Les chiffres du suicide des enfants sont sous-évalués, affirme le neuropsychiatre Boris Cyrulnik dans un rapport remis le 29 septembre à Jeannette Bougrab (1). Seuls les suicides évidents sont comptabilisés, un certain nombre de passages à l’acte étant interprétés comme des accidents (enfant qui se penche par la fenêtre…) ou le résultat de jeux dangereux (jeu du foulard…). Ainsi, en 2009, 37 suicides d’enfants de moins de 14 ans ont été répertoriés par l’Inserm, contre 526 chez les 15-24 ans, tranche d’âge où le suicide constitue la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route. De son côté, le secrétariat d’Etat chargé de la jeunesse indique que le suicide représentait 3,8 % des causes de décès chez les enfants de 5 à 14 ans en 2008.
Pour Boris Cyrulnik, plus encore que chez les adolescents, le suicide des enfants relève d’une pulsion déclenchée par un événement en apparence anodin. Une mauvaise note à l’école, sans être la cause du suicide, peut ainsi être un facteur déclenchant. Les enfants qui ne grandissent pas dans un univers sécurisant et subissent des carences sensorielles précoces (dépression des parents, violences conjugales…) ont une vulnérabilité émotionnelle propice à un passage à l’acte, explique le neuropsychiatre. Une première partie de ses recommandations cible donc la période autour de la naissance. Il préconise notamment de stabiliser les interactions précoces en fin de grossesse et au cours des premiers mois de la vie, de soutenir le couple parental par le biais des congés maternels et paternels, de lutter contre les ruptures affectives répétées et de donner une cohérence aux métiers de la petite enfance via la création d’une « université de la petite enfance ». Pour améliorer la prévention, il recommande en outre de donner une formation continue commune aux médecins, infirmières, psychologues, éducateurs, enseignants et bénévoles. Un autre axe de préconisations porte sur l’école où, selon Boris Cyrulnik, la souffrance des enfants est fréquente. Il recommande ainsi notamment d’adapter les rythmes scolaires aux rythmes biologiques de l’apprentissage, de retarder la notation, de lutter contre le harcèlement entre enfants. Il plaide par ailleurs pour le renforcement des cultures de quartier avec des loisirs partagés. Un dernier volet de recommandations concerne la culture.
Ces préconisations seront expertisées dans le cadre du comité de pilotage du programme d’actions contre le suicide (2), a fait savoir la secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse.
(1) Quand un enfant se donne la mort – Editions Odile Jacob – 19 €.