« Le gouvernement cède enfin. » S’il préfère rester prudent, le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone (PS), se félicite des annonces du préfet du département sur la question des mineurs isolés étrangers. Après avoir adressé un ultimatum à l’Etat, resté sans réponse, le conseil général avait, le 1er septembre, décidé de ne plus accueillir de nouveaux jeunes en errance, refusant d’assumer seul un problème national (1). La protection judiciaire de la jeunesse réaffirmant de son côté son recentrage sur les mesures pénales, les magistrats se sont alors retrouvés sans solution de prise en charge et ont dû bricoler des réponse d’urgence pour ne pas laisser ces jeunes à la rue (2).
Il aura fallu trois semaines de bras de fer pour que l’Etat sorte de son silence. Le 22 septembre, le préfet de la Seine-Saint-Denis a annoncé des mesures prises dans le cadre d’une « mobilisation interministérielle » et « de nature à ne pas faire peser sur le département de Seine-Saint-Denis une charge financière excessive ». Le ministère de la Justice, a-t-il annoncé, « va œuvrer à une répartition plus équitable et homogène de l’accueil des mineurs étrangers qui font l’objet d’un placement judiciaire dans les services de l’aide sociale à l’enfance ». La police aux frontières a, par ailleurs, pour consigne de renforcer ses contrôles « afin de maîtriser l’entrée sur le territoire national ». L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) devra parallèlement « se mobiliser, en appui des services départementaux, pour apporter un concours aux mineurs qui peuvent être réadmis dans leur pays d’origine ». Enfin, l’Etat « apportera un soutien financier à la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, administrée par la Croix-Rouge », c’est-à-dire l’espace dédié aux mineurs au sein de la zone d’attente.
Grâce à cette « péréquation » entre les départements, « le sort de ces mineurs va peut-être s’améliorer », se félicite le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui souhaite néanmoins attendre des précisions avant de reprendre leur prise en charge, comme la préfecture le lui a enjoint. Ces nouvelles orientations, estime Claude Bartolone, doivent « se retrouver dans un cadre législatif ».
L’Assemblée des départements de France (ADF) ne veut pas, quant à elle, se contenter d’un « simple transfert, à d’autres départements voisins, de la prise en charge de ces jeunes en grande difficulté ». Dénonçant l’« abandon de la protection de l’enfance » par le gouvernement, son président, Claudy Lebreton, demande « l’ouverture d’une négociation entre le gouvernement et les départements de France afin de parvenir à une solution efficace et durable, à laquelle il serait bon que le nouveau défenseur des droits se joigne ». France terre d’asile réitère, de son côté, son « appel à la responsabilité de l’Etat pour qu’il assure un pilotage solidaire et responsable de la prise en charge des mineurs isolés étrangers en coordination avec les départements et les associations de terrain ». Des solutions existent dans les rapports qui se sont succédé sur le sujet sans avoir été mises en œuvre, rappelle l’association. Préconisée en 2010 par la sénatrice Isabelle Debré (UMP) (3), la création d’un fonds d’intervention alimenté par l’Etat pour aider les départements les plus touchés n’a ainsi jamais été à l’ordre du jour.
France terre d’asile critique également le souhait de renforcer le retour volontaire des mineurs isolés : « Chaque cas doit être examiné avec la plus grande prudence sous le contrôle du juge et en s’assurant des conditions de retour dans le pays d’origine. Or la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant, imposée par la Convention internationale sur les droits de l’enfant, impose généralement le maintien en France. » Enfin, ajoute l’association, l’accent mis sur le contrôle aux frontières en dit long sur la façon dont le gouvernement considère ce jeune public vulnérable : « comme des migrants plutôt que comme des enfants » à protéger.
(2) Voir le blog de Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, sur