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Revenu citoyen : il en existe un

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L’idée d’un revenu universel resurgit régulièrement. Ses dénominations, contenus et objectifs varient : dividende universel, revenu d’existence, allocation universelle, revenu de citoyenneté, etc. Le sujet a été de nouveau activé, au printemps, avec la proposition d’un « revenu citoyen » par Dominique de Villepin. Il est également, depuis des années, en bonne place des idées soutenues par Christine Boutin. En revanche, la gauche ne compte pas, en France, de personnalités politiques de premier plan défendant une telle option. Celle-ci, souvent moquée, mérite un examen attentif et sérieux.

D’un montant mensuel de l’ordre de 850 €, le « revenu citoyen » de Dominique de Villepin est présenté comme « un socle pour construire une vie digne et libre ». La prestation serait – sur le modèle du RSA – dégressive jusqu’à un niveau médian de revenus, autour de 1 500 €. Accompagné de la création d’un « statut du citoyen », ce revenu serait associé à une obligation de voter et de poursuivre une activité, couplé à une réforme profonde de la fiscalité et financé notamment par un redéploiement des aides existantes.

Techniquement, la chose n’est pas forcément compliquée. Par exemple, pour faire du RSA une allocation universelle, il faudrait en supprimer les deux caractères subsidiaire et différentiel, tout en l’ouvrant, au moins, à tous les majeurs de moins de 25 ans. Derrière une telle phrase, ce sont des dizaines de milliards d’euros. Le projet de « revenu citoyen » de Dominique de Villepin est d’ailleurs estimé à 30 milliards d’euros…

Une entrée originale dans ce dossier – plutôt que de verser, d’une part, dans les polémiques récurrentes autour du RSA et de l’« assistanat » et, d’autre part, dans les condamnations instantanées sur les autels de l’utopie et de la démagogie – consiste à étudier l’unique système existant de revenu universel : le « dividende permanent » instauré en Alaska. C’est le gouvernement républicain de cet Etat américain qui a mis en place à la fin des années 1970 l’Alaska Permanent Fund. Celui-ci permet à tout habitant de tout âge vivant en Alaska depuis six mois de toucher annuellement une somme forfaitaire (sauf pour les personnes éligibles emprisonnées).

On rétorquera que les fondements du « revenu citoyen » et du « dividende permanent » n’ont pas nécessairement grand-chose à voir. C’est probable. Reste que le sujet premier n’est pas forcément la visée, mais son financement.

Le fonds de l’Alaska repose sur les richesses naturelles d’un Etat dont le budget, au début des années 1970, a été multiplié par neuf avec les ressources fiscales tirées des nouvelles concessions pétrolières. C’est pour que les revenus tirés des ressources naturelles soient affectés « au profit de tous les habitants » mais aussi, fondamentalement, pour ne pas développer l’Etat providence que les élus ont choisi la voie d’une allocation uniforme versée directement aux gens. Le dividende fait désormais partie du paysage et de l’identité de l’Alaska. Sensible aux fluctuations des cours, son montant a été plus faible ces dernières années en raison de la crise financière. Ainsi, à la fin de 2010, ont été versés 1 281 dollars à chacun des 640 000 habitants de l’Alaska.

Cette somme, qui peut sembler dérisoire aux nantis, est importante. Certes, pour un individu isolé, elle ne représente que 20 % du RSA « socle » (l’ex-RMI), mais, pour une famille de deux parents et deux enfants, le montant versé en 2010 aura été de 5 124 dollars. Ce dividende « familial » représente 3 600 €, à un niveau deux fois et demi plus élevé que les allocations familiales françaises ! On dira qu’il faut raisonner, techniquement, en parité de pouvoir d’achat. Mais en réalité la précision ne changerait pas grand-chose.

Que retenir d’une prestation aussi exotique ? La philosophie du dispositif, sur laquelle se greffent des controverses sans fin sur les niveaux de contrepartie attendue des bénéficiaires et sur les effets désincitatifs en matière d’emploi, appelle d’abord une optique claire.

Il existe trois options. Avec un outil de ce type, certains veulent compléter le système public de redistribution. D’autres y voient un recours pour remplacer l’Etat providence. D’autres, encore, souhaitent le réorienter, en réformant le système en place. La première option est d’un coût absolument astronomique, que l’état des finances publiques, à défaut de découverte de colossales réserves de pétrole, ne permet pas de considérer raisonnablement un seul instant. La deuxième est inimaginable en France. La troisième est celle qui prévaut dans les projets français. Elle appelle une refonte intégrale de l’architecture des prélèvements et des prestations. Une « révolution fiscale », comme disent d’autres auteurs. Au double nom, donc, de l’efficacité et de la dignité, des arbitrages essentiels seraient à faire. Et le vrai sujet est qu’il importe avant tout de préciser lesquels…

Le point de vue de…

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