Au détour d’un avis élaboré au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 (1), le député (PS) de Saône-et-Loire Christophe Sirugue livre une analyse critique de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Il pointe en particulier la lente montée en charge de la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) (2) et, plus généralement, le manque de moyens humains et financiers de la justice qui freine la mise en œuvre des nouvelles règles de prise en charge des majeurs protégés.
Alors que le gouvernement tablait sur un nombre de 30 000 MASP à l’issue de la montée en charge, les statistiques fournies par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale ne recensent que 3 777 mesures en 2009, contre 13 000 prévues, et 10 749 mesures effectives en 2010, contre 22 000 estimées (sur la situation qui prévaut dans l’Hérault, voir la rubrique « Vos idées », ce numéro, page 27). Pour Christophe Sirugue, plusieurs raisons expliquent ce retard. Tout d’abord, 2009 et 2010 ont été des « années de transition et d’ajustement » et le dispositif est encore mal connu des bénéficiaires potentiels. Surtout, « les départements ont majoritairement fait le choix de positionner ce dispositif comme un élément complémentaire des politiques d’aide et d’action sociales qu’ils mettaient déjà en œuvre, et non comme l’axe autour duquel s’organisent celles-ci », relève le député.
Le coût de la MASP s’avère en revanche plus élevé que prévu. « Du fait de la lenteur de la montée en charge du dispositif », son coût unitaire mensuel a même été « particulièrement élevé » en 2009 – 198,2 € – par rapport au coût à terme estimé à 136,1 €. Certains conseils généraux ont en effet « dû recruter des travailleurs sociaux, ce qui a engendré des coûts fixes importants au regard du faible nombre de mesures mises en œuvre ».
Pour améliorer le dispositif, le député propose notamment de mieux communiquer sur la MASP. Il préconise également de l’étendre à d’autres publics, en particulier les personnes âgées disposant de faibles retraites, les travailleurs à faibles revenus, les auto-entrepreneurs, les jeunes en premier emploi surendettés et, de façon générale, les personnes à faibles ressources qui ne sont aujourd’hui pas éligibles du fait qu’elles ne perçoivent pas de prestations sociales légales.
D’autres difficultés sont directement liées au manque de moyens de la justice. Ainsi, par exemple, lors de la révision des mesures de protection juridique prononcées avant l’entrée en vigueur de la loi – c’est-à-dire avant le 1er janvier 2009 –, 90 % d’entre elles sont reconduites par les juges, certainement, pour partie, en raison d’un manque de temps pour un examen approfondi. Du coup, alors que la réforme devait permettre le transfert d’un certain volume de dossiers du dispositif judiciaire vers les nouveaux dispositifs d’accompagnement social telle que la MASP, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Et, en tout état de cause, les juges ne devraient pas être en mesure de réviser dans les délais – soit avant le 31 décembre 2013 – les mesures judiciaires de protection prononcées avant le 1er janvier 2009, alors même que cette échéance a déjà été repoussée une fois (3). Un nouveau délai, quoique « regrettable » pour le député, s’avérera selon lui nécessaire. Pour le fixer, il faudra tenir compte, d’une part, du nombre d’équivalents temps plein de juges des tutelles et de greffiers qui pourraient être dégagés en renfort pour procéder à cette tâche et, d’autre part, du nombre de mesures de protection prononcées à compter du 1er janvier 2009 et qui doivent faire l’objet d’un réexamen cinq ans après leur ouverture, insiste le député.
Au-delà, Christophe Sirugue pointe le manque de pilotage national de la réforme, en partie liée, à l’époque, à la « restructuration des administrations sanitaires et sociales de l’Etat ». Aussi recommande-t-il de réaffirmer le rôle de chef de file de la direction générale de la cohésion sociale et de mettre en place des outils de suivi et d’analyse de cette politique.
Pour finir, le député de Saône-et-Loire s’attarde sur la situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs qui sont également préposés d’un établissement. En plus de gérer un nombre de dossiers important, ils peuvent « se trouver en situation de conflit de loyauté » du fait d’être à « la fois employé[s] de l’établissement (et de ce fait subordonné à son directeur) et chargé[s] des intérêts particuliers d’un des résidents ». Il prône dès lors « de favoriser la mutualisation de la protection des majeurs entre plusieurs établissements, de façon à distendre les liens entre le protecteur de la personne et le directeur de l’établissement qui la prend en charge ».
(1) Avis A.N. n° 3811, tome III, Sirugue, octobre 2011, dips. sur
(2) Tout majeur qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’il éprouve à gérer ses ressources peut bénéficier de cette mesure qui comporte une aide à la gestion de ses prestations sociales et un accompagnement social individualisé.
(3) La loi du 5 mars 2007 avait prévu un réexamen complet du stock des mesures avant mars 2010, une échéance reportée au 31 décembre 2013 par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit.