Le conseil général de Seine-Saint-Denis a remporté une première victoire dans le dossier de la prise en charge des mineurs isolés étrangers, mis en lumière depuis sa décision, le 1er septembre, de ne plus accueillir de nouveaux jeunes sans aide de l’Etat (1).
Le département, l’un des plus pauvres de France et particulièrement exposé à l’afflux de ces publics vulnérables du fait de la proximité de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en prend en charge près d’un millier. Le 5 octobre, lors d’une rencontre avec le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), le garde des Sceaux lui a confirmé la mise en place d’un système de répartition plus homogène : désormais, le conseil général de Seine-Saint-Denis n’accueillera plus qu’un mineur isolé sur dix, les autres seront orientés par le parquet de Bobigny vers une vingtaine de départements du grand bassin parisien, à l’exception de Paris. Le conseil général, qui a, dès le 10 octobre, repris la prise en charge de ce public selon ces nouvelles modalités, a par ailleurs obtenu de l’Etat 200 000 € pour le pôle d’évaluation mis en place avec la Croix-Rouge. Ces avancées, selon son président, Claude Bartolone (PS), ne doivent pas cependant occulter la nécessité d’une mobilisation interministérielle pour aborder « toutes les dimensions » de la prise en charge et de l’insertion des quelque 6 000 mineurs isolés présents en France.
Au-delà du système de « péréquation », le ministre a annoncé « la mise en place d’un groupe de travail conjoint avec les représentants de l’Assemblée des départements de France », indique l’ADF, précisant qu’il est prévu que ce dernier soit ouvert aux autres ministères concernés (Intérieur, Affaires sociales). L’assemblée, qui en appelle à la responsabilité du gouvernement, compétent au titre des politiques migratoires et de l’accueil humanitaire, souhaite que le Fonds national de protection de l’enfance soit sollicité pour soutenir les collectivités les plus exposées à l’afflux des mineurs isolés. Une demande soutenue par le département de Paris, également présent lors de la réunion du 5 octobre, qui fait, par ailleurs, valoir « le caractère d’urgence » de la situation à laquelle il est également confronté : 1 700 mineurs isolés sont pris en charge dans ses services d’aide sociale à l’enfance.
Les associations restent, pour leur part, dubitatives. « La complexification annoncée des procédures ne paraît pas en mesure d’améliorer une situation où l’intérêt supérieur de l’enfant semble s’effacer au profit de considérations purement administratives », s’inquiètent la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), France terre d’asile et Unicef-France. Elles réitèrent leur demande d’une table ronde avec tous les acteurs concernés « afin d’aboutir à un plan national qui devra, enfin, apporter une réponse cohérente et adaptée à ces jeunes en situation de grande vulnérabilité ». Des solutions ont déjà été proposées dans différents rapports, comme la constitution d’un fonds d’aide aux départements ou la mise en place de plateformes régionales d’accueil, rappellent le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), Hors la rue ou encore La voix de l’enfant. Lesquels, à l’instar des professionnels de la justice, ont regretté que ce bras de fer ait entraîné la remise à la rue de dizaines de jeunes. Il appartient désormais à l’Etat, défendent-elles, d’adopter « une stratégie concertée et de dimension nationale qui permettrait à la France de respecter ses engagements internationaux ».