La condamnation d’un homme ayant hébergé son gendre en situation irrégulière, suivie d’une dispense de peine, ne constitue pas une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Tel est le sens de l’arrêt rendu le 10 novembre par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) concernant un ressortissant marocain résidant depuis plus de 30 ans en France.
En août 2003, sa fille s’est mariée avec un ressortissant marocain résidant au Maroc. Tous deux ont entrepris des démarches au titre du regroupement familial afin que le conjoint puisse rejoindre sa femme en France. En 2005, ce dernier est entré régulièrement en France puis est resté vivre, malgré l’expiration de son visa de trois mois, chez la famille de son épouse alors enceinte. A la suite d’une dénonciation, le père – chez qui les deux époux demeuraient – a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour aide au séjour irrégulier d’un étranger, infraction pénale prévue par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) (1). Il a été reconnu coupable mais a toutefois été dispensé de peine, les autorités ayant entre-temps accepté la demande de regroupement familial formée par sa fille et son gendre. L’article 132-59 du code pénal prévoit en effet qu’une dispense de peine peut être accordée « lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé ».
La CEDH relève tout d’abord que le délit était bien constitué au regard de la loi – « qui est au demeurant suffisamment claire et prévisible », précise-t-elle –, et que le tribunal correctionnel ne pouvait que statuer dans le sens de la responsabilité pénale du requérant. Ce, d’autant plus que, « en dépit du lien familial qui l’unit à son gendre », le requérant n’entrait pas dans la catégorie des personnes visées à l’article L. 622-4 du Ceseda qui prévoit une impunité pour les membres de la famille les plus proches de l’étranger en situation irrégulière, à savoir ses ascendants, ses descendants, ses frères et sœurs ainsi que son conjoint ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui. La Cour rappelle ensuite que, « tenant compte des circonstances particulières de l’espèce et du comportement du requérant […] dicté uniquement par la générosité », le tribunal correctionnel a assorti sa déclaration de culpabilité d’une dispense de peine, par application de l’article 132-59 du code pénal. Dès lors, poursuivent les juges de Strasbourg, « les autorités ont ménagé un juste équilibre entre les divers intérêts en présence, à savoir la nécessité de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions pénales, d’une part, et de protéger le droit du requérant au respect de sa vie familiale, d’autre part ». Et de conclure, en conséquence, à la non-violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
(1) Cet article dispose que toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.