UN DISPOSITIF AMBIGU.
C’est à une véritable archéologie de la parentalité que se livre Gérard Neyrand, qui décortique la façon dont cette notion, apparue dans les années 1990, est devenue un « analyseur privilégié des mutations sociales et familiales » contemporaines. Jusqu’à la fin du XXe siècle, explique le sociologue, parler publiquement des rapports entre les parents et leurs enfants ne nécessitait pas de recourir à un vocabulaire particulier. Ce n’est que lorsque la relation parentale a perdu son statut d’évidence du fait de la multiplication des séparations, c’est-à-dire aussi de celle des foyers monoparentaux et des familles recomposées, que le terme « parentalité » s’est imposé pour réaffirmer la place nodale du lien parent-enfant. Parallèlement, on a assisté au développement d’un ensemble de pratiques centrées sur le rapport à l’enfant – pivot de la famille –, qui oscillent entre deux logiques : celle du soutien aux parents, avec pour mots d’ordre l’accompagnement, la coéducation et la prévention prévenante, et celle du contrôle, assortie de la dénonciation de la démission parentale et de la volonté de recadrer, voire de redresser les parents. C’est bien là toute l’ambiguïté du dispositif de gestion sociale de la famille, dont l’auteur analyse les différentes dimensions et implications. Précisément, au rang des implicites qu’il entend mettre à jour, Gérard Neyrand attire l’attention sur deux risques : le « déni de l’inscription sociale de la parentalité », qui conduit à négliger l’influence des itinéraires de socialisation des parents et de leurs conditions de vie sur la façon dont ils remplissent leur fonction ; et la « tentation naturaliste » qui, sous l’étiquette neutralisante de « parentalité », reproduit une conception très classique du rôle de chacun des parents.
Soutenir et contrôler les parents. Le dispositif de parentalité – Gérard Neyrand – Ed. érès – 10 €