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« Préserver la continuité éducative de la justice des mineurs »

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En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a mis fin au cumul des fonctions d’instruction et de jugement des juges des enfants (1). L’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) propose des solutions pour sauver la spécificité de la justice des mineurs, explique sa présidente, Catherine Sultan.

Comment la décision du Conseil constitutionnel a-t-elle été accueillie ?

La décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet sur l’impartialité du juge des enfants a suscité beaucoup d’incompréhension : elle contredit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, selon laquelle les garanties du procès équitable et impartial souffrent des exceptions s’il s’agit de privilégier l’intérêt de l’enfant. Elle met fin à la possibilité pour le magistrat spécialisé de présider le tribunal pour enfants vers lequel il renvoie un mineur qu’il a suivi pendant la phase d’instruction. Aujourd’hui, ce système bénéficie la plupart du temps au mineur, la présence de deux assesseurs spécialisés pouvant en outre contrebalancer la « partialité » du juge. Et il arrive que, dans des affaires très compliquées, les magistrats passent le relais pour conserver leur juste place. Si le Conseil constitutionnel demande qu’une réforme soit engagée pour 2013, les avocats pourraient d’ores et déjà contester la régularité des procédures actuelles en invoquant leur inconstitutionnalité, comme ce fut le cas pour la garde à vue. Compte tenu de l’étroitesse de notre marge de manœuvre, nous avons voulu, dans un réflexe salutaire, formuler des propositions.

Quelles sont-elles ?

Si l’on doit sacrifier la « continuité personnelle » du magistrat, nous voulons préserver la continuité éducative en préconisant la généralisation des « binômes » constitués de deux juges des enfants. Chacun jugerait « les mineurs de l’autre », ce qui pourrait favoriser la concertation et renforcer l’utilité du « dossier unique de personnalité ». Celui-ci a été prévu par la loi « Mercier » du 10 août 2011 (2), mais dans l’intention d’accélérer le jugement. Faute de moyens et dans l’attente d’un décret, il se met pour l’instant en place de manière artisanale. Reste que ce principe du binôme, que certaines cours d’appel ont déjà demandé, nécessiterait trois juges des enfants par tribunal, alors que beaucoup n’en ont qu’un. Une autre piste est la « césure » de la procédure pénale que nous défendons pour les mineurs. Celle-ci restreindrait le champ de la réforme : dans les affaires où la question de la culpabilité serait résolue dès la première audience, sans phase d’instruction nécessaire, le magistrat saisi initialement pourrait rester compétent jusqu’au bout.

Cette césure n’a-t-elle pas été intégrée dans la loi du 10 août ?

Telle qu’elle est prévue, son esprit est totalement contradictoire avec ce que nous demandions ! Notre idée était que le juge se prononce dans un premier temps sur la culpabilité du mineur, et qu’à l’issue d’un délai d’épreuve permettant le travail d’investigation et des actions éducatives, il choisisse de juger le mineur en cabinet ou devant le tribunal pour enfants qui peut prononcer des peines.

Dans notre proposition, la césure distingue la question des faits de celle du parcours et de la personnalité pour renforcer l’individualisation de la réponse. Dans la nouvelle loi, la césure dépend de la décision du parquet : elle est conçue pour contourner l’intervention du juge des enfants et saisir directement et rapidement le tribunal pour enfants.

Les juges des enfants se sentent-ils globalement affaiblis ?

La loi du 10 août a provoqué un grand désarroi dans les tribunaux. Le juge des enfants perdure, mais tout ce qui fait son savoir-faire – son travail de cabinet en présententiel – est nié. Parce que les procédures, conçues pour servir les valeurs du droit pénal des mineurs, sont directement attaquées, il sera plus difficile de continuer de travailler selon la lecture initiale de l’ordonnance du 2 février 1945. La mise en place des tribunaux correctionnels pour mineurs, dès 2012, va aggraver la situation. Le Conseil constitutionnel a légèrement modifié la loi en refusant que cette juridiction puisse être saisie selon la procédure rapide. Mais un amendement à la proposition de loi « Ciotti » sur le service citoyen des mineurs délinquants, actuellement en discussion au Parlement, introduit la possibilité de contourner cette décision.

Notes

(1) Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 6.

(2) Sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

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