Dans une lettre ouverte au garde des Sceaux du 10 octobre, le Syndicat de la magistrature et l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) lui demandent de reculer sur ses amendements à la proposition de loi « Ciotti » « visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants » (voir ce numéro, page 5). Examinée en urgence, le texte, qui devait être adopté le 12 octobre, modifie certaines dispositions de la justice des mineurs.
Premier motif d’inquiétude : la façon dont le gouvernement s’empare de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet dernier sur la composition des tribunaux pour enfants (1). Selon celle-ci, le magistrat spécialisé ne peut, au nom du principe d’impartialité, présider le tribunal pour enfants vers lequel il renvoie le mineur dont il a instruit l’affaire. Alors que la Haute Juridiction demande une réforme en ce sens avant le 1er janvier 2013, « les amendements optent pour un expédient » consistant à prévoir que la présidence du tribunal pour enfants ou du tribunal correctionnel des mineurs peut être assurée par un juge des enfants d’un autre tribunal du ressort de la cour d’appel. Au lieu d’une réflexion approfondie, cette proposition de « mutualisation » fait l’économie de deux paramètres, relèvent les organisations de magistrats. Elle passe outre « la manière dont des juges des enfants, déjà asphyxiés avec des greffes insuffisants, pourront désormais aller juger les dossiers dans des tribunaux distincts », de même que « la façon dont ils trouveront le temps nécessaire pour préparer les dossiers et se coordonner entre professionnels au sujet de mineurs qu’ils ne connaissent pas ».
Un autre amendement vise à contourner la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 4 août invalidant la saisine directe du tribunal correctionnel des mineurs par le procureur de la République (2). Le texte prévoit désormais que le parquet pourra, dans le cadre de la procédure de présentation immédiate, « requérir du juge des enfants qu’il renvoie le mineur devant le tribunal correctionnel des mineurs dans le délai de dix jours à un mois, ce qui équivaut exactement à la procédure de convocation par officier de police judiciaire censurée ». Comment les « procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral » – exigences rappelées par la Haute Juridiction dans sa décision du 4 août – pourront-elles être menées dans un délai aussi court ?, s’interrogent les signataires. Ils demandent que la décision du Conseil constitutionnel soit respectée et qu’une réflexion s’engage sur la manière « d’organiser désormais les tribunaux pour enfants dans le respect des principes d’une justice des mineurs spécialisée » (3).
(3) Sur les propositions de l’AFMJF, voir ASH n° 2727 du 7-10-11, p. 16.