Venu à Calais pour un tournage de trois mois, Sylvain George a finalement passé près de trois ans auprès des migrants qui attendent de rejoindre l’Angleterre. Il en a tiré un documentaire, Qu’ils reposent en révolte. Pas de misérabilisme ici. L’affiche – un homme, capuche relevée, le visage recouvert par une écharpe – donne le ton : le migrant est davantage un combattant en armure qu’un pauvre vagabond. Cette impression est encore accentuée par le sous-titre, Des figures de guerres. Tout au long des images est montrée, en effet, la résistance de ces hommes à qui « les Etats européens livrent une véritable guerre » : le film s’ouvre sur la descente de CRS dans un parc de Calais et se clôt par le démantèlement de la « Jungle », quand les bulldozers détruisent les cabanes de fortune élevées par les migrants. Plusieurs récits de voyage donnent à entendre les épreuves par lesquelles sont passés ces voyageurs piégés à Calais. Une scène illustre même d’une manière poignante jusqu’où ils sont prêts à aller pour atteindre la « terre promise » : des migrants chauffent à blanc des vis et se les appliquent sur le bout des doigts pour effacer leurs empreintes. Primé à plusieurs reprises dans des festivals du cinéma documentaire, ce film fait le pari d’une esthétique très travaillée, presque poétique : le noir et blanc met le spectateur à distance et, en même temps, intensifie le propos. Les plans consacrés à la nature et au passage des saisons ponctuent les récits et donnent à ressentir l’attente infernale imposée à ceux qui sont prêts à tout pour gagner l’Angleterre. Rançon de cet esthétisme, la durée du documentaire : au bout de deux heures et demie, le spectateur sent lui aussi le temps passer…
Qu’ils reposent en révolte – Sylvain George – En salles le 16 novembre