La procédure d’évaluation pourrait-elle être un moyen de connaître et donc d’améliorer le niveau de qualification des équipes des établissements et services sociaux et médico-sociaux ? C’est en tout cas la piste suggérée par l’ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés), qui s’alarmait en janvier dernier de l’importance des « faisant fonction » dans certaines équipes éducatives à partir d’un recueil de témoignages de professionnels en poste (1). Un phénomène complexe – tout faisant fonction n’étant pas nécessairement une personne peu qualifiée (2) – mais qui, faute d’étude précise, reste mal connu et donc mal accompagné.
Pour améliorer sa connaissance, l’ONES demande donc à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) que soit intégré « de manière obligatoire » dans le processus des évaluations internes et externes des établissements « un relevé exhaustif de la qualification réelle du personnel ainsi que des décalages constatés avec ce qui est prévu dans le projet d’établissement ». Sur le fond, cet indicateur de qualification aurait un intérêt évident. Comme le souligne l’ONES, il permettrait d’identifier les disparités entre les territoires et entre les établissements d’un même type, d’éclairer le choix d’orientation des usagers et des familles, de renseigner les acteurs institutionnels (agences régionales de santé, conseils généraux, communes…) sur le niveau de qualification d’un service dans le cadre, par exemple, d’un appel à projet ou encore de faciliter la recherche sur les évolutions du secteur et des qualifications. L’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) approuve d’ailleurs la démarche de l’ONES, tout en insistant sur le fait que l’évaluation devrait aussi porter sur l’engagement des employeurs de qualifier le personnel en place en rappelant les possibilités offertes par la validation des acquis de l’expérience et la formation continue. « Si le nombre de travailleurs sociaux formés par les centres de formation a progressé de façon sensible ces dernières années, il y a toujours un volet de personnes non qualifiées dans les services et établissements. Il est possible de faire mieux, dès lors que les moyens suivent », souligne Pierre Gauthier, président de l’Unaforis.
« La question posée par l’ONES est une très bonne question au regard des réalités dans le champ de la protection de l’enfance, de l’hébergement pour adultes handicapés ou pour personnes en difficulté sociale et de l’aide à domicile », estime également Daniel Gacoin, directeur du cabinet Proéthique conseil. Néanmoins, il n’est pas sûr, selon lui, que la démarche d’évaluation soit le support le plus adéquat. « L’objet de l’évaluation est d’abord l’appréciation de l’activité et de la qualité des prestations délivrées à partir d’une étude des effets et des impacts des actions au regard des objectifs eux-mêmes examinés dans leur pertinence au regard des besoins. » Et si un indicateur renseignant la qualification peut en soi être intéressant, il reste néanmoins de second rang par rapport à l’objet principal déjà complexe à mettre en œuvre et sur lequel l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) a, selon lui, encore des progrès à faire tant au plan de la définition que de la méthodologie. Par ailleurs, recommander à un établissement, au terme, par exemple, d’une évaluation externe, d’augmenter le taux de qualification des personnels risque d’être un vœu pieux.
La mesure de la performance offre-t-elle un cadre plus adapté ? L’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) indique, en effet, que « la qualification des professionnels fait partie des données qui sont recueillies » dans le cadre du tableau de bord de pilotage des établissements pour personnes âgées ou handicapées actuellement testé et qui est conçu comme un outil de dialogue avec les agences régionales de santé et les conseils généraux (3). L’objectif étant de dégager des indicateurs qui pourront être retenus par la direction générale de la cohésion sociale comme des références pour le secteur social et médico-social.
(2) Unifaf, dans sa dernière enquête sur la filière éducative de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale, préfère d’ailleurs parler de « déprofessionnalisation » plutôt que de « déqualification », du fait notamment de la présence, à côté des diplômés du travail social, de diplômés de l’université ayant un niveau équivalent – Voir ASH n° 2699 du 4-03-11, p. 32.