, la détention provisoire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique ou le contrôle judiciaire de l’intéressé prennent alors fin.

(4) Jusqu’à présent, cette procédure s’appliquait aux délits punis d’une peine d’amende ou d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans.

(5) Selon une étude d’impact du projet de loi, 13 équivalents temps plein (ETP) de magistrats et 16 ETP de greffiers pourraient être dégagés avec la généralisation de la mesure, en partant de l’hypothèse qu’un tiers des 85690 médiations préalables réussiront.

(6) Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple laisse subsister des liens juridiques entre l’enfant et sa famille d’origine, tout en créant des liens de filiation entre l’adoptant et l’adopté.

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