En 1976, dans Les enfants d’abord, la romancière et essayiste Christiane Rochefort (1917-1998) donnait une définition personnelle de la « misopédie », entendue comme l’attitude d’une société d’adultes qui opprime ses enfants. Dans les Essais sur la misopédie qu’ils ont coordonnés, Laurent Ott et Nicolas Murcier reprennent cette acception. Dénonçant le mythe de l’enfant-roi, les deux éducateurs s’emploient à attester du mauvais sort réservé aux enfants. Au niveau juridique, par exemple, non seulement les droits reconnus à la jeune classe n’ont pas toujours d’effectivité, mais en outre « le discours sur les droits nombreux – trop nombreux – donnés aux enfants vise en vérité à légitimer une affirmation sans précédent de leurs devoirs et responsabilités », estime Christophe Daadouch, juriste et formateur en travail social. Et de pointer, à cet égard, le durcissement de la législation pénale applicable aux mineurs délinquants. Pas d’enfant-roi non plus à l’école, affirme Sylvain Grandserre, enseignant, pour qui l’institution scolaire est plus soucieuse de normalisation que d’éducation à l’autonomie. Même constat dans les structures de loisirs, où Laurent Ott pointe un retour « à des “compétences”, ou des normes de comportement à transmettre », au détriment d’un véritable accompagnement éducatif. Mais pourquoi, alors, cette thématique de l’enfant-roi occupe-t-elle le devant de la scène ? Peut-être parce que les adultes en ont besoin « pour maintenir leurs illusions d’adultes, réfractaires à accepter les dures réalités de l’existence en se projetant dans cette figure illusoire et idéalisée d’un enfant tout puissant qui échappe à l’incomplétude humaine », avance la psychanalyste Simone Korff-Sausse.
Le mythe de l’Enfant-roi. Essais sur la misopédie – Sous la direction de Laurent Ott et Nicolas Murcier – Ed. Philippe Duval – 19 €