Les conclusions d’un rapport des inspections générales des finances (IGF) et des services judiciaires (IGSJ) sur l’organisation, les processus « métiers » et la charge d’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont été récemment rendues publiques (1). Un document qui complète deux précédents rapports sur le même sujet (2), commandés à la suite de l’« affaire Thierry Meilhon », auteur du meurtre d’une jeune fille dans Loire-Atlantique en janvier dernier. Pour les inspections, ces réflexions se révèlent d’autant plus utiles au regard de la « progression significative de l’activité des SPIP » due au développement des mesures d’aménagement de peine, de l’évolution de la population pénale et aux mobilisations récentes des personnels des SPIP criant leurs difficultés à absorber leur charge de travail. C’est dire que « la réforme engagée en 1999 ayant conduit à la création de ces services demeure inaboutie », estiment les auteurs, pour qui « les marges de progression sont à rechercher dans l’amélioration de la gestion des ressources humaines, de l’organisation et du management opérationnel des SPIP davantage que dans une augmentation de leurs effectifs ».
La création des SPIP est inaboutie « tant sur la définition du cœur de métier des personnels d’insertion et de probation que sur la coordination des acteurs de la chaîne pénale », relève le rapport. Face à la diversité des pratiques professionnelles constatées, « une normalisation de l’activité est nécessaire », estiment les auteurs. Or la définition d’un référentiel métier demeure « très largement inaboutie, principalement en raison de la diversité et des mutations des missions confiées par le législateur à ces services », soulignent-ils. « La forte évolutivité de la procédure pénale et de la politique d’aménagement de peine n’a pas permis une stabilisation des processus de prise en charge : depuis 1999, huit lois ont remodelé les contours des missions et des activités des SPIP. » Dans ce contexte, ces services « développent localement une forte capacité d’adaptation opérationnelle : en l’absence de protocoles de prise en charge normés, les SPIP modulent spontanément l’intensité du suivi et priorisent les tâches administratives […], voire renoncent totalement à certaines missions ». Une situation qui n’est « pas satisfaisante », déplorent les inspections. Aussi préconisent-elles une « standardisation accrue de l’activité des personnels d’insertion et de probation, centrée sur l’accompagnement individuel du détenu ». Elles suggèrent ainsi la mise en œuvre d’un planning de référence composé de trois blocs d’activité pondérés comme suit :
50 % du temps d’activité hebdomadaire au minimum et jusqu’à 60 % en milieu fermé à consacrer aux entretiens individuels d’accompagnement ;
entre 20 et 25 % du temps global d’activité pour les démarches d’accompagnement social des personnes placées sous main de justice. Des démarches qui, pour l’IGF et l’IGSJ, doivent avoir pour objectifs l’accès aux dispositifs sociaux de droit commun et l’autonomie de la personne. En revanche, doivent être écartés des missions des SPIP et confiés à des prestataires spécialisés l’orientation professionnelle et l’aide au retour à l’emploi, l’aide à l’hébergement et l’accompagnement des personnes sortant de prison ;
25 % du temps opérationnel au maximum dédié aux écrits et diverses tâches administratives.
Afin de faciliter l’application de ce planning, le rapport recommande la généralisation de certaines bonnes pratiques, telles que la mise en œuvre systématique de l’entretien d’accueil « dans un délai rapide » (15 jours, par exemple) avec une affectation rapide de chaque dossier à un conseiller d’insertion et de probation, affectation qui doit être décidée ou validée par le chef de service. Pour les inspections, cette affectation devrait intervenir sur la base d’un critère de charge d’activité et, dans la mesure du possible, d’un critère de spécialisation géographique (3).
Autre préconisation du rapport : généraliser le suivi différencié (4) après diagnostic de la situation individuelle des détenus, sous le contrôle du SPIP et du juge de l’application des peines. Dans ce cadre, estiment l’IGF et l’IGSJ, le diagnostic à visée criminologique, qui consiste à prendre en compte un ensemble de critères visant à repérer un éventuel risque de récidive, prend tout son sens. Un outil qui sera généralisé à compter du 1er mars 2012 (voir ce numéro page 16).
Afin d’éviter les ruptures de prise en charge des personnes condamnées à une peine mixte (peine ferme assortie d’une mise à l’épreuve), les auteurs préconisent la mise en place « rapide »d’une procédure d’alerte avant la libération et de convocation après la libération du détenu devant être suivi en milieu ouvert. L’IGF et l’IGSJ considèrent qu’il doit être reçu « immédiatement » après sa libération par l’antenne SPIP du milieu ouvert ou le service de l’application des peines.
« La direction de l’administration pénitentiaire [DAP] connaît mal les dépenses qu’elle consacre aux SPIP », constatent les deux inspections, qui regrettent que la répartition des moyens budgétaires par la direction s’effectue essentiellement sur la base de critères liés aux établissements pénitentiaires alors que la population prise en charge en milieu ouvert par les SPIP représente près de 75 % de la population placée sous main de justice au 1er janvier 2011. L’IGF et l’IGSJ recommandent donc à la DAP de revoir ses priorités au profit des missions d’insertion et de probation et d’introduire des critères relatifs à l’activité des SPIP dans l’allocation des moyens de fonctionnement. Pour que les SPIP fonctionnent bien, les auteurs considèrent que l’effectif de référence des personnels doit être compris entre 2 930 et 3 000 équivalent temps plein (ETP). Et que le ratio de charge d’activité doit être fixé à 86 personnes suivies en milieu ouvert par personnel d’insertion et de probation et à 73 en milieu fermé (contre un ratio moyen national actuel de 82). Si elles estiment que « le niveau actuel des effectifs de personnels d’insertion et de probation est globalement adapté » (5), l’IGF et l’IGSJ plaident néanmoins pour la mise en place d’équipes mobiles de renfort afin de répondre aux pics d’activité. Composées d’agents titulaires, « de préférence expérimentés », celles-ci pourraient intervenir sur des périodes de longue durée (trois à six mois par exemple), « les pics d’activité sur une durée plus courte devant être absorbés par la recherche d’une réorganisation de la charge d’activité ». Selon les projections du rapport, cela correspondrait à la création de 88 ETP et à un budget de 1,1 million d’euros.
Par ailleurs, les inspections déplorent que « les processus d’activité des SPIP ne soient pas précisément connus au niveau national », les missions qui leur sont confiées apparaissant ainsi « multiples et peu hiérarchisées ». « La réforme récente du statut des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation a [certes] conduit à une clarification de leurs missions [6], mais pas à une redéfinition précise des processus métiers », soulignent-elles.
(1) Les services pénitentiaires d’insertion et de probation – Juillet 2011 – Disponible sur
(3) Selon le rapport, l’affectation d’une personne à un conseiller qui l’aurait suivi dans le passé « n’est pas nécessairement souhaitable », notamment si un acte de récidive a été commis depuis. La continuité du suivi reposera surtout sur la transmission du dossier.
(4) Celui-ci pourrait être décliné sous quatre formes : suivi normal, suivi renforcé, suivi allégé et suivi administratif.
(5) Selon les inspections, les moyens alloués aux SPIP ? ont augmenté plus vite (+ 45 % pour la dépense de personnel et + 43 % pour les crédits de fonctionnement) que le nombre des personnes suivies (+ 16,5 % entre 2006 et 2011).