Une réponse « sécuritaire, répressive, comportementale », selon les CEMEA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active), et un dévoiement des moyens, pour la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant). La proposition de loi « Ciotti » « visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants », adoptée le 12 octobre par les députés (1), renforce les inquiétudes du secteur éducatif sur l’avenir de la justice des mineurs.
Le texte détourne les EPIDE (établissements publics d’insertion de la Défense) de leur objectif initial, qui est d’assurer l’insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes volontaires de 18 à 25 ans, critique la CNAPE. En étant ouverts à des mineurs de 16 ans délinquants, placés par l’autorité judiciaire, ils verraient leur missions, leurs projets éducatifs et pédagogiques modifiés. C’est également l’avis de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, qui rappelle que les EPIDE ne proposent pas « un encadrement militaire » mais civil « avec des valeurs militaires » (2). Elle craint que, déjà soumis à un nombre croissant de demandes non satisfaites, ce dispositif ne soit « fragilisé par l’accueil de mineurs délinquants ».
Autre grande inquiétude de la CNAPE : en affirmant qu’« entre la prison et la rue, il n’y a pas suffisamment d’alternatives », l’exposé des motifs de la proposition de loi « nie l’ensemble des dispositifs éducatifs existants et fait fi des innovations et adaptations apportées au fil du temps par les associations habilitées ». Pourtant, des réponses diversifiées existent, comme le stage de citoyenneté, la réparation pénale, les centres éducatifs renforcés ou les centres éducatifs et professionnels, « qu’il conviendrait d’évaluer, d’optimiser en apportant les adaptations nécessaires ».
L’instauration de ce « service citoyen » risquerait donc à la fois d’appauvrir le dispositif « Défense deuxième chance » et de détourner des moyens de la justice au détriment d’autres dispositifs, comme le milieu ouvert, dénonce la CNAPE. Autant de raisons qui devraient conduire les sénateurs à rejeter le texte, selon l’organisation.
Le 19 octobre, la commission des lois du Sénat a d’ailleurs adopté une question préalable ayant pour effet de rejeter le texte. Celle-ci sera soumise à la Haute Assemblée le 25 octobre en séance publique.
(2) Ces établissements publics administratifs sont placés sous la tutelle des ministères de la Défense, de l’Emploi et de la Ville. Le personnel pédagogique d’encadrement est composé d’anciens militaires et d’enseignants de l’Education nationale, d’éducateurs spécialisés et d’accompagnants en charge de l’insertion professionnelle.