Comment penser et agir avec des hommes et un nombre croissant de femmes soumis à la violence d’être à la rue, qui cumulent problèmes sociaux, psychiatriques et toxicomaniaques ? C’est à l’aune de ce questionnement que le psychiatre Jean-Pierre Martin, chef de service d’un secteur du centre de Paris, revisite ici sa pratique – une pratique qui ne veut laisser personne au bord de la route. Centrée sur l’approche des précaires que sont les sans-abri et les errants, la « clinique nomade » exposée par le praticien se caractérise par l’« aller vers ». Condition de toute rencontre avec les personnes « enfermées à la rue », l’écoute des intéressés et l’attention globale qui leur est portée constituent les premiers pas vers un possible accès aux soins. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’opposer le « care » au « cure », mais de les conjuguer, précise Jean-Pierre Martin, qui fustige la définition néolibérale d’un acte de soin réduit à la seule expertise médicale du diagnostic-traitement. Or, outre le temps nécessaire pour faire lien avec les précaires, le « prendre soin » défendu par le clinicien concerne aussi des partenaires du sanitaire et du social mobilisés auprès des exclus. Travail relationnel multiple, ce travail de réseau autour de sujets en souffrance suppose une formation éthique, souligne Jean-Pierre Martin. Et d’inviter notamment à se défier du risque de psychologiser ou de médicaliser la situation d’errance, et du danger de brouiller les limites de la structure de soin en la fondant dans le social.
La rue des précaires. Soins psychiques et précarités – Jean-Pierre Martin – Ed. érès – 23 €